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›› Politique intérieure

Hong Kong : Pékin soutenu par les milieux d’affaires et le mouvement de la « majorité silencieuse »

Photo : C’est une première : Le 17 août entre 80 000 et 100 000 personnes ont défilé dans les rues de Hong Kong en brandissant des drapeaux chinois pour protester contre le mouvement de désobéissance civile « Occupy Central » considéré comme potentiellement dangereux pour la stabilité et la prospérité de la R.A.S.

Quel que soit l’angle de vue, c’est un événement : pour la première fois depuis le 1er juillet 1997, date de la rétrocession, le dimanche 17 août, la mouvance favorable aux hommes d’affaires et opposée aux désordres a réussi à organiser à Hong Kong une assez vaste manifestation pour protester contre les actions de « Occupy Central with peace and love », mouvement pro démocratique de désobéissance civile qui menace de paralyser le centre de la Région Administrative Spéciale si ses exigences pour une élection du prochain gouverneur au suffrage universel ne sont pas acceptées par Pékin.

La manifestation « anti Occupy » qui a rassemblé de 80 000 à 100 000 personnes, en moyenne plus âgées que les protestataires de juillet dernier en faveur d’un authentique suffrage universel, a rallié les organisations professionnelles et les milieux d’affaires venus en groupes constitués brandissant assez souvent des drapeaux chinois.

Les réseaux sociaux pro démocratiques ont mis en doute la spontanéité du rassemblement et insinué que ce dernier était piloté par les milieux d’affaires qui craignent avant tout l’impact négatif sur l’économie d’éventuels désordres provoqués par la désobéissance civile « d’Occupy Central ». Il reste que la manifestation était accompagnée d’une pétition signée par l’actuel gouverneur Leung Chun-ying et 1,4 millions de Hong-Kongais.

La mobilisation constitue une bonne fortune pour Pékin qui craint la menace que ferait peser en Chine une contagion démocratique à partir de Hong Kong. Il est peu probable que, sous la forte pression du mouvement Occupy Central, le Bureau Politique accepte les conditions exigées par les mouvements démocratiques qui réclament la complète indépendance du scrutin de 2017 et la non interférence de Pékin dans la nomination des candidats à la gouvernance de la RAS.

Une recrudescence des tensions est donc probable à la fin août quand l’Assemblée Nationale Populaire rendra publiques les instructions pour l’organisation des élections de 2017 destinées à choisir le nouveau gouverneur.

Lire notre article sur sur l’élection de Leung en 2012 : Hong Kong : L’énigmatique Leung Chun-ying porté au pouvoir par Pékin.

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Refus des actions radicales.

Photo : Robert Chow à droite, un des animateurs du mouvement de la « majorité silencieuse » et Benny Tai Yiu-ting, un des fondateurs de « Occupy Central » débattent lors d’une émission de la radio de Hong Kong.

L’un des hommes qui, le 17 août, ont mis en mouvement « l’alliance pour la paix et la démocratie » fondée le 3 juillet 2014 pour contrer le mouvement « Occupy Central » est aussi l’un des 6 fondateurs de la « majorité silencieuse pour Hong Kong ». Il s’appelle Robert Chow Young, 64 ans.

Journaliste et commentateur politique proche de la station publique de radio télévision de Hong Kong RTHK fondée en 1928, Chow qui a souvent critiqué sur les ondes le gouvernement de Hong Kong, se défend d’être favorable à la Chine où, dit-il, il ne se rend épisodiquement que pour jouer au golf. Il réfute également les accusations d’opportunisme politique et dément les rumeurs qui doutent de son patriotisme fondées sur le fait qu’il détient un permis de résidence au Royaume Uni.

Comme les membres de l’alliance qui regroupe une quarantaine d’intellectuels, Chow se dit lui aussi favorable au suffrage universel et à la démocratie, mais opposé au radicalisme perturbateur et potentiellement violent de « Occupy Central ». Cette profession de foi politique est d’ailleurs transcrite dans le nom chinois de l’alliance : 保普選反佔中大聯盟 (Bao Pu Xuan, Fan Zhan Zhong Da Lien Meng = défendre le suffrage universel, s’opposer à l’occupation de Central), créée il y a quelques semaines ce qui lui confère une image à la fois réactive et opportuniste.

Une bonne aubaine pour le Parti.

Le mouvement a également reçu l’appui du parti pro Pékin dit de « l’Alliance démocratique pour le progrès à Hong Kong », de la fédération des syndicats et du nouveau Parti du Peuple proche de la Chine, créé en janvier 2011 par Régina Ip Lau Suk-yee (64 ans), membre du Conseil Législatif, ancien membre du gouvernement de la RAS, responsable de la sécurité.

Après avoir été battue une première fois aux élections partielles du Conseil Législatif en 2007 pour la circonscription de l’Île de Hong Kong, elle a été élue en 2008 et 2012. « Nous voulons nous aussi la démocratie répète Robert Chow, mais pas à n’importe quel prix ». Il ajoute « si vous voulez le suffrage universel, négociez avec Pékin, mais ne créez pas le chaos ».

Alors que le Bureau politique craint la contagion démocratique et que, visant une fois de plus les États-Unis, il dénonce les intrusions néfastes venues de l’extérieur qui créent les désordres et durcissent les conflits, la mobilisation du 17 août vient à point nommé pour riposter au mouvement « Occupy Central ».

Au passage il faut noter la remarquable cohérence du discours international de la Chine qui partout, de l’affaire ukrainienne au Moyen Orient en passant par la mer de Chine du sud et les controverses avec le Japon, dénonce les effets pervers potentiellement catastrophiques pour la stabilité et l’harmonie des intrusions américaines. Lire aussi notre article Hong Kong : Pékin se cabre.

« Occupy Central » exige un suffrage universel authentique.

Benny Tai Yiu-ting, professeur associé de droit constitutionnel et de droit administratif à l’Université de Hong Kong, fondateur avec quelques autres de « Occupy Central » en janvier 2013, critique l’amateurisme de Robert Chow qui, dit-il, ne propose rien de concret et ne donne pas sa version du suffrage universel dont il laisse les modalités à l’appréciation de Pékin. Pour les fondateurs du mouvement qui reçoit le soutien d’une importante proportion de la population plus jeune (89% des jeunes de 18 à 29 ans interrogés par sondage fin 2013 se considèrent d’abord Hongkongais avant de se dire Chinois), le défi du suffrage universel vise à préserver la complète autonomie de la RAS, définie par l’accord « Un pays deux systèmes », fondement de la rétrocession de 1997.

A cet effet, le mouvement exige, comme prévu par la décision du 29 décembre 2007 de la Commission des lois de l’ANP à Pékin, qu’un suffrage universel authentique soit mis en œuvre dès l’élection du prochain gouverneur en 2017, conformément à la lettre de l’article 45 de la loi fondamentale qui émet cependant quelques réserves et définit des conditions liées à la situation politique dans la RAS : « le gouverneur de la RAS de Hong Kong est choisi par voie d’élection ou par des consultations locales et nommé par le gouvernement de la République Populaire (…). »...

...« Le procédé de sélection sera arrêté au vu de la situation dans la RAS et mis en œuvre de manière progressive et ordonnée. Le but est de parvenir à l’élection du gouverneur au suffrage universel direct à partir d’une liste de candidats nommés par un comité largement représentatif conforme aux procédures démocratiques ».

Le texte de la décision de 2007 de la Commission des lois ajoutait qu’après le gouverneur, le Conseil législatif (Legco) pourrait également être élu au suffrage universel direct, sans cependant préciser la date. (Voir aussi Hong Kong Constitutional Instruments).

Méfiances de Pékin.

A Hong Kong les mouvements démocratiques ne croient pas que Pékin s’abstiendra d’interférer dans la nomination des candidats et anticipent que l’élection d’un gouverneur proche de Pékin restreindra les libertés dont bénéficie encore la RAS. Durant l’année 2014, le bureau politique qui, le 10 juin dernier, a publié un Livre Blanc exposant une version rétrécie de l’autonomie, a, à plusieurs reprises, laissé filtrer sa vigilance envers les conditions de mise en œuvre du suffrage universel et sa méfiance à l’égard des candidatures non approuvées par le Parti.

En mars Zhang Dejiang, n°3 du régime et président de l’Assemblée Nationale Populaire avait expliqué aux délégués de Hong Kong venus assister à la session annuelle de l’Assemblée que la démocratie à l’occidentale ne pourrait pas être appliquée telle quelle à Hong Kong, sous peine avait-il dit d’enfermer la RAS dans un « piège démocratique aux conséquences désastreuses. »

En juillet 2014 au cours d’une réunion à Shenzhen à laquelle assistait le gouverneur Leung Chun-ying et Wang Guangya en charge des Affaires de Macao et Hong Kong à Pékin, Zhang Dejiang avait indiqué que la Chine n’avait pas l’intention de peser outre mesure dans les affaires de la RAS, mais il avait rappelé que l’élection au suffrage universel du gouverneur se ferait conformément aux instructions de l’Assemblée Nationale Populaire et que le futur gouverneur devrait avoir fait la preuve de sa fidélité à la Chine et à Hong Kong.

Il avait également répété la mise en garde du Parti contre le caractère illégal du mouvement « Occupy Central » déjà faite par le Vice-Président Li Yuanchao lors d’une visite à Hong Kong en avril. Ce dernier avait expliqué à des journalistes que le Parti était catégoriquement opposé à toute manifestation de désobéissance civile qui affaiblirait l’économie de la RAS et retarderait la mis en œuvre du suffrage universel.

Retour probable des tensions.

Photo : Le 2 juillet dernier, la police de Hong Kong avait évacué de force les manifestants de « Occupy Central » que Pékin considère hors la loi. 511 personnes avaient été arrêtées.

Benny Tai qui interprète ses mises en garde comme des manifestations d’inquiétude du Parti a promis de paralyser le centre de Hong Kong si Pékin étouffait les espoirs démocratiques de la RAS en insistant pour contrôler la nomination des candidats au poste de gouverneur. Il n’aura pas longtemps à attendre pour être fixé. A la fin du mois d’août l’ANP publiera ses directives au gouvernement de la RAS en vue de l’organisation de l’élection de 2017.

Sauf modification radicale de sa stratégie, il est peu probable que le Parti cède sous la pression aux exigences « d’Occupy Central ». Ce dernier réagira d’autant plus qu’il doit relever défi de la concurrence du mouvement de la « majorité silencieuse ».

Le Parti ayant, par la voix de ses plus hautes autorités, répété que la désobéissance civile prônée par Benny Tai était illégale, on peut s’attendre à des arrestations et des échauffourées avec la police dont l’ampleur dépendra de l’audience du mouvement à Hong Kong qui, on le sait, ne fait pas l’unanimité, même dans la mouvance démocratique de la R.A.S. Beaucoup considèrent en effet que l’opposition frontale avec la Chine ne fera pas avancer la cause de la démocratie à Hong Kong, au contraire.

 

 

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