Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

 Cliquez ici pour générer le PDF de cet article :

›› Société

Le Pape François en Corée. Retour sur les relations entre le Vatican et la Chine

Voilà 15 ans qu’un chef de l’église catholique ne s’était pas rendu en Asie. Dans cette partie du monde où, hormis l’exception philippine (93% de catholiques), la proportion de Chrétiens varie entre 0,4% au Japon et 10,4% en Corée du Sud (avec 2,4 % en Chine - 30 millions de protestants et 6 millions de catholiques -, 2,3 % en Inde et 6% au Vietnam), le dernier voyage d’un souverain pontife remonte à la visite en Inde de Jean-Paul II en 1999.

Le point d’orgue du voyage de 5 jours du Pape François (du 14 au 18 août) fut une messe à la cathédrale de Myeongdong à Séoul – dont le diocèse fut le refuge des dissidents pro-démocratiques durant la dictature du Général Park (1971 – 1979), le père de l’actuelle Présidente -. L’office fut célébré le 18 août pour implorer « la grâce de la réconciliation et de la paix » sur la péninsule devant une foule nombreuse au sein de laquelle se trouvaient des femmes coréennes esclaves sexuelles de l’armée japonaise durant le 2e conflit mondial.

Mais quand le Souverain Pontife aborde l’Asie, quelle que soit sa destination, resurgissent toujours les réminiscences des querelles de l’Église avec Pékin dont les racines plongent loin dans l’histoire. Les controverses modernes dont certaines ne sont que le prolongement de malentendus et de rancoeurs qui datent de plus de trois siècles, touchent à la nomination des évêques par le Saint Siège que le Parti réfute, à l’existence en Chine d’une église souterraine fidèle à Rome considérée par le régime comme politiquement dissidente et enfin aux relations de la Papauté avec Taïwan, inacceptables pour la Chine. Récemment les périodes de tensions n’ont pas manqué.

Et on peut douter qu’elles s’apaisent dans un avenir proche, même si certains espèrent que l’avènement d’un Pape non européen, jésuite de surcroît pourrait marquer le début d’un compromis entre le Vatican et Pékin.

++++

Méfiances, incompréhensions et raidissements.

En juillet 2012, le cardinal Thaddeus Ma Daqin évêque de Shanghai, ordonné par l’Église officielle et le Vatican a renoncé à l’Église officielle dite « patriotique ». le Parti l’a placé en résidence surveillée.

Pour résumer les tensions entre la Papauté et la Chine on citera deux séries d’événements qui renvoient au gouffre des différences politiques et culturelles. La première qui restera comme un exemple des incompréhensions historiques est décrite en détail par le Père Jean Charbonnier des Mission Étrangères de Paris (M.E.P) dans un livre explicatif de 250 pages relatant l’épisode qui crispa beaucoup Pékin, de la canonisation par Jean-Paul II de 120 chrétiens (87 chinois et 33 étrangers) le jour même de la fête nationale chinoise, le 1er octobre 2000 [1].

Les dirigeants chinois et nombre d’intellectuels considérèrent que la coïncidence était une provocation, puisque pour le Parti Communiste, les martyrs chrétiens morts en Chine souvent dans d’atroces souffrances, n’étaient que des agresseurs étrangers membres d’un complot anti-chinois.

Dans un article publié dans le numéro de décembre 2000 de Perspectives Chinoises, Benoît Vermander, jésuite français, Directeur de l’Institut Ricci de Taipei, raconte que 4 jours après la canonisation, une vingtaine d’universitaires chinois s’étaient réunis à Pékin pour dénoncer les crimes des missionnaires étrangers et de ceux qui les avaient suivis, considérés comme partie intégrante de l’agression extérieure contre la Chine.

Les martyrs chrétiens « agents impérialistes »

Parmi les canonisés, le séminaire cita même les pères Franciscus de Capillas, Dominicain espagnol décapité à Fuzhou en 1648, Auguste Chapdelaine des M.E.P, enfermé dans une cage de fer jusqu’à ce que mort s’ensuive en 1856 dans le Guangxi, et Alberico Crescitelli, prêtre de l’Institut Pontifical des Missions Etrangères massacré par le Boxeurs en 1900 dans le Shaanxi.

Tous trois, injustement sacrifiés, furent pourtant désignés en 2000 par les intellectuels comme des «  agents impérialistes  » et « exécrés comme tels jusqu’à aujourd’hui par le peuple chinois ».

Il est évident que ces trois martyrs furent victimes des circonstances politiques liées à la fois à l’invasion de la Chine par les puissances occidentales et à l’affaiblissement du pouvoir impérial qui cherchait des boucs émissaires. Le cas du Père Chapdelaine est encore plus complexe, puisqu’il fut accusé par Pékin d’avoir prêté main forte à la révolte musulmane des Panthay (1856 - 1872) dans le sud du Yunnan.

Mais pour le Vatican, le 1er octobre ne renvoyait pas à l’anniversaire de l’avènement de la Chine communiste, mais à la fête de Saint Thérèse de Lisieux, patronne des Missions.

Pour le Saint Siège, la canonisation honorait des hommes cruellement et injustement mis à mort, animés d’une foi et d’une conviction admirables qui les conduisirent, parfois imprudemment et au mépris de leur sécurité, à organiser et à assister les communautés chrétiennes naissantes, y compris contre les abus des pouvoirs locaux.

Benoît Vermander avance l’hypothèse qu’à Rome on avait « oublié  », ou « qu’on ne savait pas » que le 1er octobre était la fête nationale chinoise. C’est peu probable. Mais c’est sans importance.

Le télescopage des dates n’était qu’un prétexte. Les différends ne sont pas conjoncturels, mais de l’ordre de l’essentiel et les crispations auraient eu lieu de toutes façons.

Un an plus tard, Jean-Paul II avait tenté de corriger les malentendus de l’épisode par un discours prononcé le 24 octobre 2001 où il demandait « pardon, compréhension et indulgence à tous ceux qui ont pu se sentir blessés d’une manière ou d’une autre par des actions commises par des Chrétiens  ».

Mais en Chine les plus conservateurs n’y ont pas vu une initiative d’apaisement, mais seulement des excuses logiques après le camouflet du 1er octobre 2000.

La querelle des ordinations.

La deuxième circonstance qui attisa les crispations est une récurrence liée à la controverse sur la nomination des évêques, depuis des lustres à la racine des hauts et des bas dans la relation.

En juillet 2012 Thaddeus Ma Daqin nommé deux mois avant évêque auxiliaire de Shanghai par l’église officielle ou patriotique, également approuvé par le Vatican, utilisa la cérémonie de son ordination pour faire dissidence par une déclaration publique lue pendant la messe où il disait renoncer à ses fonctions dans l’Église officielle.

Les fidèles présents applaudirent, tandis que les membres du Parti et de l’Église patriotique quittèrent l’office en signe de protestation. Pékin qui reçut la rébellion du jeune évêque comme un camouflet et s’inquiéta d’une possible contagion, réagit brutalement en arrêtant Monseigneur Ma Daqin qui fut placé en résidence surveillée dans un séminaire où il se trouve toujours.

Ce regain de tensions faisait suite à des efforts réciproques pour apaiser la relation, inaugurés en 2007 par Benoît XVI. Dans une lettre à l’Église patriotique, le prédécesseur du Pape François proposait des échanges d’informations et un modus vivendi destiné à éviter à la fois les ordinations rivales et la persécution des prêtres qui refusent d’intégrer l’Église patriotique.

Mais alors que la presque totalité des évêques sont aujourd’hui nommés à la suite d’une consensus entre le régime et le Vatican, ce qui signale de réels progrès dans la relation, les crispations réapparurent en 2010 et 2011 à la suite d’une succession d’ordinations par Pékin, sans l’accord du Saint-Siège.

En novembre 2010, l’Église patriotique ordonna l’évêque de Chengde contre l’avis du Vatican et annonça le mois suivant qu’elle ordonnerait sans délais plusieurs dizaines d’autres prélats. Six mois plus tard, le 26 juin 2011, la police arrêtait à Handan (Hebei) Joseph Sun Jigen dont l’ordination approuvée par le Pape devait avoir lieu le 29 juin. Le mois suivant le Vatican réagissait en excommuniant l’évêque Paul Lei Shiyin ordonné par la Chine au Sichuan et menaçait de « sérieuses conséquences canoniques » pouvant aller jusqu’à l’excommunication, les 7 évêques qui avaient assisté à l’ordination.

Harcèlement des Chrétiens au Zhejiang.

Depuis le printemps 2014 les lieux de culte sont privés du symbole de la Croix, d’autres sont démolis.

Les tensions durent encore. Elles touchent les 6 millions de Catholiques et les 24 millions de protestants qui s’ajoutent aux dizaines de millions de fidèles de l’Église non officielle, dont le nombre est mal connu. Au passage signalons que tous les chiffres sur la population chrétienne de Chine sont à considérer avec la plus extrême prudence.

Une chose est sûre, la province du Zhejiang où la proportion des Chrétiens est plus forte qu’ailleurs, est actuellement touchée par une série de harcèlements que certains fidèles comparent aux avanies anti-religieuses de la révolution culturelle.

Le 30 juillet dernier, l’évêque de Wenzhou, Vincent Zhu Weifang et la communauté des prêtres de la ville ont dénoncé une campagne de « persécutions contre la foi catholique » qui visent à ôter les croix sur les toits et les clochers des églises et parfois à détruire les lieux de culte. Dans la région une quarantaine d’églises ont reçu un préavis des autorités les prévenant d’une prochaine destruction.

Trois semaines plus tôt 200 fidèles du village de Guangtou près de Wenzhou dont la proportion de Chrétiens approche les 15% avaient repoussé une escouade de police anti émeutes venue retirer la croix de leur église.

En avril dernier l’imposante église de la commune voisine de Sanjiang au style hybride et à l’esthétique discutable dont la construction avait coûté 5 millions de $, mais déclarée « construction illégale », a été détruite sous les yeux des fidèles en prières seulement une année après avoir été inaugurée. Pour les fidèles, l’intention politique est claire : le regain d’intolérance serait orchestré par le plus hautes autorités du pays dans le cadre de la campagne de rejet des influences étrangères et de la promotion des valeurs traditionnelles de la culture chinoise.

Mise à jour le 19 septembre.

A la mi-septembre, Pékin a bloqué un reportage de CNN sur les harcèlements contre les Chrétiens dans la région de Wenzhou. On y retrouve les faits et quelques unes des analyses développées ci-dessus, à quoi il faut ajouter des estimations à prendre avec des pincettes sur l’avenir du Christianisme en Chine.

S’il est en effet exact qu’on assiste à une « urbanisation  » de la population des fidèles qui, incontestablement, pose un problème au Parti toujours inquiet des effets politiques des regroupements mystiques, en revanche, il faut remettre en perspective les projections quantitatives de l’article quand il estime que dans « à peine 15 ans le nombre de Chrétiens en Chine pourrait dépasser celui des États-Unis, quantitativement premier pays catholique de la planète ».

Si en effet rien n’interdit de penser qu’en 15 ans le nombre de Chrétiens en Chine aujourd’hui estimé à plus de 50 millions (le chiffre est hypothétique) pourrait doubler, il n’empêche que la religion chrétienne resterait encore un phénomène marginal représentant entre 6 et 7% de la population.

(Note de contexte : selon un recensement vieux de 2 ans,les États-Unis comptent 68,5 Millions de Catholiques et près de 40 millions de protestants répartis en plusieurs obédiences (Baptistes, Méthodistes, Église des derniers Saints, Église de Dieu dans le Christ).

Pour l’heure tenons-nous en aux faits : Dans cette région de Wenzhou, les Chrétiens qui restent très minoritaires en Chine, sont victimes d’un étrange harcèlement obstiné sous prétexte de mises au normes architecturales des édifices.

A ce sujet la vérité oblige à dire que ces édifices ne brillent ni par leur esthétisme, ni par leur harmonieuse intégration dans le paysage urbain ; de même certaines croix de toute évidence surdimensionnées et peintes en rouge - voir la photo ci-dessus - sont plus proches de la provocation que du symbole religieux apaisant.

Dans le contexte actuel de méfiance à l’égard des influences occidentales, la motivation politique des destructions d’église et de la campagne d’élimination des croix au-dessus des édifices religieux est probable. Elle serait confirmée par une note confidentielle de l’appareil qui aurait baptisé la campagne en cours : « trois rectifications et une démolition - 三 个整改, 一 个拆迁 ».

Enfin, il est vrai que, s’attaquant ainsi aux symboles de la foi dans un pays en mal de repères spirituels, le Parti joue avec le feu. Une question reste entière : l’initiative de la campagne vient-elle du Centre ou des autorités locales ?

++++

Joseph Zen, le cardinal militant.

En juillet 2012, le Cardinal Joseph Zen au centre, manifeste devant le siège du Parti à Hong Kong pour protester contre la mise en résidence surveillée du Cardinal Mattheus Ma Daqin.

Tous ces malentendus, controverses et tensions se sont invités à la messe du 18 août à la cathédrale de Myeongdong à Séoul aux côtés du Pape en la personne du Cardinal Joseph Zen (82 ans) qui suivit les cinq jours de la visite du Souverain Pontife en Corée du Sud.

Nommé évêque de Hong Kong par le Vatican en 1996 et élevé à la dignité de cardinal en 2006, Joseph Zen, shanghaïen de naissance, a très souvent critiqué la Chine pour ses atteintes aux droits de l’homme et l’absence de démocratie. Depuis sa retraite en 2009, il appuie sans réserves les mouvements démocratiques de la Région Administrative Spéciale et s’exprime souvent pour la défense des Catholiques en Chine.

Docteur en théologie de l’Université Saint-François de Sales de Rome, Joseph Zen défend le militantisme politique des prêtres : « ceux qui disent que les prêtres doivent s’en tenir à la prière n’ont rien compris à ce qu’est l’Eglise  ».

Lors de la canonisation controversée des 120 martyrs vertement critiquée par Pékin, il avait publié plusieurs articles pour prendre la défense des missionnaires ; en 2001, il avait pris le parti de Falun Gong que le gouvernement chinois et son représentant à Hong Kong, Tung Chee-hwa, considéraient comme « une secte diabolique » ; en 2003 il s’était opposé avec vigueur aux articles anti-subversion très liberticides que Pékin tenta d’introduire dans la Loi Fondamentale.

Plus tard, il s’était rangé du côté des parents et des intellectuels qui protestaient contre un projet de « curriculum patriotique » dans les écoles primaires destiné à promouvoir le sens de l’identité nationale chinoise, dont les premiers programmes tronqués et partisans furent considérés par plusieurs hautes personnalités de monde éducatif hongkongais comme de « l’endoctrinement plutôt que de l’éducation ».

Les Jésuites en Chine. Succès et controverses.

Alors que tout semble indiquer que, cette fois encore, le nouveau Souverain Pontife ne parviendra pas plus que ces prédécesseurs à « normaliser » ses relations avec la Chine, tant les différends sont enkystés dans l’histoire à quoi s’ajoutent les rivalités et les malentendus culturels et politiques aujourd’hui exacerbés par le branle-bas idéologique du Parti contre les « influences étrangères » et en premier lieu occidentales, il reste à considérer l’élément nouveau, peut-être porteur d’un ajustement de la position du Vatican, est l’élection à la tête de l’Église catholique d’un prélat non européen (le premier depuis le Syrien Grégoire III au VIIIe siècle), et surtout du premier Pape issu de la Compagnie de Jésus.

A cet égard le nouveau Saint-Père ne peut pas ignorer que les premiers contacts très fructueux entre l’Occident et la Chine furent établis à la fin du XVIIe siècle grâce à l’érudition, l’habileté et le travail inlassable des Jésuites qui, de Matteo Ricci (1552 – 1610) à la mission envoyée en 1685 à la cour des Qing par le roi Louis XIV, jetèrent les premiers ponts entre l’Europe et le vieil Empire du Milieu.

Porteurs d’un projet religieux prosélyte, les Jésuites mirent en œuvre une stratégie oblique de conversion de l’Empire par le haut et au moyen de la science qui eut d’abord beaucoup de succès, au point qu’en 1741, lors du décès du Père Dominique Parrenin, l’un des plus célèbres Jésuites, le frère de l’Empereur Kangxi (1662 – 1722) assista à ses funérailles.

Les ennemis du dogmatisme accusés de duplicité.

S’étant dès leur fondation en 1540 par Ignace de Loyola, donné la mission prioritaire de l’éducation de la jeunesse, les Jésuites, également connus pour être les « intellectuels au sein de l’Église » ayant fait vœu d’obéissance absolue au Pape et à Dieu (c’est une originalité unique), se sont distingués au cours de l’histoire par la création d’établissements d’enseignement prestigieux et leurs actions d’évangélisation en Afrique et en Asie.

Au XVIIe siècle en France, on les retrouve en première ligne d’une querelle dialectique contre l’intransigeance morale des Jansénistes, à qui ils opposèrent la « casuistique » prônant le pragmatisme de l’examen de chaque cas particulier (d’où le terme de « casuistique »), privilégiant une approche moins péremptoire et moins radicale qui finit pourtant par leur conférer dans les cercles les plus doctrinaires, une image de laxisme, voire d’hypocrisie.

La « querelle des rites. »

C’est précisément l’angle choisi par les ordres missionnaires rivaux dont les Dominicains, pour lancer la « querelles des rites » qui accusa les Jésuites de manipuler les dogmes religieux catholiques pour tenter de réaliser l’impossible synthèse entre la vision chrétienne d’un Dieu créateur à visage humain qui juge, punit ou pardonne et la cosmologie religieuse chinoise d’une Divinité impersonnelle « une forme sans contours une image sans objet » comme l’écrivait Han Fei Zi(韓非子)il y a 23 siècles, à l’origine de l’Ordre et de l’Énergie de l’univers.

Plus précisément, la « querelle des rites » est restée dans l’histoire parce que les Jésuites autorisaient leurs convertis à honorer les ancêtres au travers des rites confucéens. La polémique au sein de l’Église finit, en dépit de l’indéniable succès des Jésuites en Chine, par effrayer les Chinois eux-mêmes et aboutit à l’interdiction des prêtres catholiques, à leur persécution puis à leur expulsion de Chine.

Beaucoup d’eau a passé sous les ponts, mais, on le voit, l’incompréhension fondamentale demeure. Elle est nourrie par les différences mystiques et culturelles et aggravée par l’hostilité politique à l’égard de l’étranger qui refait surface périodiquement. Le Pape François parviendra t-il à surmonter ces obstacles ? Compte tenu des analyses qui précèdent, le scepticisme est de rigueur.

On peut cependant spéculer sur le souci du Saint-Père d’éviter un schisme des Catholiques en Chine au prix d’accommodements avec le régime, dont peut-être François ne mesure pas les risques.

Un vaste fossé culturel

Il est vrai qu’en ces temps d’affaiblissement de l’idéologie communiste et de vide spirituel, la persistance des inégalités et les dérapages éthiques des cadres corrompus pourraient être des adjuvants de la foi catholique qui fut souvent le ferment des contestations politiques.

Mais, au fond, la vision chrétienne d’un Dieu créateur, à la fois censeur et tolérant, maniant le châtiment et le pardon à l’intention de chaque individu est peu conciliable avec la cosmologie mystique chinoise d’un monde incréé, en perpétuel changement, ordonné par une énergie vitale sans forme qui résiste à toute représentation concrète.

Et rien n’empêchera les plus nationalistes des élites politiques héritières du Taoïsme, de Confucius et des Han de considérer les convertis à une religion chrétienne comme des « traîtres » à la culture traditionnelle chinoise.

Dans ce contexte, les questions de fond concrètes restent en effet en suspens, parmi lesquelles celle de la nomination des évêques par le Pape, avec son corollaire politiquement très sensible de la liberté d’organisation des Catholiques en Chine, ou encore celui des rapports entre l’église patriotique et l’église d’obédience romaine.

Pour l’heure, en dépit du fossé culturel et tandis que quelques dizaines de Chinois qui avaient l’intention de se rendre à Séoul reçurent des mises en garde des autorités (Reuter du 14 août), le Vatican et Pékin se sont adressés des signes de bonne volonté.

Alors que, lors des voyages de Jean-Paul II en Asie (Philippines 1995 et Inde 1999) l’avion pontifical n’avait pas reçu l’autorisation de survoler la Chine, cette fois l’interdiction fut levée. Conformément au protocole diplomatique du Vatican, le Pape adressa durant le survol un message de courtoisie, de bénédiction et de paix au Président Xi Jinping.

Tout en expliquant qu’il n’avait pas reçu le message - « problème technique » a précisé le Vatican - , le Bureau Politique a confirmé par la voix du porte parole sa disponibilité à négocier avec Rome : « La Chine a toujours sincèrement souhaité l’amélioration des relations avec le Vatican et est prête à engager un dialogue constructif ».

Quant au Saint-Siège, il rappelle que les négociations ne devraient comporter aucun préalable, ni sur la liberté d’organisation pastorale du culte et des communautés religieuses, ni sur les relations avec Taïwan.

Note(s) :

[1« Les 120 martyrs de Chine : canonisés le 1er octobre 2000, » par le Père Charbonnier des Missions Étrangères de Paris, Églises d’Asie (Paris), 256 pages. (ISSN 1275-6865)

 

 

Orage nationaliste sur les réseaux sociaux

[20 mars 2024] • Jean-Paul Yacine

Réseaux sociaux : La classe moyenne, l’appareil, les secousses boursières et la défiance

[19 février 2024] • François Danjou

L’obsession des jeux d’argent et les proverbes chinois

[19 janvier 2024] • La rédaction

Les tribulations immobilières de Liang Liang et Li Jun

[2 décembre 2023] • Jean-Paul Yacine

Au fil des réseaux sociaux, les faces cachées des funérailles de Li Keqiang

[7 novembre 2023] • Jean-Paul Yacine