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›› Editorial

L’apaisement de l’APEC et les hésitations du destin

Photo : Réception de bienvenue de l’APEC le 10 novembre. De gauche à droite, le sultan de Brunei Hassanal Bolkiah, Vladimir Poutine, Xi Jinping, son épouse Peng Liyuan et Barack Obama. Photo New York Times.

Durant la semaine du 10 au 14 novembre ont eu lieu à Pékin et à Naypyidaw, au Myanmar les deux réunions annuelles au sommet de l’APEC (Asia Pacific Economic Cooperation qui regroupe 21 pays des deux rives du pacifique) et de l’ASEAN qui rassemble les 10 pays de l’Asie du Sud-est + la Chine, la Corée du Sud, le Japon et les États-Unis.

Au fil du temps, ces deux événements sont devenus le théâtre de la rivalité de puissance et d’influence entre Pékin et Washington à quoi s’ajoutent les aigreurs historiques enkystées des relations sino-japonaises qui expriment partout en Asie de l’Est, du Sud et du sud-est une concurrence stratégique entre Tokyo et Pékin pour le magistère régional sur rives orientales du Pacifique.

Pourtant la dernière réunion de l’APEC où Pékin et Washington ont fait état d’un accord surprise sur le climat, a apporté une touche d’apaisement dans ce paysage méfiant et conflictuel. L’épisode a également vu les prémisses d’un rapprochement encore difficile mais bien réel entre la Chine et le Japon.

Même si aucun des lourds contentieux qui traversent la région n’est réglé, la détermination exprimée par Pékin et la Maison Blanche pour tourner le dos aux raidissements est évidente. Elle diffuse le sentiment que, pour la première fois, les deux rivaux se sont accordés pour prendre à bras le corps un des problèmes majeurs de la gouvernance mondiale.

Mais beaucoup d’inconnues planent sur cet apaisement fragile : les contraintes de politique intérieure et des populismes conservateurs en Chine et aux États-Unis, la rivalité entre Pékin et Tokyo, les visions opposées et souvent conflictuelles des relations internationales vues de la Maison Blanche et de Zhongnanhai et le poids de l’alliance sino-russe.

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Photo : En 2012, un chalutier chinois et deux garde-côtes japonais au large de l’île Uotsuri, une des îles de l’archipel des Senkaku (Diaoyu en Chinois). Photo : Yomiuri Shimbun, Masataka Morita.

Une trajectoire conflictuelle.

Depuis quelques années, la compétition entre les États-Unis, la Chine et le Japon qui sont aussi les premières puissances économiques de la planète, s’est cristallisée et durcie autour de deux piliers de la stratégie globale de la Maison Blanche devenus de sérieux points d’achoppement : annoncée au début 2012 au milieu de postures martiales, la bascule stratégique des États-Unis vers le Pacifique occidental et le lancement du Trans Pacific Partnership (Partenariat Transpacifique), dont la Chine est exclue. Tous deux sont vus par Pékin comme une volonté délibérée de Washington de contrebalancer l’influence de la Chine en Asie et de gêner sa montée en puissance.

En réponse, Pékin a considérablement renforcé sa marine de combat et sa flotte de sous-marins et a lancé la construction d’une série de porte-avions. En même temps ses initiatives d’accords commerciaux de libre échange déjà très denses avec les 10 pays de l’ASEAN, le Japon et la Corée du sud (les derniers en date avec le Cambodge, le Myanmar, le Vietnam et le Laos doivent entrer en vigueur en janvier 2015), ont récemment été étendues à une proposition de pacte encore dans les limbes, appelé « Zone de libre échange de l’Asie Pacifique ».

Ce dernier est le concurrent chinois du Partenariat Transpacifique américain, qui lui-même butte au Japon et dans plusieurs autres pays de la région sur la clause imposée par Washington de suppression complète des taxes.

En fond de tableau, une longue série de différends qui vont de tarifs douaniers et du respect des lois du marché aux droits de l’homme en passant par le « cyber-espionnage », les querelles territoriales en Asie de l’Est et la liberté de navigation en mer de Chine.

Cette dernière est le sujet d’une controverse qui s’envenime régulièrement, utilisée comme un levier de pressions contre les exorbitantes revendications territoriales de Pékin par Tokyo, Washington et même récemment par New-Delhi.

Elle prend en otages les petits pays riverains de la Mer de Chine dont les marges de manœuvre sont faibles au milieu des rivalités des grandes puissances, mais dont les crispations – notamment celles de Hanoi et de Manille - placent la région dont presque tous les budgets de la défense sont en hausse, sur une trajectoire inquiétante au-dessus de laquelle plane le spectre d’un dérapage militaire.

Des conceptions des relations internationales opposées

A l’étage supérieur deux visions des relations internationales et du monde, affichées par la Maison Blanche et le Parti communiste chinois, autour de laquelle gravitent les autres acteurs. D’une part, le rôle global que s’attribuent les États-Unis et que le Président Obama a répété à Pékin : « guider le monde dans la solution des défis de la planète ». Un des leviers de cette mission auto-attribuée étant la diffusion des principes démocratiques dont les États-Unis s’estiment les dépositaires.

D’autre part, l’appel chinois à l’émergence d’un monde multipolaire dont l’organisation s’éloignerait des arrangements de l’après-guerre conclus à l’avantage de l’Occident et des États-Unis et où règnerait un esprit de coopération et d’échanges équilibrés.

Surtout, répète Pékin, cette nouvelle organisation du monde serait à l’avantage commercial et économique de tous, dans le respect des particularités politiques et culturelles de chacun, excluant systématiquement l’ingérence dans les affaires intérieures des autres, condition de la paix.

Telle est la substance du message que le Président Xi Jinping a adressé à Barack Obama à Pékin, lors du sommet de l’APEC : « l’Océan Pacifique est assez grand pour accueillir le développement de la Chine et des Etats-Unis. Les deux pays devraient, en dépit de leurs différends, travailler ensemble pour contribuer à la sécurité en Asie (…) Chaque partie devrait respecter les préoccupations et les intérêts vitaux de l’autre et s’efforcer de régler les divergences de manière constructive. »

On notera – et il s’agit là d’une incidence qui pourrait exprimer une rupture dans l’arrière plan conflictuel - que les discours américain et chinois contenaient chacun une inflexion majeure qui les démarquait des récentes rhétoriques où l’expression des antagonismes avait progressivement pris le pas sur celle de la conciliation.

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Photo : Le 11 novembre à Pékin les Présidents Xi Jinping et Obama rendent public leur accord sur le climat.

Une inflexion notable dans les discours.

Prenant le contrepied de l’idée selon laquelle la « bascule stratégique vers le Pacifique occidental » participerait d’une stratégie de « containment » anti-chinoise à forte implication militaire, véhiculée par les attitudes et les déclarations de l’administration américaine elle-même, dont l’effet irritant sur Pékin ne peut pas être sous estimé, Barack Obama a insisté sur l’importance du « partenariat avec le pays le plus peuplé de la planète et la 2e économie globale » (…).

Il ajouta même qu’une relation forte et dense avec la Chine constituait « le cœur du pivot » américain vers l’Asie. De même, quand Xi Jinping a appelé Washington à participer à la sécurité dans la région, il tournait le dos aux discours récents où Pékin récusait le rôle stabilisateur de Washington, accusant même l’armée américaine de vouloir y importer le « chaos comme elle l’avait fait au Moyen Orient ».

L’avenir dira si nous sommes en présence d’une sagesse soudaine et de l’expression d’un pragmatisme salutaire qui, confronté à la complexité du monde, anticipe les conséquences catastrophiques d’une course à la confrontation au parfum de blocs et de guerre froide. Ou plutôt de manœuvres tactiques mâtinées de machiavélisme : pour Pékin, l’espoir que les divisions de l’ASEAN favoriseraient ses ambitions territoriales ; pour Washington, la mise en attente de la priorité asiatique par la Maison Blanche à nouveau confrontée à de graves tensions au Moyen Orient face à l’État Islamique en Irak ou en Ukraine, menacée par la Russie.

Au demeurant les aigreurs et les divergences n’étaient pas complètement absentes des discours. Quand Barack Obama a fait allusion à l’exigence démocratique de Hong Kong, Xi Jinping lui a sèchement répondu qu’il s’agissait là d’une affaire intérieure chinoise. A Naypyidaw, Li Keqiang a fermement réitéré la position chinoise opposée à celle de Washington selon laquelle les querelles territoriales en mer de Chine du sud devaient être négociées entre la Chine et chaque État concerné et non pas au sein et au nom de l’ASEAN, avec Washington jouant les bons offices.

Accord sur le climat et volonté d’apaisement.

Mais le fait est que cette année, les sommets de l’APEC et de l’ASEAN ont très clairement édulcoré les sévères crispations énumérées plus haut, pour focaliser au contraire sur la coopération et l’acceptation sereine des différences. La plupart des couvertures de presse ont disserté sur la qualité et la pertinence de l’accord sur le climat conclu par la Chine et les États-Unis et rendu public par surprise à Pékin le 12 novembre par un communiqué commun précédant la conférence de presse conjointe de l’APEC.

Mais il est d’abord important de souligner que la manière dont l’accord a été négocié, en secret et patiemment depuis 9 mois entre Yang Jiechi et John Kerry, est un gage évident de l’intention d’apaisement des deux parties.

Par ailleurs, le fait que les deux plus gros pollueurs de la planète responsables de près de 40% des émissions de gaz à effet de serre soient tombés d’accord constitue un événement dont il est impossible de minimiser la portée. Pour en mesurer l’importance et le chemin parcouru il faut se souvenir qu’au sommet sur le climat de Copenhague en 2009, Pékin et Washington avaient adopté des positions très fermées et conflictuelles. La Chine avait même pris la tête d’une fronde des pays émergents qui, tout à leur développement industriel, refusèrent de prendre leur part des préoccupations écologiques au prétexte que les plus grands pollueurs avaient jusque là été les pays développés.

Certes, l’accord annoncé à l’APEC avec un pic des émissions chinoises fixé à 2030 est encore assez loin du standard de 2020 proposé à Copenhague en 2009, mais l’esprit de coopération affiché à Pékin constitue une rupture radicale par rapport à l’atmosphère d’hostilité qui prévalait il y a 5 ans au Danemark.

Pour la première fois, la Chine qui durant les 15 dernières années a été à l’origine de 60% de l’augmentation du dioxyde de carbone dans l’atmosphère et les États-Unis qui furent les plus grands pollueurs jusqu’en 1997, sont tombés d’accord sur la question globale et essentielle du réchauffement de la planète. Leur connivence nouvelle exercera une pression salutaire sur les pays encore réticents à adopter des mesures contraignantes comme l’Australie, le Canada, le Japon ou l’Inde. Elle prépare efficacement le terrain de la 21e conférence sur le climat du Bourget en 2015.

Ce n’est pas tout. Alors que Pékin et Washington ont également conclu un accord sur les visas et promis d’approfondir leurs relations militaires, Xi Jinping minimisait l’impact de la compétition commerciale entre le Partenariat Transpacifique et les projets chinois de libre échange : « nous ne voyons pas qu’aucun des accords commerciaux de libre échange soit dirigé contre la Chine et nous pensons au contraire que toutes les initiatives régionales devraient pouvoir interagir les unes avec les autres de manière positive ».

Comme pour confirmer cette souplesse nouvelle de Pékin, le 11 novembre, la Maison Blanche annonçait que les deux pays avaient supprimé les droits de douane sur les équipements des technologies de l’information, un accord dont les groupes américains du secteur, sur la sellette en Chine depuis plusieurs années, ne pourront que se féliciter.

Détente prudente mais réelle entre Tokyo et Pékin.

Les tensions entre Washington et Pékin n’ont pas été les seules à baisser d’un cran. Les prémisses d’un apaisement entre la Chine et le Japon sont apparues le 7 novembre quand les deux pays ont, à la surprise des observateurs, annoncé qu’ils avaient l’intention de reprendre le dialogue pour mettre fin à la situation qui, ces dernières années, avait failli les conduire à des incidents militaires directs.

Certes la poignée de main entre Xi Jinping et Shinzo Abe, le 10 novembre, ne fut pas chaleureuse et, sur les photos, les sourires sont figés. Mais il n’en reste pas moins que les deux sont tombés d’accord pour mettre sur pied un mécanisme bilatéral de gestion de crises destiné à prévenir tout dérapage intempestif.

Cette avancée au milieu des lourdes méfiances et récriminations chinoises qui persistent sur les responsabilités japonaises de la guerre accompagnant la querelle autour des îlots Senkaku, fait suite à un dernier incident aérien le 25 mai où deux avions de chasse chinois et japonais s’étaient approchés à moins de 50 m.

Après quoi, mesurant les risques, les deux pays on accepté de prendre une initiative d’apaisement : le 29 octobre, 10 jours avant le sommet de l’APEC, l’ancien Premier Ministre japonais Yasuo Fukuda est venu à Pékin où il a été reçu par Xi Jinping. Le 7 novembre, le porte parole du Waijiaobu confirmait que l’accord en 4 points par lequel les deux pays acceptent de reconnaître leurs divergences et de se parler, jetait les bases d’une amélioration de leurs relations.

Toutefois, les trajectoires conflictuelles ayant été déviées, rien ne dit que les crispations ne resurgiront pas. S’il est vrai que les trois dirigeants ont fait montre d’une grande hauteur de vue, aucun des problèmes en suspens n’a été réglé.

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Photo : Aung San Suu Ki et Barack Obama au domicile de l’opposante birmane le 13 novembre à Rangoon, en marge du sommet de l’ASEAN.

La route est longue vers l’apaisement.

Les contentieux sont toujours là et les sujets ne manquent pas qui pourraient faire dérailler la diplomatie.

Depuis les contrastes entre les visions américaine et chinoise des relations internationales qui touchent également aux tensions au Moyen Orient avec Téhéran et Damas et à l’est de l’Europe avec Moscou, jusqu’aux coups de boutoir répétés de la Chine pour détrôner le rôle du dollar, en passant par la compétition des vastes projets commerciaux et les revendications de souveraineté en mer de Chine du Sud. A quoi s’ajoutent les prises de position répétées de la Maison Blanche en faveur des manifestants de Hong Kong ou encore l’irritation de Pékin excédé par les alliances militaires de Washington avec Tokyo, Manille et Taïwan.

Le Japon, rival de Pékin en Asie du Sud-est.

S’il fallait des exemples concrets des terrains d’achoppements à venir on les trouverait déjà dans les prises de position des acteurs du sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’ASEAN réunis à Naypyidaw au Myanmar du 12 au 14 novembre, immédiatement après l’APEC.

Dans un contexte où dans cette « arrière cour » historique de la Chine qu’est le sud-est asiatique l’empreinte commerciale japonaise à récemment doublé, le Premier Ministre Shinzo Abe a promis l’équivalent de 43 Mds de $ d’aide à l’infrastructure, (routes, voies ferrées, centrales électriques non polluantes, infrastructures portuaires résistantes aux catastrophes naturelles), autant de plates-bandes dont la Chine s’était fait une spécialité et que le Japon piétine systématiquement.

Une partie de cette somme sera consacrée à l’aide au Myanmar où, après l’ouverture du régime à l’ouest, Pékin tente de reconquérir ses positions anciennes. 2,7 Mds de $ ont été dégagés par Tokyo pour annuler la dette de Naypyidaw et 1,5 Mds de $ seront dédiés au financement d’une centrale électrique et d’une zone industrielle, à quoi s’ajouteront la remise à niveau du réseau de distribution électrique et l’aide aux PME.

Surtout, une autre partie des crédits sera dédiée à l’aide – entraînement et équipements – aux marines des pays comme les Philippines et le Vietnam impliqués dans des controverses territoriales avec Pékin.

Par contraste, la réaffirmation du Premier Ministre Li Keqiang selon laquelle la Chine ne transigerait pas sur ses droits souverains en Mer de Chine du sud, sonne comme une mise en garde et dresse déjà un sérieux obstacle sur le chemin du « Code de Conduite », objectif n°1 de l’ASEAN que tous les participants appellent de leur vœux, mais que Pékin qui ne veut pas se lier les mains, tarde à endosser. Lire à ce sujet : Conflits de souveraineté en Mer de Chine du Sud. Code de conduite.

Les irritantes leçons américaines de morale démocratique...

Il est aussi évident que les injonctions de bonne gouvernance assénées par le n°1 américain aux dirigeants birmans sur l’absence de réformes constitutionnelles qui barre la route du pouvoir à Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la Paix comme Barack Obama, et la longue et ostensible visite de ce dernier au domicile de l’opposante au régime sous les caméras de la planète, auront également exaspéré la Chine qui plaide pour la non ingérence et se plaint des intrusions américaines répétées dans la situation à Hong Kong.

…et les perturbations nationalistes des politiques intérieures.

Mais les plus vastes chausse-trapes sur la route de la normalisation des relations entre la Chine, les États-Unis et le Japon, pourraient aussi être creusées à l’intérieur. Aux États-Unis, une partie des Républicains qui contrôlent le Congrès sont opposés aux compromis avec la Chine et prônent le durcissement des alliances militaires pour freiner l’annexion de la Mer de Chine par Pékin. Déjà, des critiques diminuent la portée de l’accord bilatéral sur le climat présenté comme une concession inutile et sans portée réelle.

La mer de Chine du sud « Intérêt vital » chinois.

En Chine, il faudra compter avec le sentiment national exacerbé attisé par le régime lui-même qui gênera toute concession avec le Japon sur les îles Senkaku ou sur la question de la Mer de Chine, que le régime, prisonnier de sa propre rhétorique, présente comme faisant partie de ses « intérêts vitaux », une appréciation qui hérisse les riverains, le Japon et les États-Unis.

A ce jour l’APL qui a installé une base de sous-marins stratégiques à Haïnan et considère la mer de Chine du sud comme une mer intérieure est en effet l’une des plus grandes bénéficiaires des tensions dans la région.

Toute la presse spécialisée chinoise présente la marine et l’armée de l’air modernisées à grands renforts de crédits et de transferts de technologies, comme les « fers de lance » de la bataille contre les ennemis de la Chine, au Japon et ailleurs. Les articles font écho aux récents discours de la direction du régime sur le caractère agressif des unités militaires américaines dans la zone.

Les hésitations du destin.

Un fois de plus la situation stratégique de la région hésite entre apaisement et durcissement militaire. Quand les États-Unis, héritiers de la victoire de 1945 sur le Japon aujourd’hui sous contrôle, prétendent jouer les arbitres des controverses en Mer de Chine de l’Est et du Sud, la Chine également inquiète de la montée en puissance du Japon, les accuse d’ingérences militaire et politique, porteuses de chaos.

Mais cette fois, les enchevêtrements de tensions du Pacifique occidental sont soumis à une occurrence nouvelle portée par l’accord sur le Climat entre Washington et Pékin, dont personne ne peut nier qu’il diffuse, malgré ses imperfections et ses compromis, un parfum nouveau de « gouvernance mondiale », dont chacun aura remarqué qu’il a pris de court les Nations Unies et Ban Ki Moon.

L’autre incidence et non des moindres qui pèse sur la situation dans le vaste Pacifique occidental est qu’elle est, pour l’instant, passée au deuxième plan des préoccupations de la Maison Blanche. Au moment même où la logique stratégique du Pentagone envisageait une bascule vers l’Est et un désengagement hors des vieilles ornières conflictuelles de l’Europe et du Moyen-Orient, voilà que les bruits de ferraille insistants en Irak, en Syrie et en Ukraine ramènent l’Amérique au cœur de tensions où se mêlent la résurgence de réflexes de guerre froide et la carte sauvage du terrorisme islamique radical.

Au-dessus de cette effervescence s’agitent deux leviers aux effets contraires.

Le prosélytisme dogmatique de Washington…

D’une part l’Amérique sûre de son bon droit et de sa mission prosélyte que les élites semblent incapables de remettre en question.

L’observation est le sujet du dernier livre de Francis Fukuyama « Political order and political decay » avec un sous-titre : « From the Industrial revolution to the globalization of democracy » qui mérite attention. On y lit notamment que, même si « l’économie américaine reste une source miraculeuse d’innovations, la gouvernance aux États-Unis est loin d’être une source d’inspiration pour le monde (…). La décadence politique y est en effet plus avancée que dans d’autres démocraties qui se sont montrées capables de s’adapter aux circonstances nouvelles du monde. (…) ».

Fukuyama ajoute que la souplesse dans ce domaine est plus difficile pour les Américains qui considèrent leur constitution « comme un texte quasi religieux » et tiennent toute remise en question des « Pères fondateurs » pour un « blasphème ».

…et l’habileté tactique de Poutine.

La deuxième occurrence qui pèse sur la situation globale au point qu’elle occulte presque tout le reste, est la maîtrise tactique de Poutine qui tire habilement avantage des divisions de l’Union européenne, de la faiblesse congénitale de sa défense et des lourdes maladresses de l’OTAN pilotée par le Pentagone et la diplomatie américaine.

Une inconnue subsiste pourtant dans ce jeu de poker menteur : que pèse l’alliance sino-russe dans la stratégie chinoise de modernisation en partie calibrée par le modèle américain qui, pour nombre d’intellectuels chinois, est à la fois un modèle et un repoussoir ? Mystère.

Sans lui conférer plus d’importance qu’elle n’en mérite, et pour conclure par un peu de légèreté, on rappellera une des images de l’APEC qui fit le tour du net chinois avant que la censure ne la supprime. Alors qu’à la table officielle du banquet organisé dans le « cube de glace », le stade nautique hérité des JO de 2008, Xi Jinping et Obama discutaient en apparence de manière détendue par le truchement d’un interprète officiel du Waijiaobu, un peu à l’écart, Poutine s’entretenait avec Madame Xi Jinping, la belle Peng Liyuan chanteuse populaire à succès et général de l’APL.

Un moment, constatant que sa charmante interlocutrice avait froid, Poutine lui posa une couverture sur les épaules. S’étant levée pour manifester sa gratitude, Pen Liyuan se rassit et, sans attendre, retira la couverture pour la donner à un de ses assistants. Le maître du Kremlin est coutumier de ces attitudes courtoises, dont il a également gratifié Angela Merkel. Mais cette fois son geste est tombé à plat. On aimerait être doté de « grandes oreilles » pour savoir comment le n°1 chinois et son épouse ont commenté l’incident.

 

 

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