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›› Chronique

ALIBABA lance 8 Mds de dollars d’obligations et vise le marché des services financiers

Graphe des revenus, profits et opérations d’Alibaba.

Depuis que le 18 septembre dernier, Jack Ma, son PDG, a introduit Alibaba, le géant chinois du commerce en ligne à la bourse de Mew-York, les actions du groupe n’ont pas donné le moindre signe de fléchissement, contrairement à celles de Facebook ou Twitter, qui avaient baissé respectivement de 12 et 24% après leur introduction.

Au 14 novembre, elles étaient cotées 115 $ soit une hausse d’au moins 60% depuis l’introduction. La capitalisation boursière du groupe estimée à 169 Mds de $ en septembre avait bondi à 285 Mds de $ ce qui l’avait fait entrer dans le club des 10 premiers mondiaux, juste derrière Apple, ExxonMobil, Google, Microsoft, Berkshire hathaway (société d’investissements dirigée par Warren Buffett et Munger) et Johnson & Johnson.

Une avalanche de capitaux…

Les fonds spéculatifs américains ne s’y sont pas trompés, séduits par le potentiel et la hausse régulière des profits enregistrés par la société (+ 1,1Mds de $ au troisième trimestre 2014).

En septembre les actions d’Alibaba faisaient partie des plus convoitées sur le marché de New-York y compris par les fonds spéculatifs qui investirent des sommes importantes allant jusqu’à près d’1 Md de $ pour « Viking Global » dirigé par le Norvégion Andreas Halvorsen, ancien des forces spéciales formé à Stanford, 600 millions de $ pour « Third Point » dirigé par le Californien Daniel S. Loeb et plus de 300 millions de $ pour le « Soros Fund Management » et le très controversé « Janus Capital Management » basé à Denver.

…attirés par le potentiel du marché en ligne .

Le succès d’Alibaba tient d’abord au concept en phase avec le développement du commerce en ligne qui supprime les intermédiaires, casse les prix et épargne les longs déplacements dans les centres commerciaux remplacés par les livraisons à domicile. Il spécule aussi sur le développement considérable du marché chinois, puisque, pour l’heure en Chine, à peine 5% des ruraux utilisent le commerce en ligne.

Déjà la masse du marché chinois joue en faveur du groupe dans un pays où la classe moyenne est saisie par la bourrasque à la mode de la vente en ligne qui supplée aux déficiences du commerce de détail : dans certains secteurs de la société chinoise de la côte Est tout s’achète en ligne moins cher que dans les grands magasins, depuis les chaussures jusqu’aux brosses à dents en passant par le papier toilette.

Cette clientèle où les ruraux sont encore peu nombreux, est pourtant déjà plus vaste qu’aux Etats-Unis. Un audit de KPMG spécule qu’en 2020, le marché chinois en ligne aura la taille de ceux des Etats-Unis, de l’Allemagne, de la Grande Bretagne, de la France et du Japon réunis.

En 2014 les commandes des clients passées par les applications de téléphones mobiles mises sur le marché par Alibaba ont dépassé 30 Mds de $, soit 3 fois plus que l’année dernière.

Enthousiasme à l’étranger.

Ces perspectives ont déclenché l’enthousiasme des observateurs d’autant que certains secteurs étrangers ont déjà tiré profit des liens sans intermédiaires qu’Alibaba propose vers le marché chinois. Le 15 novembre, une dépêche de Reuter commentait les répercussions du voyage en Chine du premier ministre canadien Stephen Harper venu l’année dernière rendre visite à Jack Ma au siège d’Alibaba à Hangzhou.

On y lisait que, pour la seule journée du 11 novembre 2014 – la Saint Valentin chinoise -, les consommateurs chinois avaient acheté 90 000 langoustes de Nouvelle Ecosse à une compagnie basée à Halifax. On comprend l’excitation des pêcheurs canadiens. Espérant pénétrer le marché chinois sans intermédiaire, ils voient soudain se dégager un horizon qui, ces dernières années, était assez sombre.

Jack Ma se lance dans les obligations.

Le PDG entend tirer profit de la bonne image du groupe après l’introduction de la mi-septembre pour lever des crédits et refinancer sa dette évaluée par Bloomberg à 11 Mds de $. Le 14 novembre on apprenait qu’il allait mettre sur le marché 8 Mds de $ d’obligations. L’affaire a été soigneusement préparée par Morgan Stanley, Citigroup, Deutsche Bank et JP Morgan qui assistent Alibaba dans des tournées promotionnelles en Asie, en Europe et aux États-Unis commencées le 17 novembre, simultanément à Boston et Hong Kong.

L’accueil du public et des agences de cotation est pour l’instant favorable sans être exagérément enthousiaste, puisque l’agence Moody a classé l’obligation d’Alibaba au niveau A1 (équivalent de A+ chez Standard & Poor ou Fitch rating : « Moyen supérieur »). Jack Ma a également annoncé qu’il allait introduire en bourse sa filiale Alipay, son principal outil du e.commerce, n°1 du paiement en ligne chinois et épine dorsale de ses prochaines stratégies de conquête du marché financier.

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Graphe : ALIPAY, la filiale de paiement en ligne d’Alibaba détient 80% du marché des paiements en ligne chinois (chiffres du 2e trimestre 2014).

Le potentiel et les chausse-trappes du marché chinois

Pour autant, en dépit de ses performances remarquables et des quelques exemples de liens directs entre fournisseurs étrangers et consommateurs chinois, le succès et le potentiel de la société restent pour l’instant circonscrits par les conditions du marché chinois lui-même.

Non seulement celles de ses marges de progression qui sont réelles, mais également celles des infrastructures de transport, conditions des livraisons rapides. Surtout, à l’avenir, Alibaba sera confronté à une concurrence féroce dont les prémisses apparaissent déjà. Comme à l’habitude, ces rivalités internes poseront la question du maintien de la qualité dans un environnement où les concurrents auront d’abord tendance à tirer les prix vers le bas.

Centres logistiques modernes et avions cargos.

Les sociétés de commerce en ligne dépendront pour leur développement de la qualité des infrastructures logistiques et des complications règlementaires internes qui handicapent la libre circulation des camions d’une province à l’autre, assez souvent à l’origine de plusieurs dizaines de kilomètres de files d’attente. Les délais de livraison s’en ressentent, comme parfois l’état des colis à l’arrivée. C’est ce que dit Shen Haoyu, PDG de JD.com, le concurrent d’Alibaba le plus sérieux. Les livraisons vers le centre et l’ouest sont moins sûres et « acheminer des colis du Fujian à Pékin est parfois plus long que de les livrer en Californie », dit un consultant.

Les deux concurrents JD et Alibaba prennent le problème à bras le corps. Alibaba étudie un logiciel de gestion des commandes et des données des fournisseurs (distances et positions géographiques) pour suivre les colis en temps réel et optimiser les transports.

JD construit des centres logistiques de stockage – le groupe possède un des entrepôts gérés par ordinateur les plus vastes et les plus modernes de Chine (540 000 m2) au sud de Pékin et investit lui-même dans le transport. A ce jour, la société est capable d’assurer des livraisons le jour même pour une centaine de villes et pour 600 autres en moins de 48 heures. Alibaba a décidé de l’imiter, mais déjà se pose la question des coûts : pour couvrir efficacement le pays, un réseau de centres logistiques nécessite de gros investissements.

L’association avec YTO Express permettra de réduire les coûts et les délais. Créée en 2000, la compagnie logistique (centres de stockages et transports dans toute la Chine), compte déjà 130 000 agents qui ont acheminé 1,5 milliards de commandes depuis la naissance du groupe. Avant la fin de l’année YTO aura créé sa propre compagnie aérienne cargo autorisée en juillet dernier par la CAAC et prévoit de mettre en œuvre une quinzaine de cargo Boeing 737 – 300 ou 400 d’ici 2017. Le secteur bénéficiera du développement du commerce en ligne dont la croissance est estimée à près de 60% par an entre 2014 et 2017.

Le marché de services financiers : En lice Alibaba et Tencent.

A côté des efforts de gestion de stocks, de suivi des commandes et de réduction des délais de transport, l’autre direction stratégique envisagée par Jack Ma est le service financier au travers de sa filiale Alipay qu’il considère comme le « bijou du groupe ». Crée en 2004, Alipay (en Chinois 支付宝 zhifubao) compte plus de 300 millions d’utilisateurs et contrôle près de 80% des paiements en ligne annuels soit 788 Mds de $ au 30 juin 2014. Des centaines de fournisseurs étrangers reçoivent leurs paiements des consommateurs chinois par Alipay.

Sur le terrain des services financiers Alibaba retrouvera Tencent son plus gros concurrent contre qui il bataille sur tous les secteurs en ligne, depuis les services jusqu’au shopping en passant par les loisirs. Les deux ont reçu l’approbation de la Commission de régulation bancaire (CRB) pour l’établissement d’une banque privée qui pour Alibaba aura son siège à Hangzhou.

L’éventail des activités bancaires autorisées dépendra des décisions de la CRB, mais le marché est vaste. La dispense accordée à des opérateurs privés du commerce en ligne de s’engager dans le service bancaire, jusque là très protégé, fait partie de la stratégie de la Banque de Chine pour affaiblir le monopole des grandes banques publiques et accélérer la réforme du système financier.

 

 

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