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›› Economie

La Chine rehausse son rôle dans les finances mondiales

Photo : Le 24 octobre à, Pékin lancement de la Banque Asiatique d’Investissements pour les infrastructures.

Ces derniers mois, la planète finance a été agitée par plusieurs initiatives chinoises qui, par contre coup, renvoient à la rivalité sino-américaine, au rôle du dollar dans le monde et – incidence moins souvent évoquée par les analystes – à la volonté du gouvernement chinois d’ouvrir son système financier, une des épines dorsales de sa réforme économique en cours.

Deux initiatives récentes de la Banque de Chine et du gouvernement vont dans cette direction : la création d’une Banque Asiatique pour les investissements d’infrastructure et la décision de connecter les places boursières de Hong- Kong et de Shanghai.

La première de ces deux initiatives s’est heurtée à une forte opposition des États-Unis. La deuxième créée une puissante place financière dont les mouvements resteront cependant strictement contrôlés, tandis que la route du Yuan vers le statut de réserve reste encore longue.

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Photo : En août dernier, Jin Liqun, l’ancien président du fonds souverain chinois et ex-haut fonctionnaire de la Banque Asiatique de Développement et premier président de l’AIIB, avait vertement demandé à l’Ambassadeur américain à Pékin, Max Baucus que Washington mette en veilleuse ses critiques contre la future AIIB.

La Banque Asiatique d’Infrastructure…

On se souvient de la décision des BRICS (40% de la population du monde et 20% de son PNB) du 15 juillet dernier, de créer à Shanghai une Banque de Développement. Pavé jeté dans la mare des finances mondiales, l’initiative avait été décrite par la plupart des analystes comme un symbole contestant la suprématie des États-Unis et de l’Europe dans la « gouvernance » financière globale.

Le 24 octobre à Pékin, la Chine a poussé un peu plus les feux de sa stratégie globale en signant avec 20 autres pays un protocole d’accord pour la création d’une Banque Asiatique d’Infrastructures (sygle anglais : Asia Infrastructure Investment Bank : AIIB) qu’à nouveau les analystes ont identifiée comme une structure de financement rivale de la Banque Mondiale. Cette fois, la manœuvre a été précédée d’une intense action diplomatique des États-Unis dont le succès a été mitigé, pour dissuader leurs alliés d’adhérer à l’initiative de Pékin.

…et le sabotage américain.

Les arguments utilisés étaient les mêmes que ceux qui, en juillet, avaient critiqué la naissance de la Banque des BRICS à Shanghai : le risque que l’attribution des fonds à des projets d’infrastructure s’affranchissent de la règle de transparence et de libre compétition des appels d’offre et ignorent les contraintes environnementales et celles de la « responsabilité sociale des entreprises », destinée à protéger la main d’œuvre des dérives cupides du capital.

De fait, la campagne de Washington a réussi à écarter du projet chinois le Japon, l’Australie, la Corée du Sud et l’Indonésie. Mais l’Inde, la Malaisie, la Thaïlande, le Vietnam, les Philippines, Singapour, et les 5 autres pays de l’ASEAN étaient présents, en même temps que la Mongolie, le Bangladesh, le Pakistan, le Népal, le Sri Lanka, le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, le Qatar, et Oman.

Le projet concrétisé il y a un mois avait été lancé par le président Xi Jinping en 2013, alors que la Chine promettait de contribuer à un financement initial de la Banque à hauteur de 50 Mds de $. Après avoir longtemps plaidé pour un plus grand rôle dans les institutions internationales, Pékin passe à nouveau l’action, cette fois sur un sujet dont la pertinence ne peut pas être sous estimée. D’abord parce qu’il correspond à un réel besoin. Ensuite parce qu’il est en phase avec les leviers d’action de la politique étrangère de Pékin.

…en dépit de la pertinence du projet.

Principaux axes de toute la politique de développement chinoise notamment en Asie du Sud-est, clés de l’énergie et de la connectivité entre les régions et les États, les projets d’infrastructure coûtent cher. Compte tenu des lacunes et des retards, on estime le besoin en financement à 800 Mds de $ par an pendant au moins 10 ans. Des sommes qui dépassent de loin les possibilités des banques internationales existantes. Les 50 Mds de $ qui représentent la totalité des prêts annuels de la Banque Mondiale couvriraient à peine le coût des projets d’infrastructures indonésiens pour la période 2015 - 2019 (Foreign Policy, 16 octobre).

De plus, le développement des infrastructures que, dans le secteur des transports, les experts et politiques chinois appellent la « nouvelle route de la soie », s’inscrit exactement dans la stratégie chinoise d’influence et d’aide au développement définie par le Bureau Politique et répétée par Li Keqiang et Xi Jinping lors de leurs tournées asiatiques au cours des deux dernières années. Lire : La manœuvre globale de l’économie chinoise.

Le Directeur de la Banque Asiatique de Développement, le Japonais Takehiko Nakao en poste depuis le printemps 2013 qui était à Pékin en octobre dernier pour un séminaire sur le prochain plan quinquennal chinois, ne s’y est pas trompé. Selon lui, les deux institutions financières ont de vastes espaces communs de coopération y compris sur des projets d’infrastructure.

Les intentions cachées de Washington.

L’évidence du besoin est telle qu’elle induit des interrogations sur l’obstruction américaine qui, on l’a vu, a réussi à tenir à l’écart Tokyo, Séoul, Canberra, et Djakarta. La presse américaine s’est emparée du sujet avec 2 articles du New-York Times qui décrivent les manœuvres de Washington pour faire capoter le projet ou à tout le moins réduire les participants à de « petits pays ».

En contrepoint, les articles faisaient état des résistances chinoises, comme l’injonction de Jin Liqun, l’ancien président du fonds souverain chinois, et ex-haut fonctionnaire de la Banque Asiatique de Développement, futur président de l’AIIB qui, en août dernier, avait vertement demandé à l’Ambassadeur américain à Pékin, Max Baucus de mettre en veilleuse les critiques de la future AIIB.

Plus loin, le New-York Times s’étonnait de l’empressement de Washington à vouloir tuer dans l’œuf la nouvelle Banque, alors que, depuis des lustres, les Américains appelaient la Chine à jouer un rôle plus large dans les affaires du monde. « Et voilà que dès que Pékin s’y met, les États-Unis sabotent ses efforts. ». Mais l’analyse manquait une partie de l’image. Celle-ci nous est donnée par un article du magazine « Diplomat » du 10 octobre, signé du Directeur éditorial, Zachary Keck. Ce dernier rappelle que l’étonnement du New-York Times élude quelques nuances de la position américaine.

« Il est vrai que durant la guerre froide, tout le monde à Washington était d’accord pour estimer que le développement de la Chine était dans l’intérêt économique et stratégique des États-Unis.

Mais l’hypothèse admise par tous était que Pékin contribuerait au renforcement de l’ordre existant, et non pas que la Chine tenterait de le remplacer par le sien ». (…) « A Washington, les amis de la Chine estimaient que Pékin ne remettrait pas en cause un ordre global dont elle avait si bien tiré profit » (…) « Depuis quelques années pourtant, l’optimisme sur la montée en puissance de la Chine s’est évaporé, et il est devenu de plus en plus difficile de défendre le point de vue selon lequel Pékin allait continuer à défendre l’ordre existant ».

« Soudain, Washington modifia sa vision de la Chine. D’un allié potentiel, Pékin devint une menace (…). En Chine ce revirement confirma, non seulement chez les durs de l’APL, mais au sein de larges frations de la population chinoise, l’idée que les États-Unis dont la présence en Asie sous cette forme n’est pas naturelle, tentaient de contenir (« contain ») la montée en puissance de la Chine ».

Mais au-delà des obsessions de rivalités qui plombent la relation, le sommet de l’APEC qui restera comme une rupture dans la trajectoire de confrontation, a amplement montré que le potentiel de coopération existe entre Pékin et Washington et que, malgré les postures hostiles, parfois amplifiées par les médias, l’intérêt bien compris des deux contribue à désamorcer les conflits.

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Photo : Le 17 novembre, Shanghai et Pékin lancent une passerelle entre leurs places boursières. A gauche Chow Chung-kong, président de la commission boursière de Hong Kong, à droite Leung Chun-ying, gouverneur de la R.A.S.

Hong Kong et Shanghai « connectés »

Le troisième événement financier d’importance qui vise à dégripper le système monétaire chinois tout en favorisant l’empreinte globale du Yuan, a eu lieu le 17 novembre quand les bourses de Hong Kong et de Shanghai ont établi une connexion directe qui permet aux investisseurs chinois d’acheter directement des titres à Hong Kong et offre pour la première fois aux étrangers un accès au marché boursier de Shanghai dont le potentiel est estimé à près de 4000 Mds de $.

L’accord crée potentiellement la 3e bourse mondiale après le NYSE et le Nasdaq et avant les places de Londres et Tokyo, avec une capitalisation de 5600 Mds de $ et un volume potentiel de transactions quotidiennes dans les deux sens de 3,5 Mds de $ - mais qui seraient plafonnés à 13 Mds de RMB (2 Mds de $) -.

Le montage appelé « connect » est une indication de l’ouverture progressive du système financier chinois. Le 17 novembre, l’autorité monétaire de Hong Kong a symboliquement supprimé la limite des 20 000 Yuan (3200 $) pouvant être achetés par les résidents, tandis que les banques de la R.A.S offraient des « produits » d’investissements directs en Chine, libellés en monnaie chinoise spéculant sur la hausse du RMB.

Selon le milieu des traders, certains résidents de Hong Kong ont converti jusqu’à 2 millions de HK $ (260 000 $) en Yuan. La majorité des transactions boursières s’est effectuée de la R.A.S vers Shanghai. Mais à la longue, estime la BNP, l’ouverture bénéficiera à la place de Hong Kong qui sera la destination d’une majorité d’investissements chinois du long terme. Une incertitude demeure cependant sur le montant des taxes appliquées aux transactions entre la R.A.S et la Chine continentale. A Shanghai les plus values du marché boursier, réalisées par les investisseurs non résidents sont taxées à 10% alors qu’à Hong Kong elles sont exonérées.

La longue route du Yuan vers le statut de « réserve ».

Ouvrir le système financier chinois enfermé dans les rigidités du contrôle des changes et la suprématie des Banques publiques tout en favorisant l’utilisation globale du Yuan, tels sont les objectifs financiers de la direction chinoise. Depuis plusieurs années Pékin a signé nombre d’accords financiers bilatéraux permettant d’utiliser la monnaie chinoise pour les opérations commerciales. Cette tendance s’est accélérée depuis 2009. Aujourd’hui ils sont 28 pays à avoir conclu ces accords, dits de « currency swap ». Les derniers en date étant l’UE (2013), et en 2014, la Suisse, le Qatar, le Canada et le Sri Lanka.

Depuis 2013, le Yuan occupe le 8e rang en valeur des transactions, soit près de 15% du total mondial. La distance qui sépare le Yuan du statut de monnaie de réserve se réduit donc lentement. La Chine remplissait quelques uns des critères définis par les experts, comme la taille de son économie, la stabilité de la croissance, la faiblesse du déficit budgétaire. Il lui manquait cependant d’ouvrir plus largement son marché des capitaux aux investisseurs étrangers. La décision de connecter les bourses de Hong Kong et de Shanghai est un pas modeste dans cette direction. Le quota total des transactions autorisées de la R.A.S vers Shanghai est de 300 Mds de RMB (50 Mds de $) et de 250 Mds de RMB (40 Mds de $) de Shanghai vers Hong Kong.

La prévalence de la Bourse de New-York et du Dollar.

Par comparaison la capitalisation boursière le la bourse de NY est de 16 000 Mds de $ et la valeur moyenne des transactions journalières de 169 Mds de $. La décision chinoise, même modeste, constitue une avancée significative qui renforce la position du RMB sur les marchés mondiaux qui induira une présence renforcée de la monnaie chinoise sur les marchés financiers.

La Deutsche Bank estime qu’en 2014, la valeur des transactions libellées en Yuan augmentera de 6000 Mds de RMB (1000 Mds de $) en hausse de 50% qui représentent 1/5e du commerce chinois global. Il reste que le montant global des réserves de change libélées en Yuan détenues par les banques centrales reste faible au niveau de 3%. En revanche, le dollar s’est maintenu dans un position stable autour de 60%. (WSJ).

 

 

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