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›› Chronique

Arrestation de Zhou Yongkang ; système politique et constitution

La presse chinoise se félicite de l’arrestation de Zhou Yongkang.

Après plus d’une année d’enquêtes, le bureau politique réuni le 5 décembre a décidé de rendre officielle l’expulsion du Parti, l’arrestation et la mise en examen de Zhou Yongkang, ancien président du Comité législatif, ancien membre du Comité Permanent et responsable de la sécurité d’État.

Exprimant pour la première fois la décision du sommet de l’appareil, le communiqué de Xinhua précise que Zhou a « sérieusement enfreint les règles politiques, les principes d’organisation et l’exigence de confidentialité du Parti » (…) « qu’il a accepté des pots de vin, distribué des prébendes à sa famille, ses maîtresses et ses amis, s’est rendu coupable d’adultère, divulgué des secrets d’État et s’est approprié de nombreuses richesses appartenant à des tiers » (…) et enfin « que par ses actions il a sévèrement dégradé l’image du Parti ».

Zhou Yongkang est désormais aux mains de la police « mis en examen », son sort étant cependant déjà scellé, sans pour autant que la forme de son procès ait été officiellement arrêtée. L’avenir dira s’il comparaîtra devant un tribunal public comme ce fut le cas pour Bo Xilai que Zhou est soupçonné d’avoir soutenu au printemps 2012 – y compris, dit la rumeur, en fomentant un coup de force contre Xi Jinping –, ou si, comme ce fut presque toujours le cas, il disparaîtra des radars publics après un procès à huis clos.

S’il est vrai que l’attaque contre Zhou procède d’un nettoyage éthique salutaire entrepris par le Parti qui tente un redressement moral indispensable pour améliorer la qualité et la force de son magistère, la condamnation implicite avant procès et les incertitudes sur la procédure judiciaire contredisent les commentaires de nombre d’observateurs sur l’efficacité de la lutte contre la corruption.

Certains questionnements venant de l’intérieur même du sérail pointent en effet du doigt les effets pervers d’une méthode qui, comme le répète le Président de la Commission de discipline lui-même, cible les symptômes plutôt que les causes du mal.

Le 27 novembre, le Quotidien du Peuple (QDP) publiait même un article qui, sans remettre en cause le magistère du Parti, décrivait comment la crainte des inspections avait multiplié les dérives de népotisme et de corruption, considérés comme les meilleures moyens d’acheter le silence de réseaux de complices en cas d’investigation.

Cité par Russel Leigh Moses, Doyen des études au « Beijing Center for Chinese Studies » dans le Wall Street Journal du 3 décembre, le QDP, constatant les promotions massives de centaines de cadres au Hunan et au Shanxi posait une question gênante : « Comment se fait-il qu’en dépit des évaluations et du caractère collectif des décisions au sein des commissions chargées de la sélection, un nombre aussi important de cadres ait pu être promu de manière aussi soudaine ? » (…) « Pourquoi le système est-il à ce point en situation d’échec ? »

Ce questionnement publié par l’organe officiel du régime renvoie à l’absence d’indépendance de la justice inféodée à la machine bureaucratique et donc incapable d’en corriger les abus, au sein d’un Parti qui rejette toute contestation de son magistère. Il s’inscrit en contrepoint de la journée fériée de la Constitution décrétée le 4 décembre dernier où l’appareil a rappelé son statut irréfutable de parti unique.

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Réseaux de Zhou des filières du pétrole et de la province du Sichuan.

Une stratégie circulaire contre les réseaux criminels de Zhou.

Après avoir répété qu’il s’agit du plus haut responsable politique chinois mis en examen depuis la « Bande des quatre », il faut s’intéresser à la stratégie circulaire et par étapes qui, à force d’accumuler preuves et témoignages, a conduit à faire chuter un personnage de cette envergure.

Diligentées par Wang Qishan, Président de la Commission de discipline et membre de la garde rapprochée de Xi Jinping, les enquêtes précises et inflexibles effectuées dans les divers centres de pouvoir de Zhou ont inexorablement rapproché les investigations de leur cible. Simultanément, les médias officiels distillaient régulièrement les noms des anciens proches tombés dans les filets des enquêteurs, mis en examen ou condamnés.

A la fois systématique et implacable, conduite à un rythme soigneusement calculé, ponctuée par des révélations de presse de plus en plus explicites, la stratégie avait pour but de bousculer les réticences des caciques retraités du Parti qui, inquiets de la rupture du tabou de l’immunité des anciens, craignaient pour leur propre sécurité. Le défi pour Xi Jinping gêné par la contradiction entre l’exigence éthique et le dogme du « rôle dirigeant du Parti » qui conduit à une justice aux ordres et forcément tendancieuse, était de taille.

Un échec sur l’affaire Zhou aurait signifié un très grave revers politique pour le Président. Le silence du Bureau Politique et du Comité Central sur l’affaire lors du 4e Plenum, pourtant consacré à l’État de droit, a pu être interprété comme une victoire temporaire des retraités, inquiets pour eux-mêmes et la cohésion de l’appareil. A l’inverse, le succès qui, il est vrai, ne renforce pas l’État de droit, ni forcément la lutte contre la corruption, signale la consolidation de son pouvoir.

Une longue enquête…

La manœuvre contre l’ancien n°9 du Bureau Politique a commencé en sous main quand il est apparu que Zhou se plaçait en soutien de Bo Xilai dont il voulait faire son successeur à la Commission Législative, mais dont la carrière politique a explosé en vol. Les espoirs politiques de BO qui faisait ouvertement son auto-promotion pour entrer au Comité permanent, furent détruits le 6 février 2012 par la fuite de son adjoint Wang Lijun au consulat des États-Unis à Chengdu et par l’assassinat du consultant britannique Neil Heywood, par son épouse Gu Kalai.

…qui visait la famille et les réseaux.

La stratégie d’encerclement de Zhou s’est poursuivie avec la mise en examen, l’arrestation et la destitution des dizaines de cadres de CNPC et du Sichuan proches de Zhou ou de son réseau. Son fils, Zhou Bin, sa belle fille Huang Wen, sa belle-sœur, Zhou Lingying, son frère Zhou Yuanqing, sa deuxième épouse Jia Xiaoye, le beau-père de son fils Huang Yusheng, ont été arrêtés. En décembre 2013 un message sur Weibo émanant de CCTV signalait la mise en résidence surveillée du parrain.

Le 29 juillet 2014, pour la première fois l’appareil communiquait officiellement sur la mise en examen de l’ancien n°9. Dans la foulée, le Quotidien du Peuple écrivait un article condamnant moralement Zhou et l’excluant du cercle des « camarades » du Parti.

En novembre dernier, un autre article le décrivait comme le « parrain de cinq réseaux de corruption » articulés autour de la province du Sichuan, de l’industrie de pétrole, de l’appareil de sécurité, de ses anciens secrétaires et de sa famille, formant ensemble, disait l’article, « un Commonwealth du crime ».

La charge frappe de plein fouet les réseaux politiques qui soutiennent la corruption érigée en système, lui-même protégé par des réseaux d’allégeance où la fidélité est dédiée à une coterie plutôt qu’au Parti et au peuple.

Un puissant signal qui ne s’attaque pas à la racine du problème.

Pour autant, la nouvelle de l’arrestation de Zhou après l’hésitation du 4e Plenum élimine un obstacle ponctuel, envoie un puissant signal à travers les rangs de l’appareil, mais ne résout pas la question de fond qui est celle des véritables racines de la corruption endémique de l’appareil.

Elle indique simplement que les caciques à la retraite ont accepté de sacrifier un des leurs, probablement parce que, plus qu’un simple corrompu, l’ancien patron de la CNPC ancien maître de la sécurité d’État, est aussi accusé à la fois d’une tentative factieuse et de crimes de sang, dont l’un perpétré contre sa première épouse assassinée au Sichuan, a été maquillé en accident de circulation.

Les commentaires des médias officiels ont argumenté autour de l’efficacité dissuasive de l’arrestation de Zhou. Mais, souligne Moses, les débats sur la méthode et sur l’origine du mal dont certains laissèrent entendre qu’il pourrait s’enraciner dans la nature même du régime qui fait de la corruption un mal consubstantiel du système, semblent avoir été mis sous le boisseau.

Cette tendance à l’omerta, oblitérant les effets pervers d’une justice aux ordres à la fois juge et partie et occultant les réflexions qui remettent en cause la nature même de l’appareil où la sélection par cooptation favorise les parrainages qui dérivent souvent vers la corruption, n’est pas sans rapport avec les dernières interprétations par le régime de sa propre constitution.

Confortant le magistère du Parti, l’interprétation de la constitution…

Le 4 décembre des écoliers du district de Yunyang près de Chongqing, apprennent la constitution.

Célébrée le 4 décembre dernier à l’occasion de la première journée chômée en son honneur, la constitution chinoise qui fut révisée 4 fois depuis 1949 garantit les libertés politiques, mais les encadre strictement par la notion « d’intérêt national » dont les marges d’interprétation très larges autorisent nombre d’abus des pouvoirs publics.

…en affaiblit la portée et prend le risque de perpétuer les abus.

Surtout le premier article interdit la remise en cause du système socialiste, ce que le Quotidien du Peuple a, dans un éditorial daté du 4 décembre, assimilé à la primauté indiscutable et exclusive du Parti Communiste à la tête du pays : « La constitution est le reflet des révolutions, constructions et réformes mises en œuvre sous la direction du Parti. Elle légitimise son rôle dirigeant. »

Dans ce contexte très univoque, le China Daily du 4 décembre cite la voix hétérodoxe de Lin Laifan, professeur de droit à Qinghua, auteur en 2005 d’un essai intitulé : « la constitution ne peut pas rester éternellement sans pouvoir » (宪法 不能 全然 没呀 - xianfa bu neng quanran meiya) : « Notre constitution devrait freiner les abus de la puissance publique et protéger les droits des citoyens. Ce qui est exactement ce dont nous sommes privés ».

 

 

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