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Mer de Chine. Après Manille, Hanoi demande l’arbitrage de la Cour Internationale sur le droit de la mer

Le 7 mai 2014, l’amiral Do Ngoc Thu n°2 de la marine vietnamienne lors d’une conférence à propos des tensions avec la Chine.

Une série de déclarations de Pékin et de Hanoi viennent donner un tour nouveau à leur querelle de souveraineté en mer de Chine du sud. Alors qu’en mai dernier la controverse avait dégénéré en brutales manifestations anti chinoises au Vietnam ripostant au mouvement d’une plateforme pétrolière de CNOOC aux abords immédiats des Paracels (Xisha en Chinois et Hoang Sa en Vienamien), Hanoi a, le 5 décembre dernier, officiellement porté le différend devant la Cour Internationale pour le Droit de la mer à La Haye.

La requête demande aux juges d’examiner les droits du Vietnam sur les archipels des Paracels et des Spratlys ainsi que sur les zones économiques exclusives et les plateaux continentaux rattachés. Elle les invite également à considérer le rejet par le Vietnam de la « Ligne en 9 traits » établie par Pékin qui clame la souveraineté chinoise sur 90% de la mer de Chine. Par cette démarche juridique officielle, le Vietnam devient, 23 mois après les Philippines, le 2e pays de l’ASEAN parmi les 4 ayant un litige territorial avec la Chine, à demander l’arbitrage de la Cour Internationale.

Le recours international de Hanoi recoupe en partie celui de Manille posé en janvier 2013 qui affirmait : 1) que la « ligne en 9 traits » par laquelle Pékin s’accaparait virtuellement toute la mer de Chine du sud contrevenait à la Convention des NU sur le Droit de la mer ; 2) qu’en construisant des structures fixes sur certains bancs de sable et rochers submersibles qui ne sont pas des îles, la Chine s’appropriait illégalement des parties du plateau continental des Philippines ou des fonds marins internationaux ; 3) qu’en occupant certains récifs coralliens à fleur d’eau, la Chine interférait avec les droits des Philippines dans sa zone maritime.

Comme elle en a le loisir, la Chine a fait jouer la clause de réserve acceptée par l’ONU à la signature de la convention du Droit de la mer à Montego Bay en 1982. Conformément aux articles 297 et 298, la clause autorise Pékin à ne pas accepter l’arbitrage de la cour dans les domaines où elle a, par avance, décliné toute participation au traité, notamment quand le litige porte sur les questions de souveraineté. – ce qu’elle a officiellement fait le 25 août 2006 par une Note Verbale adressée au Secrétaire Général des Nations Unies -.

Pékin fait jouer la clause de réserve.

Pékin s’en est expliqué dans un très long plaidoyer, rédigé antérieurement en réponse à la procédure entamée par les Philippines. Le commentaire a été repris par Xinhua en plusieurs langues et sa version anglaise longue de 8 pages a été publiée dans le China Daily du 7 décembre dernier, sans que soit fait mention du Vietnam.

Le long rejet par la Chine de la procédure internationale engagée par le Vietnam a été accompagné par une mise en garde du porte parole du Waijiaobu qui demandait à Hanoi de « respecter sincèrement la souveraineté territoriale de la Chine et de régler ses différends avec Pékin conformément à la réalité, l’historique et au droit international dans le but de maintenir conjointement la paix et la stabilité en mer de Chine du sud ».

En substance, la position chinoise identique à celle déjà affichée lors de la demande d’arbitrage de Manille, reprend les arguments déjà connus, à la fois sur la non pertinence des procédures internationales et sur le fond de la querelle de souveraineté.

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Pékin argumente sur la procédure et sur le fond.

Carte de la « ligne en 9 traits » chinoise publiée par les NU.

Sur la procédure, Pékin réaffirme que les querelles territoriales ne peuvent pas être arbitrées par la Cour de La Haye, d’abord parce qu’en 2002 les parties avaient signé à Phnom-Penh une « déclaration sur le Code de Conduite » impliquant que les différends devaient être réglés par la négociation ce qui exclut tout arbitrage d’une Cour Internationale. Ensuite parce qu’en 2006 elle avait, conformément à la Convention, fait valoir la clause de réserve l’autorisant à ne pas participer à la Convention quand celle-ci traiterait des questions de souveraineté.

Sur le fond des différends, la Chine qui continue d’évoquer son antériorité historique remontant à 20 siècles, n’a en réalité pas clarifié ses exorbitantes revendications liées à sa « Ligne en 9 traits », dont le tracé est à la fois variable en fonction des époques et approximatif (la ligne de 1947 est différente de celle de 2009 et la Chine n’a jamais communiqué les coordonnées exactes de ses traits).

…mais n’a jamais clarifié les revendications de la « ligne en 9 traits ».

En fonction des déclarations officielles, la ligne en 9 traits semble tantôt déterminer la souveraineté sur les îlots et sur les zones maritimes qu’elle génère ; tantôt elle apparaît établir les frontières de la Chine elles-même, la mer étant, dans ce cas, considérée comme une mer intérieure. Cette version hégémonique de la ligne en 9 traits est, avec l’antériorité historique et faute d’arguments juridiques convaincants, une position impossible à plaider dans une négociation internationale et inacceptable par la Convention du droit de la mer.

Quant à la première revendication, elle renvoie au fait que la mer de Chine du sud est un vaste espace maritime semi fermé où tous les riverains ont des droits (Zones économiques exclusives et plateaux continentaux). Ces derniers devraient être négociés avec les autres parties prenantes, dès lors que les renvendicatione chinoises entrent en conflit avec celles des autres riverains. C’est le principe même de la Convention.

Une procédure aléatoire…

Les avis des experts sur les chances des démarches de Manille et Hanoi sont partagés. La Cour de La Haye pourrait en effet se déclarer incompétente sur la question de la « Ligne en 9 points », puisqu’en ratifiant la convention Pékin a utilisé l’option offerte par l’accord de ne pas se conformer aux arbitrages sur les limites maritimes. Une manière de tourner l’obstacle juridique opposable par Pékin serait que la Cour accepte de ne pas qualifier « la Ligne en 9 points » de « limite maritime ».

…en dépit des arguments de Manille…

Pour la controverse avec les Philippines, la Chine restera cependant soumise à l’arbitrage de la cour sur la qualification des territoires contestés en « îles » ou « récifs ». Si les îlots contestés – les uns inondables comme les Mischief, McKeenan, Gaven et Subi, les autres inhabités comme les Scarborough - sont assimilés à des récifs et non à des îles, la revendication chinoise d’une zone économique spéciale dépendant de la préfecture de Shansha serait rejetée.

Selon les termes de la Convention en effet seuls les territoires entrant dans la catégorie des îles peuvent prétendre à être intégrés dans une zone économique spéciale ou un plateau continental (Île = portion de terre entourées d’eau, au-dessus du niveau de la mer, même à marée haute, pouvant accueillir des habitations humaines et développer une activité économique indépendante). Si les terres sont assimilées à des récifs, elles seraient considérées comme faisant partie de la zone économique spéciale ou du plateau continental des Philippines.

…et de Hanoi.

S’agissant de la querelle avec le Vietnam, elle concerne d’abord la position de certaines parties de la ligne chinoise - tels que les traits 1 et 2 renégociés en 2009 et supprimés du golfe du Tonkin où la ligne de 1947 les positionnait -, mais que le nouvel emplacement situe encore à moins de 80 nautiques des cotes vietnamiennes.

Ces limites entrent en conflit direct avec la désignation en 2012 par la compagnie off-shore chinoise CNOOC de blocs d’exploration pétrolière dont les limites occidentales à hauteur du 12e parallèle en face de Cam Rahn sont toutes à moins de 100 nautiques des côtes, largement à l’intérieur de la Zone Économique Exclusive où, selon la Convention, le riverain a un droit de priorité et où toute exploitation doit être menée en accord avec lui.

Quant aux revendications du Vietnam sur les Paracels et les Spratlys dont certains îlots sont également réclamés par les Philippines, la Malaisie, Brunei et Taïwan, mais où, depuis le printemps, Pékin construit une piste d’atterrissage, Hanoi affirme avoir les arguments permettant de faire valoir ses droits.

…que la querelle avec Pékin rapproche.

Le 24 novembre, les frégates lance missiles Dinh Tien Hoang (HQ-011) et Ly Thai To (HQ-012), sous le commandement du contre amiral Nguyen Van Kiem (à gauche), n°2 de la marine vietnamienne sont accueillies aux Philippines par le Commodore Elmer C Carrillo, à droite, commandant la brigade du génie maritime.

Dans ce contexte qui les rapproche et où la demande d’arbitrage vietnamienne appuie celle des Philippines, Hanoi et Manille ont mis fin à des années de méfiance. En 2013, ils ont tenu la première rencontre entre leurs marines de leur histoire. Cette année en novembre, Hanoi a envoyé en escale officielle à Manille une de ses frégates lance-missiles furtives les plus modernes. L’année prochaine les deux tiendront leur premier dialogue de défense.

 

 

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