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›› Chine - monde

A Johannesburg, Xi Jinping parie sur l’Afrique

Au 6e sommet Chine – Afrique, Xi Jinping avec Jacob Zuma président sud-africain au centre et Rober Mugabe, président du Zimbabwe, à droite. Le président chinois a surpris les observateurs en triplant les aides financières à l’Afrique par rapport à 2012.

Après avoir assisté à l’ouverture de la COP 21, le président chinois a quitté Paris le 30 novembre au soir pour, du 1 au 5 décembre, se rendre au Zimbabwe et en Afrique du sud où avait lieu le 6e forum Chine – Afrique.

A Harare, Xi Jinping, premier chef d’État d’une puissance majeure à visiter le Zimbabwe depuis de nombreuses années, a rencontré le Président Mugabe (91 ans). Au pouvoir depuis 1987 et ostracisé par tous les Occidentaux, le président du Zimbabwe est un vieil ami de la Chine, depuis qu’en 1979, son parti, la « Zimbabwe African Union », en lutte contre le pouvoir colonial anglais avait reçu l’aide de Pékin, tandis que l’URSS avait préféré apporter son appui à son rival Joshua N’Komo. Après les sanctions économiques imposées par l’UE en 2002 [1], les relations entre Harare et Pékin gagnèrent en importance.

Alors qu’une centaine d’entreprises chinoises de toutes tailles sont présentes dans le pays, Pékin est aujourd’hui le premier acheteur de tabac planté par les Anglais dans l’ancienne Rhodésie et toujours un gros investisseur dans les industries d’extraction, la production industrielle et les infrastructures. Au Zimbabwe, comme dans de nombreux autres pays africains, la Chine a construit un stade, des hôpitaux dans les zones rurales, des centres commerciaux et accordé des prêts pour des projets d’irrigation et des centrales électriques.

Entre les discours sur l’amitié indéfectible entre les deux et des critiques à peine voilées des ingérences occidentales et américaines, Xi Jinping et Mugabe ont signé 10 accords et lettres d’intention couvrant les domaines de l’énergie de l’aéronautique, des télécoms, à quoi il faut ajouter le projet de construction d’un nouveau parlement.

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Mais le cœur du voyage africain de Xi Jinping se trouvait à Johannesburg où les 4 et 5 novembre derniers se tenait le 6e sommet Chine – Afrique, - 中非合作论坛- dont les 5 premières sessions eurent lieu à Pékin (2000, 2006 et 2012), Addis Abeba (2003) et Sharm El-sheikh, Egypte (2009). Le voyage africain du Président chinois faisait suite à celui de Li Keqiang en mai 2014 en Éthiopie, en Angola, au Nigeria et au Kenya et, exactement un an après, à la visite à Pékin du président sud africain Jacob Zuma, le 4 décembre 2014.

Dans un contexte où les investissements chinois en Afrique se sont contractés de 40% de $3.54bn à 1,2 Mds de $ au cours du premier semestre 2015, par rapport à la même période 2014 [2], ce sixième sommet s’inscrivait dans une longue série de critiques de l’action chinoise en Afrique qui stigmatisaient, non sans raison, mais le plus souvent sans aller dans le détail des situations locales très diverses, la tendance « prédatrice », exploiteuse des ressources primaires qui, selon les critiques, n’est pas différente de celle des colonisateurs occidentaux.

En riposte, Xi Jinping a annoncé une augmentation massive des engagements financiers chinois portés à 60 Mds de $ et proposé une vision des stratégies de Pékin en Afrique articulées autour d’une coopération plus équilibrée où la quête chinoise de ressources primaires, souvent au cœur des critiques, a été passée sous silence. Le discours très politique, appuyé sur des promesses de prêts aux dimensions inédites dans cette partie du monde qui s’ajoutent au 30 Mds de $ promis par Li Keqiang en mai 2014, à comparer aux 48 Mds de $ promis par Xi Jinping au Pakistan au printemps dernier, insuffle un élan d’espoir dans un continent en forte croissance, mais aux prises avec de graves difficultés internes.

Pour autant, la mise sous le boisseau par le discours du président des importations chinoises d’hydrocarbures et de matières premières, toujours au cœur des échanges et sources du déséquilibre des échanges à la racine des critiques qui stigmatisent la politique africaine de Pékin, jette une série de doutes sur la viabilité et la pérénnité des engagements chinois. Dans un contexte où l’économie chinoise est elle-même aux prises avec des sérieuses difficultés, la manœuvre du Président, très profitable aux Africains, apparaît comme un pari sur l’avenir non dénué de risques financiers.

Afflux de capitaux chinois et promesses de coopération plus équilibrée.

A Johannesburg le Président chinois a étonné les observateurs en annonçant le triplement de l’aide chinoise à l’Afrique à 60 Mds de $ [3], et, dans la droite ligne des contrefeux allumés par Li Keqiang en mai 2014, laissant de côté le poids encore considérable des investissements miniers et de la quête chinoise de ressources primaires, il a surtout insisté sur l’aide globale au développement et sur l’appui apporté par la Chine à la modernisation du tissu productif africain.

A cet effet, il a évoqué (sans la situer dans le temps) la formation professionnelle pour 200 000 jeunes, et la création dans toute l’Afrique de 5 universités technologiques pour la formation d’ingénieurs des travaux publics, une initiative qui semble directement liée au vaste concept de développement « Yi Lu Yi Dai ou OBOR » qui projette résolument l’économie chinoise vers l’extérieur par la construction d’infrastructures de transport et d’énergie.

Pour financer la dizaine de vastes projets à vocation globale dont les principes sont à l’opposé de l’attitude spoliatrice dénoncée par certains critiques, Pékin octroie 5 Mds de $ de prêts sans intérêt, 35 Mds de prêts aux taux variables et une deuxième enveloppe de 5 Mds extensible à 10 Mds de $ destinée au fond de développement Chine – Afrique, à quoi s’ajoute la promesse de créer un fond sino-africain de coopération industrielle de 10 Mds de $, avec, en arrière plan, l’idée de faciliter la délocalisation vers l’Afrique des industries chinoises devenues moins compétitives. Enfin, le Président Xi Jinping a, une fois de plus, annoncé l’annulation des dettes sans intérêts accordées aux pays les plus pauvres.

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Une stratégie multiforme dans le style des « nouvelles routes de la soie ».

A Johannesburg, Xi Jinping a démarqué son discours des importations chinoises de ressources primaires (56% du total des achats de la Chine à l’Afrique) pour focaliser sur l’aide au développement et la modernisation des économies. Ici un médecin chinois ausculte une malade au centre médical chinois de Dakar en mars 2015.

En remettant le discours du n°1 chinois en perspective, on constate qu’il a une double portée stratégique. La première s’inscrit dans la continuité de la riposte aux critiques dénonçant le caractère cynique et exploiteur de l’action chinoise en Afrique, initiée par Li Keqiang en mai 2014 et met en avant l’éducation, la formation professionnelle, la coopération industrielle, l’aide agricole, la construction d’infrastructures, l’environnement, la lutte contre la pauvreté et l’aide médicale. Le deuxième volet relie les projets africains à la nouvelle « grande œuvre » stratégique chinoise des « nouvelles routes de la soie » focalisant sur les infrastructures de la connectivité qui, avec les projets industriels et manufacturiers, furent déjà au cœur du voyage de Li Keqiang.

Ainsi, la voie ferrée entre Nairobi et Kampala, en partie financée par l’Exilm Bank chinoise, fait partie d’un réseau plus vaste visant à relier le Ruanda, le Burundi, le Kenya, l’Ouganda et le sud Soudan. Nous sommes là en présence d’un schéma d’intégration régionale de 5 pays d’Afrique de l’Est sous l’égide du rail chinois qui rappelle les projets de Pékin en Asie du Sud-est dont le principe a été acté entre les 5 capitales le 10 mai 2014 en présence des présidents Uhuru Kenyatta (Kenya), Yoweri Museweni (Ouganda), Paul Kagame (Ruanda) et Salva Kiir (Sud Soudan).

Pour autant, les faiblesses des stratégies chinoises en Afrique, parfois jugées univoques et cyniques, objets d’hostilité dans certains pays, sont connues et confortent le sentiment que la vision exprimée par le discours du président chinois mêle de solides éléments de réalité à la propagande, dont le but est de réduire l’impact des critiques du schéma de l’engagement chinois en Afrique. Lire aussi notre article Li Keqiang en Afrique. L’heure des bilans

Dans un avenir prévisible et en dépit des discours, la rémanence de la quête de ressources chinoise restera en effet une constante des relations sino-africaines. Entièrement évacuée des annonces du président Xi Jinping à Johannesburg, les exportations de ressources brutes du continent africain vers la Chine (hydrocarbures, minerai de fer, diamants, produits agricoles) constituent toujours 56,5% des importations chinoises (statistiques des douanes chinoises, de novembre 2015). Encore cette proportion est-elle à son étiage, compte tenu du ralentissement de la demande chinoise pour les matières premières.

L’écart entre les annonces et la réalité invite à un essai de prospective, dans un contexte où se dessine une vaste vision stratégique entravée par des lourdeurs incontournables liées aux quelques ratés du style de coopération et à la quête chinoise de ressources installant souvent des échanges déséquilibrés à l’origine de quelques tensions dans les relations sino-africaines.

Perspectives et risques.

Au milieu des nombreux analyses argumentant autour d’un retrait partiel de la Chine du continent africain, le triplement de l’aide chinoise résonne comme une profession de foi. Il ne fait pas de doute qu’aujourd’hui le choix de Pékin est de lier encore plus le destin de l’Afrique à celui de la Chine. A cet égard, comme le dit la note de la Brookings citée plus haut, les intentions du politburo de contribuer à la modernisation industrielle, de diversifier les échanges, d’investir dans les infrastructures et de participer à l’intégration régionale sont des stratégies vertueuses « gagnant – gagnant ».

Pour autant, il n’est pas possible d’ignorer l’impact du freinage chinois sur la relation et son effet sur les promesses financières de Pékin, dans un contexte où l’économie chinoise est elle-même confrontée à d’importantes difficultés. La conjonction des vents adverses du recul de la croissance chinoise et d’un continent africain dont le fort potentiel est handicapé par de nombreuses incertitudes politiques et de sécurité, conduit à se demander si le repli de 18% des échanges et de 40% des investissements chinois n’est qu’un affaiblissement conjoncturel ou, au contraire, une tendance du long terme.

Les interrogations sont d’autant plus légitimes que la bascule affichée par le président chinois vers un nouveau modèle de relations plus diversifiées privera les prêteurs chinois d’une garantie essentielle, jusqu’à présent assurée par la manne des ressources primaires. La question est cruciale, mais la note de la Brookings souligne qu’à ce propos, les avis des experts divergent. Certains, très optimistes, considèrent que la dynamique chinoise en Afrique, articulée autour des projets de décloisonnement territorial et de modernisation industrielle, génèrera une croissance et des revenus fiscaux capables d’assurer à la Chine un remboursement de ses prêts.

Risques financiers.

Plus logiquement, d’autres prévoient qu’en dépit de ses mauvais effets d’image et des efforts chinois pour le dissimuler, le volet ressources primaires restera un élément essentiel de la relation sino-africaine. Certains évoquent même la possibilité d’une appropriation partielle par des compagnies nationales chinoises de gisements africains au moyen de prises de participation.

Quoi qu’il en soit, la réussite du pari chinois d’une stratégie extérieure très vaste n’est pas sans importance en politique intérieure. En novembre dernier, un article circulait sur les réseaux sociaux demandant au président de mettre fin aux excessives dépenses de politique étrangère alors qu’en Chine même les problèmes sociaux s’accumulent et parfois s’exacerbent. Vu sous cet angle, un échec des stratégies de Xi Jinping se traduisant par d’importantes pertes financières, résultat des créances chinoises non honorées par l’Afrique pourrait avoir des répercussions internes.

A ces risques financiers mal garantis, s’ajoutent les faiblesses rémanentes bien connues de la pénétration chinoise en Afrique (frictions avec la main d’oeuvre et les autorités locales, désaccords sur les prix de livraison à la Chine de ressources primaires en remboursement des dettes, mauvaise insertion des Chinois dans la vie locale et avec les sociétés civiles).

Nouvelles menaces de sécurité.

Enfin, la dernière incertitude et non des moindres, touche à la sécurité des ressortissants chinois dont une grande partie travaille dans les zones à risques alors que de vastes zones du continent sont traversées par des tensions politiques, ethniques et religieuses. Après l’attentat de Bamako contre l’hôtel Radisson Blu, le 20 novembre dernier où 3 hauts responsables de China Railways avaient été tués, la direction chinoise avait confirmé, sans donner de détails, son intention d’inclure dans ses projets africains une coopération de sécurité.

Du fait de ses stratégies extérieures qui déploient 3 à 5 millions de travailleurs souvent dans des régions instables, et en dépit de son aversion pour les ingérences militaires extérieures, la Chine également soucieuse d’assurer la sécurité de ses approvisionnements en énergie et en matières premières, est progressivement entraînée à mettre le doigt dans l’engrenage des déploiements de militaires de combat.

Sur le continent africain, plusieurs zones témoignent de cette évolution qui reste cependant circonscrite par le strict cadre de l’ONU. Il n’en reste pas moins que l’évolution des menaces poussera mécaniquement l’APL à augmenter ses coopérations militaires bilatérales en dehors du cadre des NU.

En juin 2013, Pékin a, au milieu d’un contingent de 500 docteurs, infirmiers, agents de santé et militaires du génie, envoyé une compagnie de combat renforcée (170 hommes) à la MINUSMA au Mali. Moins d’une année plus tard, le politburo a décidé d’augmenter sa participation à la force des NU au Soudan en promettant l’envoi d’un bataillon de 700 hommes dont la mission est de protéger les travailleurs chinois des puits de pétrole et les installations qu’ils mettent en œuvre.

A Djibouti, le projet d’installation d’une base navale chinoise à Obock en face des déploiements américains, japonais et français constituera le tout premier volet de logistique navale déployé à l’étranger par l’état-major chinois.

Dans un environnement de conflits asymétriques où l’action terroriste indiscriminée par des acteurs se mêlant aux populations locales, constitue la forme extrême de l’action psychologique [4], il est probable que l’extension des déploiements chinois augmentera leur vulnérabilité.

Alors qu’en Chine même le politburo est confronté à l’action de réseaux se réclamant du Djihadisme international, décidés à cibler les intérêts chinois où qu’ils se trouvent en représailles des opérations menées au Xinjiang contre les Musulmans ouïghour par la police armée populaire, il faut s’attendre à une recrudescence des actions violentes menées contre les ressortissants chinois.

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NOTE de CONTEXTE

Unités de combat chinoises chez les casques bleus.

Le 25 mai 2015, à Juba au Sud Soudan, le bataillon d’infanterie chinois, sous les ordres du colonel Wang Zhen au premier plan. Ses missions officielles : patrouilles en ville, protection des réfugiés, et protection des ouvriers chinois et des installations pétrolières de CNPC.

Publiée en octobre dernier par le site E-INTERNATIONAL RELATIONS STUDENTS, une étude intitulée « Crouching Tiger, Blue Helmet, Chinese combat troops in peace keeping operations » (« Tigre à l’affut et casques bleus : les unités de combat chinoises dans les opérations de maintien de la paix ») propose une synthèse utile de l’engagement militaire de Pékin dans le monde à travers les NU.

Alors que dans les années 70, immédiatement après son adhésion à l’ONU en 1971, Pékin usait de son influence pour critiquer les opérations de maintien de la paix, considérées d’abord comme des « instruments de l’intrusion impérialiste dans les affaires internes des États souverains, créant un risque pour la “coexistence pacifique“ » et plus tard, comme le moyen utilisé par Moscou et Washington pour « élargir leur sphère d’influence », la rupture avec l’attitude de refus idéologique survint 5 ans après la mort de Mao en 1981, quand Pékin approuva l’opération de maintien de la paix à Chypre.

7 années plus tard, la Chine acceptait de faire partie de la Commission spéciale des NU pour les opérations de maintien de la paix, et en 1992, elle envoyait pour la première fois de son histoire un bataillon de transport participer à l’opération des NU au Cambodge, déclenchée par l’ONU après les accords de Paris de 1991.

Après la fin des années 90, le discours officiel chinois sur les opérations de maintien de la paix devint plus souple au point d’appeler l’ONU à « intervenir plus vite et plus fermement », selon les termes de l’ambassadeur chinois de l’époque à New-York Zhang Yishan. Une autre évolution marquante eut lieu en 2000, quand Pékin accepta de déployer un contingent de « Police civile – civpol » au Timor oriental. Par la suite la contribution chinoise en unités du génie, équipes médicales et police civile s’accéléra sur les théâtres bosniaque, afghan et ceux de la République du Congo, en Haïti, au Darfour et au Liban.

A partir de cette époque, les unités chinoises, toutes non combattantes, furent confrontées à des risques importants.

En 2006, au cours de la guerre menée par Israël au Liban le commandant chinois Du Zhaoyu, observateur militaire, fut tué par une frappe aérienne israélienne. La prise en compte des nouveaux défis se traduisit par l’augmentation de la coopération internationale sur le sujet du maintien de la paix et la création au sein des appareils de sécurité et de défense chinois de centres d’entraînement pour les unités de « civpol » et les militaires. (NDLR : au total à la date du 31 octobre 2015, les pertes chinoises en opérations de maintien de la paix sont de 15 tués).

Simultanément Pékin augmenta sa contribution financière aux opérations de maintien de la paix, qui passa de 0,9% dans les années 90 à 6,64% pour la période 2013 – 2015, se rapprochant des contributions du Japon (10,83%) de la France (7,22%), de l’Allemagne (7,14%) du Royaume Uni (6,68%), mais loin derrière les États-Unis (28,38%).

En 2016, la contribution de la Chine augmentera comme celle des autres membres permanents à la requête de l’ONU et dépassera 10%. En même temps, avec plus de 2000 hommes engagés en permanence, la Chine est de loin le plus gros contributeur en effectifs des 5 membres permanents.

Aujourd’hui, alors que la Chine commence à participer dans certaines zones aux opérations de maintien de la paix avec des unités de combat, la question se pose de la validité de la doctrine de non ingérence qui sous tend toujours le discours officiel chinois, notamment à propos de la question syrienne.

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S’il ne fait aucun doute que les contributions militaires chinoises ont jusqu’à présent favorisé la construction d’une image internationale de Pékin respectueuse du multilatéralisme et de l’autorité des NU, en appui de sa volonté de s’affirmer en puissance raisonnable et pacifique opposée aux aventures militaires et attaché à la souveraineté des États, la montée de nouveaux défis de sécurité transnationaux qui touchent directement les intérêts chinois, en liaison avec de fortes tensions de sécurité interne, oblige désormais Pékin à considérer encore plus la situation sous l’aspect de la protection directe de ses ressortissants et de ses intérêts.

Le document évoque une série de questions posées par l’implication d’unités de combat chinoises dans les opérations à risques sous mandat de l’article 7 (imposition de la paix par la force) qui obligerait, par exemple, à reconsidérer l’ouverture du feu autrement que dans les cas de légitime défense ce qui changerait l’image d’une nation neutre et pacifique que Pékin cherche à donner.

Enfin, le dernier paragraphe passe en revue quelques options à la disposition de Pékin pour augmenter son implication dans des engagements de combat plus durs, telles que la participation à l’état-major onusien de planification des opérations, une coopération directe avec la force de stabilité africaine de l’OUA ou une plus grande proximité avec les forces armées nationales des pays africains, portant cependant le risque de se mettre en porte-à-faux vis-à-vis des oppositions africaines et d’hypothéquer l’avenir.

C’est précisément ce qui est plusieurs fois arrivé à la France, d’abord en Côte d’Ivoire où Paris avait, contre Alassane Ouattara devenu chef de l’État, soutenu le président Laurent Bagbo aujourd’hui incarcéré par la Cour Pénale Internationale ; ensuite en Tunisie où le Quai d’Orsay soutenait Ben Ali, contre son opposition et une grande majorité du peuple tunisien.

Mais au fond, l’envoi par la Chine d’unités de combat dans des zones sensibles ne changera pas son principe auquel elle ne dérogera pas, d’un engagement nécessairement légitimé par un mandat officiel du Conseil de sécurité, calculant soigneusement l’envoi de ses troupes au cas par cas en fonction de ses intérêts. De la même manière Pékin ne renoncera pas à son droit de veto pour s’opposer à une intervention militaire si elle ne la juge pas conforme à ses stratégies.

Note(s) :

[1Ces sanctions ont pris fin le 16 février 2015, date à laquelle l’UE a octroyé au Zimbabwe une aide financière directe de 234 millions d’€.

[2L’information datée du 17 novembre, émane de Shen Danyang, le ministre chinois du commerce. Dans le même temps, le Financial Times en général très critique de l’action et de l’influence chinoises en Afrique, affirmait que la réduction des investissements chinois était de 84% (articles publiés les 21 et 29 octobre). Quoi qu’il en soit, la contraction des investissements chinois est d’abord un effet du ralentissement de la croissance et de la baisse de la demande chinoise pour les matières premières.

[3Depuis le lancement du forum Chine – Afrique en 2000, la Chine ne cesse d’augmenter son aide au développement. Pour fixer les idées et au risque de céder aux amalgames qui mélangent les aides directes, les prêts à différents taux et les fonds de financement à vocation lucrative, on s’arrêtera au résumé proposé par Yun Sun, diplômée de l’Université Georges Washington et de l’Institut des relations internationales de Pékin, dans un compte-rendu de la Brookings Institution du 7 décembre : « La Chine a doublé ses promesses de financement à l’Afrique à chaque session du Forum Chine – Asie. Elles étaient de 5 Mds en 2006, de 10 Mds en 2009 et de 20 Mds en 2012. »

[4« Est considérée comme acte terroriste une action violente entreprise généralement par un individu ou un groupuscule non-étatique, dans un but presque toujours politique, contre des cibles non discriminées, avec des moyens limités, et dont la particularité est de produire un climat de terreur où les effets psychologiques sont hors de proportion avec les résultats physiques qui découlent d’un tel acte » Raymond Aron, Paix et guerre entre les Nations.

 

 

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