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›› Editorial

Une conférence de presse lénifiante sur fond d’inquiétudes

Le 15 mars, Li Keqiang premier ministre et n°2 du Politburo s’est livré à l’exercice annuel de la conférence de presse après la session des assemblées, inauguré par Wen Jiabao en 2003. Alors que nombres de sujets sensibles ont été passés sous silence, les réponses et le ton avaient pour but de rassurer sur l’état de l’économie et les intentions stratégiques de la Chine.

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Le 15 mars dernier, le premier ministre Li Keqiang a répondu à une vingtaine de questions posées par des journalistes choisis parmi plus de huit cents de leurs collègues chinois et étrangers réunis au Grand Palais du Peuple à l’occasion de la conférence de presse concluant la session annuelle de l’ANP. Cette fois l’exercice avait une portée plus large puisqu’il concluait aussi une session parlementaire au cours de laquelle a été approuvé le 13e Plan quinquennal dont le texte avait été rendu public au cours du 5e Plenum du Parti en octobre 2015.

Les réponses du n°2 chinois aux journalistes avaient une caractéristique commune. Toutes étaient logiquement articulées autour de la volonté de rassurer sur l’état de l’économie chinoise, l’avancement des réformes, les risques financiers et sociaux ainsi que sur les intentions pacifiques de la Chine à travers l’évocation des relations avec les États-Unis, la Russie, le Japon et l’Asie du Sud-est. Le ton du n°2 chinois se voulait également apaisant quand il a évoqué les relations avec Hong Kong et Taïwan.

De cet exercice largement contraint par une longue série de non dits qui évacuèrent soigneusement toutes les tensions en cours, surnageait l’idée que la Chine, résolument engagée dans une politique de l’offre et de gestion rigoureuse de ses finances, rapprochait son économie des exigences du marché. En même temps le gouvernement veillait, par des aides spécifiques ou des relances ponctuelles, à désamorcer les tensions sociales résultant des restructurations en cours, des ratés du paiement de salaires ainsi que des faiblesses des couvertures sociales et de santé à quoi s’ajoutent les inégalités du système des retraites dont le déficit est préoccupant.

S’agissant de l’action internationale de la Chine, Li Keqiang, ignorant les crispations en mer de Chine du sud avec Washington, Hanoi et Manille, ou celles avec l’UE résultant de l’exportation des surplus industriels, a résolument axé son intervention sur la volonté d’apaisement et de coopération de Pékin. Le parti pris optimiste de détente par le dialogue et la coopération a également marqué les commentaires de Li Kiqiang à propos de la relation de Pékin avec la R.A.S de Hong-Kong, pourtant récemment secouée par un retour des échauffourées violentes.

Même discours édulcorant et univoque à propos de Taïwan dont la situation a pourtant récemment été marquée par la déroute du Guomindang aux élections présidentielles et législatives de janvier 2016 et l’élection à la tête de l’Île de Tsai Ing-wen dont le Parti inscrit son action dans le refus de la reconnaissance « d’une seule Chine » et sur une trajectoire d’affirmation identitaire aux arrières-pensées de rupture politique qui heurtent de plein fouet le dogme unificateur du Parti Communiste chinois.

Les détails de la conférence de presse de Li Keqiang peuvent être consultés sur le site de l’agence Xinhua tandis que le parti pris optimiste de l’exécutif peut-être résumé par cette réponse du Premier ministre qui, sans ignorer les défis, s’est efforcé à toujours présenter « le verre à moitié plein » : « Nous avons pleine confiance dans les perspectives positives à long terme de l’économie chinoise qui ne connaîtra pas d’atterrissage brutal. Et s’il est vrai qu’elle est confrontée à des défis, les motifs d’espoir sont plus nombreux que les raisons du pessimisme ».

Toutefois, pour apprécier la situation du pays et notamment la pertinence du 13e Plan et ses chances de succès, il est nécessaire d’aller plus loin que les discours convenus. Pour plus de clarté, après un rappel des défis, l’analyse qui suit se limite à deux points essentiels de la réforme en cours qui sont peut-être ceux générant les plus grands freins à la réforme et les risques de crise : l’accumulation des charges financières pesant sur le pays et les difficultés de la réforme des grands féodaux industriels réticents à mettre en œuvre les mesures de restructuration qui devraient les rapprocher d’une meilleure gestion et de moins de gaspillages.

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Les grands défis.

En 2015, les réserves de change de la Chine ont baissé de 513 milliards de $. En janvier 2016, la chute a été de 116 milliards de $. La baisse rapide des réserves correspond à deux phénomènes qui ne furent pas évoqués lors de la conférence, mais traduisent un effritement de la confiance : une fuite des capitaux évaluée à 1000 milliards de $ et les efforts de la Banque Centrale pour freiner la chute du Renminbi.

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Contrastant avec l’optimisme que la conférence de presse tentait de véhiculer, les défis auxquels la Chine est confrontée sont cependant bien connus. S’il est vrai que le 15 mars Li Keqiang s’est dit conscient de la difficulté de la tâche, ajoutant que la manœuvre visant à maintenir à long terme les fondamentaux de l’économie chinoise, nécessiterait « vision, persévérance et courage », il est resté vague sur l’ampleur des problèmes.

Qu’il s’agisse du vieillissement de la population ; de l’augmentation des exigences sociales des migrants, des ruraux, de la classe moyenne et des retraités, s’ajoutant au coût de l’urbanisation et de l’intégration des migrants ; du poids financier de la pollution de l’air, des sols et des rivières ; de la perte de compétitivité des vieilles structures industrielles obligées de licencier plus d’un million de personnes (selon le rapport de Li Keqiang à l’ANP, le 5 mars dernier) ; de la raréfaction du capital et de la persistance d’une faible productivité de la main d’œuvre, tous les bouleversements en cours convergent pour réduire sévèrement des marges de manœuvre financières et humaines du gouvernement.

A contrario, la situation met en lumière plusieurs exigences pressantes qui doivent accompagner la bascule du schéma de développement vers plus de consommation et moins d’investissements [1].

1) Mettre rapidement fin aux gaspillages et aux surproductions assez largement concentrés dans les vieilles structures industrielles ; 2) Se garder d’un risque d’assèchement du crédit pouvant déclencher une crise systémique sur fond de retour des créances toxiques des banques et de l’accumulation des dettes des administrations locales ; 3) Augmenter par l’innovation la rentabilité de la main d’œuvre et du capital tout en opérant une bascule du schéma de développement qui doit prendre ses distances avec l’obsession quantitative pour s’articuler rapidement vers la quête de qualité. 4) Piloter les restructurations et la transition économique au plus juste pour tenir à distance leurs conséquences sociales.

Parmi toutes ces difficultés, la première, recelant des risques de crise par assèchement du crédit contre lesquels le FMI met en garde la Chine depuis l’automne 2015, est celui de l’accumulation des charges financières présentes et à venir qui pèseront de plus en plus sur les équilibres.

Le gonflement des défis financiers a deux origines, liées au développement de la classe moyenne socialement de plus en plus exigeante : la facture de l’urbanisation et le coût de l’harmonisation des retraites, deux sujets que Questionchine a évoqués à plusieurs reprises, dans un contexte où quoi que fasse le pouvoir, la dette augmente deux fois plus vite que la croissance.

La facture de l’urbanisation.

La grande migration des campagnes vers les villes qui modifie sous nos yeux le paysage du pays, donnant naissance à 8 mégalopoles de plus de 20 millions d’habitants aura, en 2025, propulsé un milliard de Chinois hors des zones rurales. Ajouté aux obligations sociales de l’État qui s’accumulent (retraites, assurance maladie système de santé, intégration des migrants) ce basculement démographique constitue sans conteste une opportunité de modernisation, en même temps que l’un des plus grand défis posés à l’équilibre financier, socio-économique et politique du pays.

Selon un chiffre du ministère des finances datant de mars 2015, le financement du plan d’urbanisation et de ses obligations sociales connexes visant à intégrer d’ici 2020 60% de la population chinoise (en 2015, le taux d’urbanisation était de 53,7%), comportant également l’intégration de plus de 200 millions de migrants sans statut et sans couverture sociale coûterait au bas mot 42 000 Mds de RMB (soit 6000 Mds d’€) en logements, adduction d’eau, traitement des eaux, chauffage, transports, infrastructures hospitalières et d’éducation.

A cette charge financière s’ajoutera la difficulté de convaincre les promoteurs immobiliers et les administrations locales de mettre fin au financement de leurs budgets par la vente de terres agricoles et de les inciter à réduire le prix des logements, condition de la réussite de l’urbanisation des migrants ce qui, compte tenu des lobbies enchevêtrés, constitue une entreprise complexe.

Dès à présent l’ampleur des dépenses liées à la régularisation des migrants qui s’ajoutent aux réticences de la classe moyenne voyant d’un mauvais œil le fardeau de l’arrivée de nouveaux résidents en quête de prestations sociales, expliquent que la promesse de la suppression du Hukou 户口 ou passeport intérieur ne soit mise en œuvre que très lentement.

Le coût de l’harmonisation des pensions.

En juin 2014, une étude explosive de Wei Jizhang, chercheur à l’Académie des Sciences Sociales, expert des questions de sécurité sociale, établissait qu’en 2012, le déficit du financement des retraites avait déjà atteint la somme astronomique de 86 000 Mds de Yuan (12 000 Mds d’€), soit l’équivalent du PNB chinois en 2015, et 6 fois le PNB français, au moins 4 fois plus que les évaluations les plus pessimistes des spécialistes étrangers de la question tels la Deutsche Bank qui, fin 2013, évaluait les découverts des caisses à 3000 Mds de $.

En janvier 2015, le magazine Caixin analysait les lacunes du système de retraite, peu équitable, manquant de souplesse et, surtout, non viable à moyen terme, dont le principal talon d’Achille était le défaut de financement.

A la même époque, un autre article de Caixin abordait la quadrature du cercle du financement des retraites par un biais qui télescopait la réforme des grands groupes publics.

Pour l’auteur, le trou dans le financement des pensions avait été creusé par l’État et les groupes publics n’ayant pas tenu leurs promesses d’abonder les caisses de retraite à partir du début des années 90. Aujourd’hui, expliquait l’article, le déficit pouvait en partie être comblé grâce à l’ouverture des grandes entreprises au marché. Une partie des sommes de la privatisation des groupes publics et de la vente de leurs actifs que l’article estime à 100 000 Mds de Yuan (14 000 Mds d’€), devait être consacrée à la remise à flot des caisses de retraite.

A cet effet, l’article renvoyait à une proposition du 3e Plenum (octobre 2013) de faire passer, dès 2020, la contribution des entreprises publiques au budget général de 10% de leurs profits actuellement à 30%, dont une partie devrait être versée aux caisses de retraite. Du point de vue macro-économique cette proposition s’inscrit exactement dans le mouvement en cours, initié par l’actuel Bureau Politique, de redistribuer de manière plus équitable une partie de la richesse captée par les élites.

Pour autant, tout indique que ce transfert dont on voit bien qu’il participe de la crédibilité du Parti, ne se fera pas sans heurts. Au demeurant, les articles du 13e Plan sur ce sujet restent dans une très prudente ambiguïté, puisqu’ils limitent l’ambition à une « réforme raisonnable » du système des retraites.

Le financement des retraites par des transferts financiers à partir des bénéfices des groupes publics conduit directement à analyser le deuxième obstacle majeur aux réformes que Li Keqiang n’a que très peu évoqué dans sa conférence de presse : les réticences des féodaux industriels à se restructurer.

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Le rocher de Sisyphe de la réforme des groupes publics.

Source Ministère des finances chinois. Le graphe présente l’explosion de la dette des entreprises publiques en fin d’année 2015. Il montre a contrario la nécessité de les restructurer et d’améliorer leur gestion, dans un contexte général où les finances du pays sont désormais placées sous la très forte contrainte du coût de l’urbanisation et des obligations sociales de l’État qui réduisent la marge de manœuvre politique du régime.

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S’il est vrai que les initiatives réformistes n’ont pas manqué, comme celle du démantèlement dès le printemps 2013 du très corrompu ministère du rail suivi de la création, un an plus tard, de la China Railway Corporation 中国铁路总公司 par fusion des groupes CSR et CNR, les deux fabricants de matériels roulants suivie par l’expérience pilote pour le désengagement de l’État de 6 groupes publics des secteurs financiers, de l’industrie alimentaire, de la construction, de la pharmacie, de l’environnement et de la logistique [2], force est de constater que 2 années après le lancement des réformes, des monstres industriels peu rentables, parfois au bord de la faillite ont continué à être subventionnés.

C’est le cas du secteur de l’acier ayant bénéficié de 173 Mds d’€ de subventions créant une situation d’endettement chronique, alors que 30% des groupes ont un ratio de créances supérieur à 80% de leurs avoirs et qu’au moins 5 d’entre eux sont insolvables.

La stratégie d’aide directe, à rebours des intentions réformistes du régime, avec, en arrière plan, les intentions sociales de protéger l’emploi, est clairement à l’origine des surcapacités des aciéristes chinois évaluées à 33%, elles-mêmes aujourd’hui au cœur des controverses avec l’UE et les États-Unis dans un contexte général où les prix de l’acier ne cessent de baisser contraints par la faible demande extérieure.

A ces freins socio-économiques s’ajoutent l’inertie des administrations confinant parfois au manque de loyauté et les réticences logiques des cadres des groupes publics, juges et parties peu désireux d’abandonner leurs avantages. Le manque d’allant des cadres locaux a été dénoncé en août 2015 par un rapport de 1000 pages rédigé par une équipe de contrôle dépêchée par Pékin qui soulignait que les bureaucraties des provinces, d’abord préoccupées de leurs propres intérêts financiers, ignoraient presque systématiquement les directives du pouvoir. Selon le rapport, peu de projets de la réforme avaient avancé, notamment dans le secteur des logements sociaux, du démantèlement des monopoles d’État, du soutien aux entreprises privées, de la promotion des véhicules propres ou du financement des PME.

De ce qui précède, on peut douter de la capacité du régime à imposer aux grands féodaux industriels la rigueur de gestion et les restructurations qualitatives envisagées par la réforme. A cet égard, la solution des regroupements avancée en marge de l’ANP 2016 par Xiao Yaqing, président de la Commission des actifs de l’État (SASAC) [3] pour éviter les fermetures d’usine et les licenciements tout en réduisant les surcapacités, pourrait au contraire contribuer à créer de nouvelles féodalités, elles aussi tentées par la protection de leurs intérêts acquis, arrière-plan des résistances aux réformes.

Parmi les secteurs placés sur une trajectoire de puissance et de dilatation quantitative, également sous tendue par l’idée très nationaliste de Xi Jinping de créer des champions industriels nationaux, se trouvent (mais la liste n’est pas close) les « intouchables » de l’aérospatiale, du nucléaire civil, du Train à Grande Vitesse, des réseaux de distribution d’électricité, des énergies renouvelables, des hydrocarbures et des compagnies aériennes.

Le rapport de la Chambre de commerce de l’Union Européenne en Chine confirme un recul de l’élan réformiste (lire notre article La Chambre de commerce de l’UE en Chine, nouvel acteur politique ?). S’agit-il d’une mauvaise volonté, de la crainte des conséquences sociales dans le contexte du ralentissement mondial ou d’une prudence tactique face à l’ampleur des défis ?

Le 17 mars le WSJ mettait en ligne un article qui dessinait les contours de ces interrogations en publiant deux visions contradictoires des raisons du freinage des réformes. Mauvaise volonté politique d’un part, précaution et discernement de l’autre, compte tenu de la complexité croissante du marché de l’emploi.

Les raisons du piétinement des réformes de structure.

Le recul de l’élan réformiste était d’abord dénoncé par Huang Yukon, américain de souche chinoise, ancien directeur régional Chine de la Banque Mondiale, aujourd’hui membre de l’association Carnegie Endowment for International Peace et habituellement beaucoup moins critique de la Chine. L’argument, assez rare chez les actuels observateurs de la Chine pointait du doigt la tête du régime et le Président Xi Jinping lui-même qui avait accaparé toutes les commandes.

Faisant un retour sur l’histoire, Huang notait que le régime avait, par le passé, mené à bien des réformes bien plus lourdes que celles envisagées aujourd’hui. Dans les années 1998 à 2003 Zhu Rongji premier ministre au caractère intrépide et volontaire avait initié une restructuration agressive des groupes d’État dont les effectifs avaient été réduits de 35 millions d’ouvriers, ouvrant la voie à d’importants gains de productivité, à l’origine d’une long cycle de croissance à deux chiffres.

Moins de 20 ans plus tard, ajoute Huang, les surcapacités se sont reconstituées, entraînant de nouvelles chutes de productivité, le retour des gaspillages et l’accumulation des dettes. Pourtant l’actuelle direction hésite à pousser le feu des restructurations, alors même que l’environnement social aujourd’hui plus aisé que du temps de Zhu Rongji pourrait absorber plus facilement les dégraissages dont l’ampleur serait d’ailleurs bien inférieure. Enfonçant le clou, l’ancien cadre de la Banque Mondiale notait que Xi Jinping se montrait bien plus audacieux et déterminé pour combattre la corruption que pour restructurer le vieux secteur productif, peut-être parce qu’il en voyait mal l’intérêt.

Tempérant la critique, le WSJ citait ensuite Huang Jin, professeur à l’Université Nationale de Singapour qui souligne la complexité des restructurations auxquelles la Chine doit faire face. Pour lui, la Chine est aujourd’hui engagée dans une « lutte épique » pour reprendre le contrôle des ressources accaparées par les grands groupes publics et leurs appuis dans le sérail même du régime. Il s’agit d’un « combat à mort ». A l’époque de Zhu Rongji, on « redessinait les fenêtres et les murs, aujourd’hui on s’attaque aux fondations ».

Plus encore, l’appétit de réforme a été modéré par la nouvelle sophistication du marché du travail, où il est plus difficile de reconvertir des ouvriers sidérurgistes déjà âgés vers les emplois des services ou des hautes technologies, alors qu’à l’époque de Zhu Rongji, il était plus simple de les basculer des aciéries vers les usines d’assemblage de voitures. En 2016, socialement les reclassements sont assurément plus difficiles. Pour Huang jin, une fausse manœuvre pourrait mettre en péril tout l’édifice.

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Aujourd’hui, alors que le pays est sous le coup d’un vaste mouvement de migration urbaine et que l’appareil, y compris l’APL, est secoué par une très sévère lutte contre les prévarications [4], de puissantes évolutions se conjuguent pour mettre la situation socio-économique sous tension, freiner la croissance et réduire la marge de manœuvre du régime.

Le temps de gaspillages et des vastes politiques de relance par l’investissement tire à sa fin. Alors que les finances publiques sont de plus en plus contraintes et que les réserves de change déclinent rapidement (chute de près de 500 Mds de $ en 2015), l’heure est à la recherche d’efficacité, à la remise en ordre éthique et au recadrage idéologique et disciplinaire des cadres du Parti (Depuis 2012, 750 000 cadres ont été mis en examen, mis en prison et exclus du Parti pour corruption).

En même temps, soucieux d’avoir politiquement les mains libres, le pouvoir se garde des influences occidentales, alourdit la censure et multiplie les harcèlements des militants des droits. Sans faiblir, il recadre la pensée et les médias qu’il appelle à la solidarité dans l’effort collectif de transition. La croissance, facteur de l’emploi et de stabilité sociale ne peut en effet plus être maintenue par la dilatation quantitative.

C’est dans ce cadre extrêmement risqué que s’entreprend, contre de nombreuses réactions adverses, l’immense tâche pavée d’obstacles d’opérer la mutation qualitative du schéma de développement du pays. Autant d’inquiétudes et de grands défis tenus sous le boisseau lors de la conférence de Li Keqiang.

En cela le premier ministre chinois ne se distingue pas de la plupart des pouvoirs politiques de la planète confrontés à l’enchevêtrement des nouveaux défis d’un monde en mutation très rapide, où il est de plus en plus ardu d’avoir des certitudes, tandis que la puissance des pouvoirs publics est mise au défi par le développement des nouveaux moyens d’information et de communication.

Note(s) :

[1Le rééquilibrage qui a commencé est une entreprise de longue haleine. Même si la part de la consommation dans le PIB augmente, ce sont toujours les investissements d’infrastructure qui tirent la croissance avec 48% du PIB contre 22% en France et 19% aux États-Unis.

[2Il s’agissait de la compagnie nationale d’investissements et de développement 国家开发投资公司, du groupe national de céréales, huiles et produits alimentaires (COFCO) 中国粮油食品(集团)有限公司, du groupe national pharmaceutique (Sinopharm) 中国医药 集团公司, de la Compagnie Nationale de Matériaux Constructions (CNBM) 中国建材, de la compagnie nationale d’économie d’énergie et de protection de l’environnement(CEPEP) 中国节能环保集公司 et le groupe international Xinxing Cathay新兴际华集团, issu du département logistique de l’APL, impliqué dans une multitude d’activités qui vont de la métallurgie lourde à l’immobilier en passant par les machines agricoles, les pièces détachées d’automobiles, le textile ou les Terres Rares.

[3La Commission de contrôle des actifs de l’État (SASAC) est elle-même un frein aux réformes. A l’été 2014, le magazine Caixin accusait cette dernière d’avoir complètement manqué la restructuration des entreprises publiques placées sous son contrôle dont les profits se sont effondrés. Au point que les entreprises nationales constitueraient aujourd’hui un des principaux handicaps à l’amélioration de la productivité du secteur industriel et manufacturier.

[4La campagne contre les corrompus ne faiblit pas. Le 15 mars, Li Keqiang a confirmé la détermination du pouvoir de poursuivre le nettoyage éthique du pays, conformément à la loi a t-il dit, tout en promettant de faire effort pour améliorer la formation des cadres qu’il a appelés à faire preuve de plus de responsabilité morale.

Toutefois, si l’arrière plan moral de la campagne continue à recueillir le soutien de l’opinion, la lutte contre les prévaricateurs apparaît de plus en plus comme un moyen d’amener à résipiscence les cadres et les féodaux industriels rétifs aux réformes. La guerre impitoyable contre les corrompus dont Xi Jinping semble faire un défi existentiel, a cependant un effet pervers. Elle véhicule aussi un risque potentiel. La chasse souvent menée à la suite de dénonciations anonymes diffuse un sentiment malsain et paralyse l’administration. A terme, elle porte le risque de déboucher sur une lutte de clans.

 

 

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