Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

 Cliquez ici pour générer le PDF de cet article :

›› Politique intérieure

La grande remise à niveau opérationnelle des armées. (Suite)

Le Général Guo Boxiong, ancien plus haut gradé militaire chinois entre 2002 et 2012, à la retraite depuis 3 ans, tombé pour corruption en 2015, a été condamné à la prison à vie le 25 juillet 2016.

*

Quand les commentateurs des média occidentaux évoquent l’Armée Populaire de Libération c’est le plus souvent en termes d’équipements, frégates, destroyers, sous-marins, missiles, chasseurs de combat, mais plus rarement pour explorer les entrailles humaines de la machine de guerre chinoise, sa cohésion, son entraînement et sa capacité opérationnelle.

Pourtant, tel est aujourd’hui le souci à l’arrière plan de la vaste réforme des armées entreprise par Xi Jinping, président de la République, n°1 du parti et président de la Commission Militaire Centrale.

Depuis 2012 toutes les actions de la direction du régime – réorganisation du commandement au sommet, lutte féroce contre les corrompus de très haut niveau abîmés dans le commerce des grades et les détournements de biens publics, mise en chantier de nouveaux équipements, augmentation du nombre de casques bleus chinois, resserrement de la chaîne de commandement et suppression des pouvoirs parallèles, participation à des manœuvres navales américaines de grande ampleur en 2014 et 2016, rajeunissement des cadres choisis dans un vivier de fidèles et réhabilitation des plus anciens mis sur la touche par les précédents politburos – concourent à ces objectifs : rehausser la capacité au combat des forces et s’assurer de la fidélité absolue des militaires au Parti et en premier lieu à la personne du n°1.

Au milieu de la réorganisation des forces en cours dont Question Chine a amplement rendu compte, une autre action en profondeur moins médiatisée avance cependant à grand pas.

Déclenchée en novembre 2015, un mois après le plenum qui fixait les objectifs du 12e plan quinquennal, elle vise à achever aussi complètement que possible la rupture des armées avec les affaires. Simultanément, Xi Jinping poursuit le rajeunissement des cadres au sommet, tout en s’assurant de ne pas heurter l’ancienne hiérarchie en place y compris en redonnant du dynamisme à la carrière de certains généraux jugés méritants, mais oubliés par la précédente direction.

Deux récents articles parus dans China Leadership Monitor de juillet rédigés par des sinologues reconnus traitent des nouvelles promotions au sommet et de la fin des affaires dans l’APL, mises en perspective depuis Deng Xiaoping.

La fin des affaires lucratives dans les armées ?

Le 18 juillet, en pleine tension à propos de la mer de Chine méridionale, l’amiral américain Richardson (à gauche) commandant les opérations de l’US Navy, a rencontré à Qingdao l’amiral Wu Shengli commandant la marine chinoise. Dans leurs échanges avec l’US Navy, notamment durant l’exercice RIMPAC 2016 auquel la marine chinoise a participé avec 3 bateaux, les marins chinois mesurent l’importance d’abandonner les affaires et de concentrer leurs efforts sur la modernisation des forces.

*

Rappelant la difficulté de couper le cordon ombilical qui relie l’APL aux activités commerciales lucratives James Mulvenon [1] souligne que la décision de balayer ce qui restait des affaires dans l’APL prise à l’automne 2015 n’a réellement été mise en œuvre qu’à partir du printemps 2016. Comme souvent, l’action publique est précédée, accompagnée et commentée par des articles dans la presse du régime.

Le 28 mars dernier, un éditorial du Quotidien de l’APL établissait un lien direct entre les effets parasites des activités économiques et l’aptitude opérationnelle des forces : « la fonction essentielles des armées est le combat. Dévier de cette priorité conduira à d’infinis désastres. » (…) Et encore « La recherche de profits détourne les militaires de leur mission et de l’obligation d’améliorer l’aptitude au combat des unités ».

Deux mois plus tard, un officier anonyme enfonçait le clou en interrogeant un journaliste enquêteur du Global Times : « Quelle est la disponibilité au combat d’un officier qui calcule les bénéfices à retirer d’un contrat d’affaires qu’il vient de signer ? ».

L’opération s’apparente à une intervention chirurgicale difficile au moment même où l’APL est engagée dans la plus vaste réorganisation jamais entreprise avec la déflation de 13% de ses effectifs (300 000 hommes) d’ici la fin 2017, l’établissement de 5 théâtres opérationnels remplaçant les 7 anciennes Régions militaires, la clarification hiérarchique au sommet créant un commandement interarmes sous l’autorité directe de la CMC et la création des deux commandements parallèles de la logistique et des missiles.

Alors que tous les efforts convergent vers l’amélioration de la réactivité des forces et une meilleure coopération des armes et services, l’élimination des affaires lucratives restantes est en phase avec la quête d’une meilleure qualité opérationnelle des unités.

La lutte contre la corruption élimine les obstacles.

Logiquement, Mulvenon considère, au passage, que le volet anti-corruption pourrait contribuer à éliminer les officiers se mettant en travers de la réorganisation des structures des forces et du commandement. Dans un article du Global Times, Gong Fangbin, professeur à l’Université de la Défense Nationale explique que les ponctions financières dont s’étaient rendus coupables les « 50 tigres » purgés des armées eurent un effet direct sur le budget des forces et leurs ressources détournés vers des profits personnels.

Il cite le cas de Wu Fangfang, belle-fille de Guo Boxiong, l’ancien n°2 des armées à la retraite depuis 3 ans, tombé pour corruption en 2015 et récemment condamné à la prison à vie. En louant des terrains militaires à des opérateurs elle avait accumulé 800 millions de Yuan de profits illégaux (110 millions d’€).

Les prévarications de la famille Guo – son fils Major Général est également mis en examen - s’ajoutaient à celles de Gu Junshan ancien n°2 du département logistique (commerce de biens publics), de Xu Caihou, ancien Commissaire Politique de l’APL et de Guo Boxiong lui-même. Les deux derniers s’étant enrichis en monnayant les promotions de leurs subordonnés, une pratique en conflit direct avec l’objectif d’améliorer l’encadrement.

Enfin, il est de notoriété publique que la mouvance Guo Boxiong, encore rattachée aux allégeances remontant à l’ancien n°1 Jiang Zemin, ne voyait pas d’un très bon œil les restructurations des forces en cours. Certains membres de ce réseau, faisant obstacle à la réorganisation, pouvaient même, ajoute Mulvenon, tirer avantage de la prévalence de l’état de militaire pour défier le pouvoir.

Ainsi, dit-il, militaires et politiques fidèles à l’actuel politburo sont-ils en phase et unis pour débarrasser l’APL de la réminiscence des affaires commerciales, convaincus que la manœuvre de nettoyage facilitera la mise en œuvre des réformes en cours. La question est de savoir si ce coup de balai sera bien le dernier ou si, au contraire, certaines affaires échapperont au lessivage, bénéficiant de manœuvres tactiques, comme ce fut déjà le cas en 1998.

Survivance des passe-droits.

L’APL continue encore à valoriser ses actifs en infrastructures ferroviaires et portuaires et dans l’immobilier.

*

Plusieurs articles de la presse chinoise ont récemment dressé un tableau du reliquat des affaires en cours au sein des armées. Le plus synthétique est paru dans le Global Times en 2016 « Aujourd’hui les militaires sont encore impliqués dans des opérations commerciales des secteurs des télécoms, de la formation aux affaires, de la logistique, des technologies médicales, du show-business, de la location de terres et de l’immobilier. Beaucoup sont encore autorisées par des lois que le décret d’éradication des affaires de 1998 n’avait pas annulées.

Les passe-droits se sont perpétués grâce à d’autres dispositions règlementaires officielles, mais en conflit avec la décision de 1998. En 2000, un décret avait autorisé le transfert à des tiers des droits fonciers des armées sous réserve de l’accord du département logistique. En réalité, il permettait de contourner la loi de 1988 et de perpétuer un décret de 1995 autorisant l’APL à s’associer aux gouvernements provinciaux pour développer des projets immobiliers sur des terrains appartenant aux armées. Beaucoup de ces projets toujours en vigueur ont été détournés de leur objet initial qui était d’abonder le budget des forces et ont alimenté la corruption des militaires.

A côté de la fin des affaires directement liée à la lutte contre la corruption, le politburo et Xi Jinping sont, parallèlement à la restructuration des forces, également engagés dans un renouvellement des cadres au sommet de la hiérarchie. L’objectif est le rajeunissement, mais pas seulement. Le n°1 chinois prend également soin de ne pas heurter la vieille garde. Ce qui ne l’empêche pas, quand la nécessité s’en fait sentir, de pousser vers la sortie ou sur la touche des officiers emblématiques, même quand ils lui sont proches, comme Cai Yinting, son proche confident ou Liu Yuan, fils de Liu Shaoqi, qui fut pourtant le principal pourfendeur de la corruption militaire.

++++

Rajeunir, récompenser l’expérience, privilégier la loyauté.

Les généraux Qin Shengxiang, 59 ans, à gauche, Directeur du Bureau exécutif de la nouvelle Commission Militaire centrale aux pouvoirs élargis, et Zhang Yang 65 ans, nouveau Commissaire politique de l’APL, font partie de la garde rapprochée de Xi Jinping au sein de l’APL. Si Zhang Yang prendra probablement sa retraire en 2017, le général Qin fait partie de la jeune garde.

*

Dans une étude précise et détaillée, Li Cheng [2] examine comment Xi Jinping continue à consolider son pouvoir au sein de l’APL après avoir purgé les deux anciens plus hauts gradés de l’armée (Guo Boxiong et Xu Caihou) et arrêté 53 officiers généraux accusés de corruption ou de trafic d’influence.

L’arme majeure du n°1 chinois est la promotion rapide d’une jeune garde à sa dévotion (少壮派 – shao zhuang pai), parfois en outrepassant les critères de grades, puisque 6 des nouveaux affectés en avril à l’état-major de l’armée de terre ne sont que Majors Généraux.

Plusieurs d’entre eux sont natifs du Shanxi, ou anciens du 31e groupe d’armées basé dans le Fujian où Xi Jinping garde d’étroites connexions datant du milieu des années 80 quand il était d’abord vice-maire de Xiamen avant de devenir gouverneur du Fujian.

Parmi eux, Qin Shengxiang **, 59 ans, Lt-général promu en 2015, proche de Xi Jinping, affecté à la tête du secrétariat exécutif de la nouvelle Commission Centrale dont les pouvoirs interarmées ont été considérablement augmentés et 4 nouveaux promus en avril 2016 à l’état-major de l’armée de terre, ou à la CMC, le Major Général (MG) Liu Zhenli *, 52 ans chef de l’état-major, le MG Zhang Shuguo, 56 ans chef du département de logistique, le MG Zheng He *, 58 ans chef de l’entraînement au sein de la nouvelle CMC et le MG Zhu Shengling, Commissaire politique du Bureau mobilisation de la nouvelle CMC.

L’avancement rapide des 4 derniers illustre la méthode qui ne s’embarrasse pas de contraintes administratives.

Ancien de la guerre contre le Vietnam, Liu Zhenli a quitté en 2014 le commandement du 65e groupe d’armées (Zhangjiakou dans le Hebei) pour être affecté à la tête du 38e groupe d’armées, l’unité d’élite de Pékin. Un an plus tard, il était promu chef d’état-major de la Police Armée Populaire où il n’est resté que 5 mois avant d’être affecté à l’état-major général.

Zhang Shuguo ** a été muté et promu 3 fois en seulement une année. En 2015, il quittait sa fonction de Commissaire politique du 39e groupe d’armées (Shenyang) pour devenir Commissaire politique adjoint de la région militaire de Chengdu où il n’est resté que quelques mois avant de rejoindre son poste actuel où la plupart de ses prédécesseurs étaient des généraux à 3 étoiles.

Zheng He*, ancien du 31e groupe d’armées est également une probable « étoile montante » au sein de l’APL proche de la mouvance du Secrétaire Général. Depuis l’arrivée de Xi Jinping en 2012, il a été promu 3 fois. N°2 de l’état-major de la RM de Nankin puis chef du Bureau Instruction de l’ancien état-major général en 2013, il était commandant en second de la RM de Nankin en 2015, où il n’est resté que quelques mois avant de prendre ses actuelles fonctions de responsable de l’entraînement des forces au sein de la nouvelle CMC.

Également ancien du 31e groupe d’armées, Zhu Shengling a été promu 3 fois en en 2 ans. Venant de la RM de Nankin où il a servi comme Commissaire politique du 31e groupe d’armées et du Fujian de 2005 à 2013, il était le Commissaire politique de la garnison de Shanghai jusqu’en 2014. Cette année il a été nommé Commissaire politique de la RM de Nankin jusqu’en décembre 2015 quand il a été muté à Pékin à la nouvelle CMC.

Quant au général Qin Shengxiang **, il forme avec le Général Zhang Yang *** 65 ans Commissaire politique de l’APL depuis 2012, et Zheng He (voir plus haut) une garde rapprochée de confidents de Xi Jinping à laquelle il faut ajouter Li Xiaofeng **. Juriste promu en 2015 et affecté en avril 2016 à la tête de la Commission des lois de l’APL, il travaille aux affaires légales de l’APL depuis 1978 et fut en charge de l’enquête sur la corruption de l’ancien commissaire politique de l’APL et membre du politburo, Xu Caihou, exclu du parti en juin 2014 et décédé en mars 2015.

Ménager les anciens et réhabiliter les « oubliés ».

Les 5 commandants de théâtres. Les généraux Song Puxuan, 62 ans, commandant le théâtre Nord, Han Weiguo, 60 ans, le Centre, Liu Yuejun, 62 ans, l’Est, Wang Jiaocheng, 64 ans, le Sud et Zhao Zhongqi, 61 ans commandant le théâtre Ouest.

*

L’autre volet de la tactique Xi Jinping pour assurer sa position dans l’APL consiste à ne pas heurter la vieille garde en poste. En priorité ceux qui eurent l’expérience de la guerre contre le Vietnam en 1979 et à réhabiliter les méritants oubliés ou écartés par les précédents politburos. C’est le cas de Li Zuocheng ***, 63 ans, nouveau commandant de l’armée de terre dont la carrière s’est accélérée en 2013 après avoir beaucoup piétiné sous Hu Jintao ; du Commandant de la Police Armée Populaire, Wang Ning **, 61 ans et de Liu Yuejun ***, 62 ans, commandant de la nouvelle Zone opérationnelle Est.

Tous trois sont des vétérans de la guerre contre le Vietnam. Un autre « réhabilité » est le Lt-général Liu Lei ** qui, en 2013, n’était que Commissaire politique du Xinjiang avec le rang de MG depuis près de 10 ans. En 2014, il fut promu Lt-général et, la même année, Commissaire politique de la RM de Chengdu. A peine une année plus tard, il était affecté au poste de commissaire politique de l’armée de terre.

Tenir à distance les complications potentielles.

En haut, Le général Cai Yingting, ancien commandant de la RM de Nankin a été écarté et mis sur la touche à la tête de l’Académie des sciences militaires. En bas, Le général Liu Yuan artisan de la lutte contre la corruption dans l’APL, mais peu apprécié de ses pairs, a pris sa retraite.

*

Ayant ménagé les anciens confirmés dans leur poste ou réhabilités, en même temps qu’il poussait la jeune garde, Xi Jinping prudent, n’a pas hésité à éloigner des généraux qui lui étaient proches mais dont la réputation ou la situation pouvait lui créer des difficultés. Les deux cas les plus connus sont ceux des généraux Cai Yingting et Liu Yuan qui furent pourtant ses confidents dans l’APL.

La proximité entre Xi Jinping et Cai Yingting 62 ans, ancien commandant de la prestigieuse région militaire de Nankin aujourd’hui prématurément écarté et affecté dans un poste honorifique, date du Fujian et des années 80. En 2013, Cai fut le premier officier général à bénéficier d’une promotion décidée par Xi Jinping et était considéré comme l’un des meilleurs candidats pour le poste de chef de l’ancien état-major général et membre de la Commission Militaire Centrale.

En août 2012, alors qu’il était en voyage aux États-Unis, le South China Morning Post le décrivait comme une étoile montante de l’APL. Certains le voyaient même n°2 de la CMC, poste aujourd’hui occupé par le général Fan Changlong. Il n’en fut rien.

En 2015, il était mis sur la touche, nommé président de l’Académie des Sciences Militaires et ses chances de devenir membre de la CMC sont aujourd’hui évanouies. Une des raisons évoquée par Li Cheng serait que la fille de Cai aurait épousé un Américain (?). D’autres mentionnent la persistance des liens de Cai avec la mouvance Jiang Zemin. L’épisode signale au moins l’importance que Xi Jinping accorde à la loyauté et, peut-être, un raidissement anti-occidental.

*

Le cas du Général Liu Yuan, fils de Liu Shaoqi écarté de la CMC à laquelle il semblait promis est encore plus dramatique, compte tenu de sa proximité avec Xi Jinping datant de leurs enfances parallèles de « fils de princes » à Pékin à l’ombre des dérapages idéologiques de Mao. Même si les idées politiques très radicales de Liu ne coïncidaient pas forcément avec celles de Xi, leur connivence intellectuelle se concrétisa en 2011 autour de la lutte contre la corruption pour sauver le parti.

Tard venu à l’APL à l’âge de 42 ans en 1992, Liu à la pensée nationaliste radicale et très anti-occidentale, était Commissaire politique du département de l’équipement quand il s’attaqua brutalement aux « 3 tigres » corrompus de l’armée chinoise, Gu Junshan, Xu Caihou et Guo Boxiong. (Lire notre article Coup de balai à la tête de l’APL)

C’est son action énergique qui fut à la racine de leur chute. Mais, en partie à cause de ses idées extrêmes et peut-être parce qu’il n’avait pas hésité à dénoncer son chef direct, assurément, en tous cas, parce que sa promotion rapide alors qu’il n’avait qu’une très faible expérience militaire, lui avait créé beaucoup d’ennemis, Liu Yuan n’était pas populaire dans l’APL.

Selon la rumeur, lors de deux réunions au sommet de la CMC à l’automne dernier, Fan Changlong, n°2 après Xi Jinping vota contre la proposition d’affecter Liu Yuan à la tête de la Commission de discipline de la CMC. La double occurrence signalait une fronde interne, dont le n°1 chinois a prudemment tenu compte.

*

Note de Contexte.

L’APL et les affaires.

A l’origine, l’implication des armées dans les affaires avait une utilité directe destinée à renforcer le budget des forces en des temps de fortes contraintes économiques. La tradition remontait aux années 20. Mais avec la réforme économique de la fin des années 70 elle prit une ampleur nouvelle. Deng Xiaoping y voyait le moyen de subvenir aux besoins non militaires et de vie courante des armées. Les fermes gérées par les armées furent par exemple autorisées à vendre leurs produits sur les nouveaux marchés libres.

Mais à partir du milieu des années 80, l’APL pris l’habitude de tirer un avantage financier de ses autres actifs, en particulier son infrastructure immobilière, ses propriétés foncières, ses installations portuaires, ses voies ferrées et ses aéroports. Le nouvel élan commercial fut facilité par l’influence des armées au sein du système politique chinois.

Mais Mulvenon souligne que, peu à peu, des métastases troubles commencèrent à se propager dans le corps des armées à partir des vastes entreprises criminelles largement corrompues de la sphère civile dont l’ampleur avait explosé à l’époque de Jiang Zemin (note de la rédaction de question chine). Au fil des années, l’APL développa sous sa coupe et grâce à son immunité militaire des affaires liées à la drogue et à la prostitution.

Toutefois, à la fin des années 90 et notamment à la faveur de l’intervention de L’OTAN en ex-Yougoslavie (frappes aériennes à partir de porte-avions, ravitaillements en vol, contrôle du théâtre par AWACS), l’APL prit conscience de son immense retard technologique.

En 1998, le politburo annonçait que l’APL allait désormais couper des liens avec les affaires. L’attaque directe, le 7 mai 1999, contre l’ambassade de Chine à Belgrade par un bombardier furtif B2 venu directement du Texas (lire Xi Jinping à Belgrade. Retour vers le futur des guerres technologiques) avait fini de sonner l’alarme dans la classe militaire chinoise, créant un sentiment d’urgence déclenchant une quête assidue de technologies sensibles qui, depuis ne s’est jamais démentie.

Note(s) :

[1Expert de l’APL, de guerre électronique et des systèmes de commandement intégrés, James Mulvenon est actuellement Vice-President de la division renseignements de Defense Group Inc. Il est aussi membre du Comité national américain pour les relations avec la Chine.

[2Cheng Li, Shanghaïen d’origine émigré lors de la révolution culturelle est titulaire d’un doctorat de sciences politiques de l’Université de Princeton. Il est aujourd’hui le Directeur du Comité national américain pour les relations avec la Chine, directeur de recherche à la Brookings et l’auteur de nombreux livres sur la Chine, son évolution et ses relations avec l’Occident.

 

 

L’appareil fait l’impasse du 3e plénum. Décryptage

[17 février 2024] • François Danjou

A Hong-Kong, l’obsession de mise au pas

[2 février 2024] • Jean-Paul Yacine

Pour l’appareil, « Noël » est une fête occidentale dont la célébration est à proscrire

[29 décembre 2023] • Jean-Paul Yacine

Décès de Li Keqiang. Disparition d’un réformateur compètent et discret, marginalisé par Xi Jinping

[4 novembre 2023] • François Danjou

Xi Jinping, l’APL et la trace rémanente des « Immortels » du Parti

[30 septembre 2023] • François Danjou