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›› Technologies - Energie

Gaz, pétrole, charbon, l’empreinte carbone et les énergies renouvelables. Décryptage

Le rapport de l’Agence Internationale pour l’énergie publié en novembre 2017 fait une large place aux prospectives à 2040 – qualifiées « d’hypothèses » -, sur l’énergie en Chine dont les choix conditionneront la réduction globale de la consommation de sources fossiles et des émissions carbone.

La capacité ou non de la Chine à tenir ses promesses du 13e plan rappelées par le président Xi Jinping, la force de la prévalence du charbon, l’importance de ses efforts pour les énergies propres, son parc de centrales nucléaires dont la qualité écologique est sujette à caution compte tenu des risques d’accidents et du difficile problème de traitement des déchets, son extraordinaire engouement pour les véhicules électriques, ses exportations technologiques et ses choix d’investissements à l’étranger le long des routes de la soie, sont autant de facteurs qui joueront un rôle déterminant dans la transition énergétique globale.

La vérité oblige à dire que l’écart reste important entre le souhaitable nécessaire à un schéma de « développement durable » et les choix des nouvelles politiques énergétiques chinoises.

L’essentiel de la difficulté vient du fait que la consommation d’électricité par tête et dont la production repose toujours en majorité sur le charbon, explose depuis 1995 et se rapproche rapidement de celle des pays de l’OCDE. Si en 2005, elle était encore voisine de la moyenne mondiale et inférieure de plus de 50% à celle de l’OCDE, dix ans plus tard, elle dépassait déjà cette moyenne de 25%. Les projections actuelles la situent en 2035 à plus de 40% au-dessus de la moyenne mondiale, se rapprochant rapidement de la consommation par tête des pays développés.

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Le rapport énonce d’abord sans surprise que le freinage de la croissance, s’inscrivant dans un ralentissement global de l’économie et un progrès général de l’efficacité énergétique, à quoi s’ajoutent des progrès spécifiques chinois, contribuent au difficile freinage de la consommation mondiale en énergie et aidera la Chine à atteindre le pic d’émission carbone fixé par le 13e plan, contribuant à hausser la part des énergies non fossiles dans le mix énergétique à 15%.

Toutefois, s’il est vrai que, dans les pays de l’OCDE la consommation en énergie est stabilisée depuis 2005, elle a continué à augmenter ailleurs avec, il est vrai un relatif freinage en Chine et, au contraire, une accélération chez les autres émergents.

Cette évolution s’accompagnera d’une augmentation rapide de la consommation et des importations de gaz naturel évaluées à 240 milliards de m3 en 2040, juste derrière celles de l’UE – dont 50% viendront de Russie -, (en 2012, les importations chinoises de gaz étaient seulement de 38 milliards de m3). En 2040, la Chine qui consommera 600 Mds de m3, sera avec les États-Unis (830 Mds de m3) le principal moteur du marché mondial du gaz. A titre de comparaison d’ici 2040, la demande de gaz de l’UE restera stable à 410 Mds de m3.

Par ailleurs, d’ici 20 ans, la Chine restera toujours un élément de poids dans le marché global du charbon, dans un contexte général où les études de l’agence montrent (les projections indiquent que la part du charbon pourrait avoir baissé de 15% d’ici 2040), que la prévalence charbon recule, en dépit des hauts et des bas – une reprise de la consommation de charbon été observée en 2017 –.

Si en dépit d’un recul global des centrales thermiques au charbon, la rémanence du charbon reste malgré tout importante, c’est d’abord à cause de l’inertie des projets d’aménagement du territoire et des nouvelles routes de la soie prévoyant la construction de plusieurs centaines d’unités de production en Chine et hors de Chine (chiffres de endcoal.org., document Pdf.).

De même, la Chine qui continuera de tirer profit des prix bas restera un gros consommateur de pétrole. En 2016, les 400 millions de tonnes importées chaque année (8 fois plus qu’en 2000) constituaient 68% de sa consommation et comptaient pour 40% dans la croissance mondiale du marché pétrolier.

La pression chinoise sur ce marché persistera d’autant qu’en 2030 la demande aura dépassé celle des États-Unis et qu’en 2040 la Chine importera plus de 80% de son pétrole [1], dans un contexte où sa consommation d’énergie par habitant dépassera celle de l’UE, tandis que la consommation d’électricité aura augmenté de 80% d’ici 25 ans.

Si on examine le rapport dans le temps jusqu’en 2040 entre la production d’énergie et industrielle et les émissions de CO2 par région, on constate que les émissions chinoises atteindront un pic en 2028 à 9,2 gigatonnes (gt) soit 3 fois plus qu’en 2000, après quoi elles reculeront lentement, pour se situer en 2040 à environ 8 gt, alors que celles des pays développés dont le pic s’est situé vers 2012 auront ralenti de 30%.

Aux États-Unis elles auront été abaissées à 5 gt et à 3 gt en Europe. Considérées globalement, les émissions de CO2 seront générées à 32% par les pays de l’OCDE et à 68% par le reste de la planète.

Prise de conscience et branle-bas.

La vulnérabilité découlant de la forte empreinte sur son environnement de son schéma de développement et d’une dépendance rémanente au charbon au pétrole et au gaz a non seulement poussé Pékin à diversifier ses sources d’approvisionnement en hydrocarbures ailleurs qu’au Moyen Orient, en Russie, en Iran, au Venezuela et même aux États-Unis, mais elle a aussi généré une vigoureuse politique d’énergies renouvelables.

Après le sommet sur l’environnement de Copenhague où les représentants chinois avaient pris la tête des émergents qui réclamaient « le droit de polluer », Pékin, signalant un changement radical d’attitude, n’a cessé de rehausser ses objectifs de réduction des émissions de CO2. Un moyen de mesurer l’évolution des mentalités des pouvoirs publics en Chine est de se référer à l’attitude de Pékin au sommet sur l’environnement de 2009 (lire : Copenhague. La fronde de la Chine et des pays émergents.).

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Le plan écologique chinois rendu public en janvier 2017 par le Bureau National de l’énergie fixait l’objectif de hausser à 15% la part des énergies non fossiles dans la production d’énergie primaire dès 2020. A plus long terme, les efforts chinois se mesurent aux considérables investissements envisagés d’ici 2040.

Ils seraient de 1300 Mds de $ dans le secteur des véhicules électriques et des technologies bas carbone, de 2100 Mds de $ pour améliorer l’efficacité énergétique et de 1900 Mds pour optimiser la performance de la distribution électrique dont les ratés réduisent notablement la rentabilité énergétique de l’éolien.

A cet égard, la présentation par diapositives du rapport de l’Agence Internationale pour l’énergie est éclairante. S’il est vrai que le rapport note le lent glissement de la Chine vers un modèle économique moins polluant, il n’en met pas moins en évidence les contrastes entre l’idéal durable et la réalité.

Il pose notamment l’hypothèse d’un fort recul en Chine de la demande charbon entre 2016 et 2040, celle de la persistance de la consommation de pétrole et de l’augmentation de la part du gaz, sur fond d’augmentation massive de la production d’électricité qui, en 2040, constituera 50% de la demande finale d’énergie.

La diapositive n°6 détaille les hypothèses d’évolution des différentes sources d’énergie par secteur (industrie, transports, construction). La diapo n°7 rappelle la rémanence du pétrole et note l’augmentation rapide du nombre de véhicules électriques.

La n°10 présente les 3 hypothèses du rythme de recul (rapide à 30 ans, moyenne à 40 ans et lente à 50 ans) du charbon en Chine, comparé à la diminution de la production. Le graphe suivant n°11 montre l’écart entre les stratégies souhaitables pour un « développement durable » et celles envisagées, avec notamment des émissions de CO2 toujours à près de 9 Gt en 2040, alors qu’en Europe de l’Ouest elles sont de l’ordre de 5 Gt.

L’écart est encore présenté par le graphe n°16 où l’on voit à gauche les prévisions chinoises, avec la rémanence du charbon toujours proche de 50% et à droite « l’idéal durable » où la part charbon est réduite à moins de 25% rendus propres par des techniques de « captage et de stockage du carbone ». Le graphe n°19 montre enfin que les émissions de CO2 générées par la production d’énergie atteindront leur maximum en 2028 à 9,2 Gt pour diminuer lentement par la suite.

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Les efforts annoncés déjà perceptibles sur les marchés ont initié une riposte des États-Unis dans le secteur des panneaux solaires où l’administration Trump – s’attaquant pour des raisons de politique intérieure à un secteur déjà lourdement taxé par Bruxelles et Washington, provoquant une sérieuse hausse des prix qui handicape le secteur aux États-Unis et en Europe - a rehaussé les droits de douane sur les panneaux solaires à 30% la première année qui seront progressivement réduits à 15% au cours des 4 prochaines années.

Les mêmes inquiétudes surgissent à propos des véhicules électriques où, en Chine, la cohérence industrielle organisée par le haut, la force de la puissance publique capable de créer rapidement des réseaux de stations de chargement électrique, à quoi s’ajoute l’intervention de l’État dans le marché, pourraient conférer aux constructeurs chinois un avantage décisif sur leurs rivaux occidentaux bridés par les lois sur le respect du marché et de la concurrence interdisant l’intrusion de l’État dans les affaires.

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La saga chinoise des panneaux solaires.

A début des années 2000, conscients de la croissance de la demande globale en panneaux solaires dont il faut rappeler qu’en Europe elle était autant subventionnée qu’en Chine, les pouvoirs publics chinois placèrent le secteur dans la liste de leurs priorités industrielles accordant des aides aux producteurs sous forme de crédit au développement et d’assurances à l’export.

Conséquences des aides publiques accordée par la Banque Chinoise qui avait ouvert une ligne de crédit de 30 millions de $ et par l’effet du nombre, la production chinoise de panneaux s’installa au cœur du marché mondial au point qu’en 2007 la Chine devint le n°1 de la production globale avec 27% du marché. Dans un analyse parue le 7 février dernier dans « The Diplomat », Samuel Corwin explique qu’à la faveur de la crise de 2008 et profitant du manque d’intérêt des banques occidentales pour le secteur, la part chinoise du marché mondial gonfla à 60% en 2011.

Mais les taxes imposées par l’UE et les États-Unis qui tentent désespérément de limiter l’influence chinoise sur le secteur, eurent pour conséquences directe d’orienter la production vers les destinations non taxées comme l’Inde et le Japon (respectivement 30,9% et 17,2% des exportations) et le marché intérieur chinois par le truchement de projets nationaux subventionnés comme le projet global baptisé « Soleil d’or -金太阳示范工 » dont la mise en œuvre aboutit à l’explosion de la puissance installée des panneaux solaires passée entre 2011 et 2016 de 3,3 à 76,5 GW.

En 2017, l’élan n’a pas faibli avec, en Chine, 70% des installations globales de chauffage de l’eau par panneaux solaires et une puissance installée additionnelle de 52,83 GW, soit 50% de la nouvelle puissance installée globale. L’effort a placé la Chine en tête des pays équipés avec une puissance installée mondiale à 100 GW, qui, selon la Commission Nationale pour la Réforme devrait être portée à plus de 200 GW en 2020, soit deux fois l’objectif du 13e plan. Toutefois, au milieu des hyperboles à la mode, il est important de rappeler qu’en 2017, la part des panneaux solaires dans la production d’électricité est restée à peine supérieure à 1%.

Enfin, s’il est vrai que la planification envisage de porter la puissance installée en 2050 à 1300 GW, il est permis de douter de la crédibilité des nouveaux objectifs, puisqu’avec nombre d’aides publiques en attente de paiement causant des difficultés budgétaires à plusieurs fabricants, le secteur en situation de surproduction depuis le ralentissement de la demande industrielle, est, de surcroît, comme l’éolien, en proie à des difficultés techniques de raccordements des champs de production au réseau électrique.

Preuve qu’il s’agit là d’une vulnérabilité majeure, cette lacune technique était, le 24 janvier dernier, au cœur des accusations de la justice américaine contre le groupe Sinovel, n°1 chinois des fabricants de turbines d’éoliennes soupçonné d’avoir dérobé des logiciels de régulation et de connexion au réseau électrique développés par la société américaine AMSC.

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L’autre secteur faisant la une de l’actualité des énergies renouvelables et de la baisse des émissions de CO2 est celui des véhicules électriques où, avec 6 des 10 plus gros constructeurs mondiaux, tous ayant des coopérations avec des partenaires étrangers, la Chine prévoit de produire en 2040 120 millions de voitures par an, ce qui pourrait représenter 40% de la production mondiale.

L’engouement chinois pour les voitures électriques.

Le secteur a le vent en poupe à la fois pour des raisons politiques, technologiques, écologiques et commerciales. Ayant déjà produit des champions mondiaux des panneaux solaires et des turbines d’éoliennes au milieu des controverses sur son respect aléatoire du marché de la propriété intellectuelle, Pékin ambitionne également de placer ses constructeurs en tête du marché des véhicules électriques avec, si possible, des technologies purement chinoises, débarrassées de la contrainte des « royalties ».

Alors que la Chine est désignée comme l’un des grands pollueurs de la planète, régulièrement frappée par des pics de pollution des grandes villes dont les images sont diffusées partout dans le monde, le gouvernement, régulièrement mis sur la sellette par la population obligée de porter des masques souvent pendant plusieurs semaines, voit ses efforts pour la voiture propre comme le gage public de ses efforts pour l’assainissement de l’atmosphère des grands centres urbains.

Le pouvoir considère enfin le développement accéléré des véhicules électriques comme une manière spectaculaire d’affirmer à la face du monde le sérieux de ses politiques écologiques, d’autant qu’économiquement l’entreprise est prometteuse à la fois par l’ampleur du marché chinois et la propension de la classe moyenne à consentir d’importantes dépenses pour acheter les modèles les plus chers, les plus sophistiqués et les plus récents.

Le « plafond de verre » de l’autonomie.

Dans un marché global de 1,2 millions de véhicules vendus en 2017, dont près de 50% étaient chinois (3,3% du marché local), avec 102 000 unités vendues en Chine au cours du seul mois de décembre 2017 - en hausse de 130% par rapport à décembre 2016 -, 5 modèles parmi d’autres tiennent le haut du pavé dans le pays, dans l’ordre de leur implantation sur le marché, en dépit de performances d’autonomie encore peu attractives comprises entre 70 et 200 km.

1) BAIC-EC (10 000 unités par mois vendues en 2017) proposé par Beijing Automotive Industry Corporation – 北京汽车- avec une autonomie de 200 km (comparable aux modèles Toyota ou Mercedes, mais très en-dessous du modèle S de Tesla à 600 km d’autonomie. ;

2) Chery eQ. Un des pionniers chinois des électriques, Chery qui avait remporté trois récompenses en 2011, 2012 et 2013, revient sur le marché avec le modèle eQ (5650 ventes en décembre) ciblant le marché des déplacements urbains avec, lui aussi, une autonomie de 200 km ;

3) SAIC Wuling E100 « Baojun » petite urbaine à 2 places (5540 ventes en décembre) avec une autonomie de 150 km proposé par (Shanghai Automotive Industry corporation – SAIC - 上海 汽车) ;

4) BYD Song PHEV, hybride (4643 ventes en décembre 2017, meilleure performance en 5 mois) ; 5) BYD Qin PHEV, (4543 ventes en décembre 2017) tous deux avec seulement 70 km d’autonomie).

Note(s) :

[1Les effets géostratégiques de cette dépendance seront d’autant plus importants que dans le même temps, les États-Unis deviendront dès 2025 le plus gros exportateur de gaz liquéfié et, dès 2030, un exportateur net de pétrole de schiste. Autre vulnérabilité, Alors que la consommation chinoise de pétrole augmentera, la demande globale baissera de 6 Mds de barils/jour en 2015 à 3 Mds de barils/jour en 2040, essentiellement grâce au recul de l’industrie pétrochimique, à l’augmentation des sources d’énergie alternative et à la diffusion des véhicules personnels à propulsion électrique. En revanche, la consommation globale de pétrole restera stable dans le fret routier et maritime ainsi que dans le transport aérien.

 

 

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