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›› Economie

Chine – Etats-Unis, guerre des taxes, guerre totale ou apaisement ?

La guerre des taxes a été lancée par D. Trump le vendredi 6 juillet. Ses secousses s’étendent à l’Europe unanimement inquiète - à l’exception notable de Londres - d’une rupture du lien transatlantique dont chacun sait pourtant qu’il exprime depuis des lustres non pas une relation équilibrée mais à la fois une prévalence de l’Amérique et une catalepsie stratégique de l’UE que la Maison Blanche accuse de négliger ses budgets militaires.

Au même moment, soulignant encore la faiblesse européenne aux prises avec la crise des migrants, le très iconoclaste et très imprévisible président américain se préparait à rencontrer le 15 juillet prochain à Helsinki, Vladimir Poutine qui participe pourtant avec son allié chinois à la riposte contre les taxes américaines. Dans l’édition du 7 juillet de « La Lettre de Léosthène » Hélène Nouaille rappelait justement, au-delà du commerce, l’origine politique de la crise, Trump prenant à contrepied l’Europe et la Chine, fustigeant la partialité des accords multilatéraux et replaçant l’Amérique au centre.

« L’Union européenne nous fait probablement autant de mal que la Chine, sauf qu’elle est plus petite. Elle a fait l’an dernier un excédent de 151 milliards de dollars. Et par dessus le marché, nous dépensons une fortune dans l’OTAN pour la protéger. Elle nous traite très injustement ».

Au-delà de la guerre des taxes, une crise politique.

Outre-Atlantique et en Europe les plus inquiets sont les adeptes d’une relation transatlantique et de l’OTAN directement issue de la guerre froide, extraordinaire et très coûteuse machine de guerre dont l’objet s’est évaporé avec l’effondrement de l’URSS, tandis qu’au sein même de ce qui reste en théorie le plus puissant « bloc militaire » de tous les temps, la Turquie, auto-proclamée nouveau « défenseur des croyants » manipule les angoisses migratoires européennes que le traité de l’Atlantique Nord est à mille lieues de pouvoir apaiser.

Logiquement, les nostalgiques d’une conception du monde disparue sont rejoints par les investisseurs, tenants de l’ordre financier tel qu’il est et, à l’image de Christine Lagarde, Directrice Générale du FMI redoutent que la guerre des taxes dégénère en un chaos commercial et financier généralisé. Certains, adeptes de l’hyperbole, prenant conscience de l’arrière plan stratégique de la manœuvre de la Maison Blanche, vont même jusqu’à craindre un dérapage vers un conflit armé.

Craignant que la guerre commerciale ne tarisse la manne financière chinoise reposant comme au Japon sur une très forte épargne intérieure et une faible consommation, quelques uns comme Raymond Dalio, célèbre gestionnaire de fonds spéculatifs (Hedge Fund) cherchant une rentabilité élevée et rapide par des « produits dérivés », ont relevé que le « tweet » de Donald du 6 juillet, premier jour d’entrée en vigueur des taxes contre les exportations chinoises, évoquait non pas une « querelle de taxes » mais une « guerre contre la Chine », tout court.

Vulnérabilités chinoises.

Les premières taxes sur des exportations chinoises aux Etats-Unis d’une valeur totale de 34 Mds de $ [1], entraînant une réaction immédiate de la Chine, ont, dans la presse officielle chinoise, d’abord donné lieu aux analyses spéculant à l’image des Occidentaux sur les risques partagés aux États-Unis et en Chine d’une guerre commerciale, soulignant la possible riposte de Pékin contre les entreprises américaines installées en Chine et les effets pervers du renchérissement des produits chinois sur les consommateurs américains.

La Chine a elle aussi commencé à ressentir les effets des stratégies américaines. Elle doit d’abord éponger l’augmentation de sa facture pétrolière, le prix du baril ayant en 30 mois, bondi de moins de 30 $ à près de 80 $, tirant aussi vers le haut les prix du gaz, effets combinés des quotas de production imposés par l’OPEC, notamment la Russie et de la sortie de Washington de l’accord avec Téhéran.

Le 2 juillet, après l’avoir laissé filée, la Banque de Chine a du intervenir pour freiner la chute de la monnaie sur les marchés internationaux où elle a perdu 4% en deux semaines. Le 5 juillet un article de CNBC signalait la volatilité des bourses chinoises de Shanghai et Shenzhen ayant respectivement perdu 23 et 22% depuis janvier 2018. Pour la plupart des analystes la persistance de la guerre commerciale avec Washington continuera à tirer les marchés boursiers chinois vers le bas et à ralentir la croissance, bête noire du Bureau Politique.

Le risque existe aussi qu’un nombre significatif d’investisseurs décident de transférer leurs capitaux hors de Chine, créant de sérieuses pressions sur le Yuan et sur les réserves de change.

Enfin, la nouvelle menace de la Maison Blanche d’élargir l’éventail des droits de douane à une liste de produits équivalant à 500 Mds de $ - frappant du coup la totalité des exportations aux États-Unis -, à quoi s’ajoutent les restrictions imposées aux investissements chinois dans les entreprises de haute technologies au cœur du projet « Made in China 2025 », modifie le ton des commentaires officiels de Pékin qui, regrettant comme Yuan Xuetong, « l’imprévisibilité de D. Trump », commencent à s’interroger sur l’ampleur et la portée de la campagne antichinoise de Washington.

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Prémisses d’une guerre totale ?

Alors que même le consensus sino-américain sur la question coréenne semble se fissurer [2], que Pékin garde en mémoire l’exclusion de sa marine de l’exercice Rimpac et fustige les « intrusions » des navires de guerre américains dans les eaux adjacentes de ses ilots élargis et militarisés en mer de Chine du sud, le 8 juillet l’éditorial du Global Times, s’interrogeait sur le sens du passage de deux destroyers américains le 7 juillet dans le Détroit de Taïwan.

Tout en reconnaissant que les deux unités naviguaient dans des eaux internationales, l’auteur mettait en garde contre toute extension des querelles commerciales à la dimension stratégique de la relation où, dit l’éditorial, Washington doit garder en mémoire que la souveraineté de Pékin sur Taïwan fait partie « des intérêts vitaux chinois ».

Egalement destiné à Taïpei, le message évoquait de possibles ripostes militaires chinoises, comme le survol de l’île par des avions de combat de l’APL et leur franchissement de la « ligne médiane » du Détroit. Lire : Pressions chinoises (suite). (Après une mise en perspective du dilemme taïwanais, le sujet de la « ligne médiane » du Détroit est évoqué à la fin de la page 1 et tout au long de la page 2).

Le parti-pris chinois de l’apaisement.

Au milieu de cette atmosphère dont nombre de commentateurs considèrent qu’elle peut conduire à une sérieuse aggravation des tensions, tandis qu’à Washington, après les réticences chinoises (ou les difficultés) à réduire leurs exports et le déficit, les responsables commerciaux américains les plus agressifs comme Navarro et Lightizer ont pris le pas sur Mnuchin le plus accommodant secrétaire au Trésor, une occurrence mérite attention.

Le 8 juillet, le Global Times publiait une analyse de Clifford A. Kiracofe, ancien attaché parlementaire à la Commission des affaires étrangères du sénat des États-Unis, proche de la Chine, où il a donné des conférences à l’Université des Affaires étrangères de Pékin.

L’analyse focalisée sur la prochaine rencontre entre Putin et Trump, prenait le contrepied des critiques de l’establishment contre le président américain, critiques que l’auteur accusait de nourrir une vision du monde « néo-conservative, d’intervention et de confrontation », opposée à l’approche pragmatique de D. Trump qui rejetait explicitement la mentalité de guerre froide.

Dans cette perspective bloquée, ajoute Kirakofe, où l’oligarchie anti-Trump utilise les atouts les plus confidentiels de l’État tels que le FBI pour attaquer le Président, la rencontre avec Putin est l’opportunité pour Moscou et Washington de refonder la relation et coopérer sur des questions majeures au Moyen Orient et en Asie du nord-est, où l’appui de Moscou sur la question coréenne serait utile et où la coopération, de Moscou, Washington et Pékin avec les deux Corée serait de nature à construire une paix durable sur la péninsule.

En Syrie, les deux ont le même intérêt à éradiquer le terrorisme islamique dans un contexte où Trump avait souvent répété que la coopération Moscou – Washington dans la région serait le principal moteur de la paix.

Note(s) :

[1Les secteurs américains les plus touchés par une riposte chinoise sont, le soja, l’aéronautique, les véhicules automobiles, l’électronique grand public et les services (voyages, éducation, finances, administration des affaires).

D’un montant de 127 Mds de $ en 2017, en hausse rapide de 14 Mds de $ - 3e marché d’export américain après le Canada et le Mexique -, ces ventes ont été à l’origine d’1 million d’emplois aux États-Unis. Avant la guerre commerciale, la Chine imposait déjà des barrières douanières ou administratives aux exportations américaines, notamment dans l’agriculture et les services. Voir Exports to China continue to be important to US economic growth

[2Le 8 juillet, un article du Global Times, soulignait la différence de ton entre Washington et Pyongyang dans les comptes rendus de la mission de Mike Pompéo en Corée du nord, où, contrairement à son premier voyage, le secrétaire d’État n’a pas été reçu par Kim Jong-un.

Tandis que Washington faisait état de « gros progrès », l’agence officielle nord-coréenne expliquait que la rencontre avait conduit à une « situation dangereuse, pouvant remettre en cause la volonté de Pyongyang de dénucléariser ». En cause et prudemment critiquée par la Chine, l’absence de proposition concrète américaine pour définir un chemin vers un traité de paix, Washington restant accroché sans esprit de recul, au préalable d’une « dénucléarisation complète et vérifiable ».

 

 

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