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›› Société

Une femme promue commandant de navire de guerre

Alors que le gouvernement chinois ne compte aucune femme hormis Hu Zejun, auditrice à la Cour des Comptes et que la seule survivante du 19e Congrès au Bureau Politique est Sun Chulan toujours à la tête du « Front Uni » [1], la marine chinoise brise les codes masculins du commandement en mer et propulse une jeune femme atypique dans le cercle étroit des officiers de marine susceptibles de commander un navire de guerre.

Début juillet, Wei Huixiao, 40 ans, a été désignée comme la toute première femme pouvant commander un navire de combat chinois. La presse militaire qui ne tarit pas d’éloges, note son parcours hors normes à partir d’un doctorat de sciences de la terre obtenu à l’université Sun Yat-sen à Canton et, entre autres, après une expérience de professeur au Tibet.

Originaire du Guangxi sa vocation marine s’est affirmée alors qu’elle avait déjà 35 ans, proche de l’âge limite pour postuler. En 5 années, elle a, par un stage sur le porte-avions Liaoning alternant avec des études à l’Ecole navale de Dalian, réussi – dit sa biographie officielle - grâce à son travail, une mémoire exceptionnelle et une assiduité remarquables – à devenir la première femme quartier maître au centre opérations du PA chinois se hissant progressivement au niveau des futurs commandant de navires. Remarquée par le Commissaire politique de la force navale, elle est depuis 2016, commandant en second du destroyer Changchun.

Entré en service en 2013, appartenant à la classe Luyang II (052C), le Changchun jaugeant 7000 tonnes appartient à la première série de destroyers lance-missiles équipés de 48 missiles HHQ-9 mer-air à longue portée.

Capable de croiser à 32 nœuds (59 km/h), il est, entre autres, équipé d’une série de missiles antinavires et d’attaque contre la terre dont 8 missiles de croisière antinavires supersoniques C-805, que les spécialistes des marines occidentales considèrent comme une menace majeure.

Sous les ordres du commandant, Wei Huixiao est à bord du Changchun, responsable des opérations et des relations avec l’équipage.

Qu’en est-il dans les autres marines de guerre ?

Sans prétendre à l’exhaustif examinons quelques exemples pour mettre la situation en perspective et gardons en tête que plusieurs pays autres que ceux cités dans la suite de l’article, comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Egypte, l’Afrique du sud ont aussi nommé des femmes à la tête de navires de combat, mais que leur nombre reste comme partout limité.

Le contexte général est cependant que, dans toutes les grandes marines la proportion de femmes augmente lentement, tandis que peu à peu sautent des tabous. Après les femmes pilotes de chasse et commandants de navires de combat, voici les femmes commandant de grande unité interarmes, tandis progressivement s’ouvrent pour elles des postes à la tête d’unités de combat dans l’armée de terre et dans les forces spéciales et au sein des équipages de sous-marins. Mais, globalement, si on en croit les rares statistiques ouvertes, la Chine n’est pas en avance dans le processus de féminisation.

Quelques exemples récents.

En 2009 la Capitaine de frégate Josée Kurtz a pris le commandant de la frégate canadienne HMS Halifax ; en 2011, Sarah West a été nommée à la tête la frégate de la Royal Navy HMS Portland (relevée de son poste en 2014 accusée d’avoir eu une aventure avec l’un de ses subordonnés mariés) ; en 2016, au Japon la Capitaine de frégate Miho Otani a pris le commandement du destroyer Yamagiri.

Au Japon toujours, Shinzo Abe vient de nommer Ryoko Azuma 44 ans à la tête d’une flotte de combat de 4 navires, dont le porte-hélicoptères Izumo, plus grand navire de guerre construit au Japon depuis 1945. Elle est l’héritière du Contre Amiral Hikaru Saeki promue en 2001 et des généraux Michito Kajita et Keiko Kashihara promues en 2007 et 2011.

En France, 8 femmes commandent des bateaux de guerre ou des unités écoles. La dernière en date a avoir pris un commandement est le Capitaine de Frégate Claire Pothier, polytechnicienne diplômée de l’Ecole de Guerre nommée à la tête de la frégate lance-missiles La Fayette de premier rang Guépratte en janvier 2016, poste dont elle a été relevée en juillet 2017.

Jusqu’en 2016, année de sa retraite, la femme la plus gradée dans la Marine française était la vice-amiral Anne Cullerre qui fut en charge des opérations de la Marine. Elle avait elle-même commandé le bâtiment océanographique, D’Entrecasteaux et fut aussi Commandant supérieur des forces du Pacifique. Avant elle, Chantal Desbordes promue amiral en 2002, fut Commandant en second de l’Ecole Navale.

La voie des femmes général dans l’armée française fut tracée par Valérie André neurochirurgien, résistante, pilote d’hélicoptère et parachutiste. Héroïne de la guerre d’Indochine. Aujourd’hui âgée de 96 ans, elle fut médecin général inspecteur du service de santé des armées. Ce dernier est aujourd’hui dirigé par le Médecin Général des armées féminin Maryline Gygax Généro.

Dans la Royal Navy, en dépit des 3000 femmes servant sur les bateaux de Sa Majesté, après l’affaire Sarah West, il n’y a pour l’heure aucune femme à la tête d’un navire de combat. Seule exception, le Commandant féminin Ellie Ablett commande la base d’entraînement de la navy à terre HMS Raleigh. Il n’y a pas non plus d’amiral féminin au-dessus du grade de Commodore, dans les effectifs de la Royal Navy.

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Aux États-Unis, la palme de la féminisation.

En Occident c’est l’US Navy qui détient le palmarès des femmes commandant de bateaux de guerre, ayant, dans la suite de leur carrière, atteint un grade élevé dans l’institution. Alors que la tradition des femmes dans la marine américaine remonte à 1917, la première placée à la tête d’un navire opérationnel fut Darlene Iskra nommée en 1990 Commandant du bâtiment de sauvetage USS Opportune.

En 1998, le Commandant féminin Maureen A. Farren prit la tête d’un navire porte chalands de débarquement. En 2006, l’Amiral Carol M. Pottenger, partie à la retraite en 2013, fut la première femme à commander un groupe de combat amphibie de la 7e flotte comptant 40 000 hommes et 15 unités navales dont un bâtiment d’assaut de 40 000 tonnes, embarquant 34 aéronefs.

Alors que depuis 2012, les femmes américaines sont affectées sans restriction à bord de sous-marins, l’Amiral Nora Tyson nommée en 2015 à la tête de 3e flotte basée San Diego, fut la première femme à commander un groupe aéronaval.

A ce jour l’US Navy compte une trentaine de femmes ayant le grade d’amiral (sur 292 amiraux) dans des fonctions allant du commandement opérationnel à la médecine en passant par la logistique, le renseignement et la guerre électronique.

Parmi elles signalons, tout juste partie à la retraite en 2017, l’Amiral Janine Howard qui fut successivement commandant de la marine américaine en Afrique et commandant interalliés à Naples pour le flanc sud de l’OTAN.

Placée à la tête du porte-chalands de débarquement USS Rushmore en 1999, elle fut la première femme afro-américaine à commander un bateau de guerre. Avant d’accéder au grade d’Amiral ****, elle a commandé plusieurs groupes amphibies et fut le n°2 des opérations navales de l’US Navy à Norfolk.

Mais si on cherche la rupture d’un tabou, c’est vers la Norvège qu’il faut porter son regard. Alors que les pays occidentaux commencent seulement à ouvrir les sous-marins aux femmes, en Norvège, le Commandant Solveig Krey est la seule femme au monde ayant une sérieuse expérience à la tête de submersibles de combat qu’elle a déjà commandés deux fois.

Contrairement à la plupart des autres pays, la Norvège (1985) la Suède (1988) et le Danemark (1989) sont les 3 seuls pays ayant autorisé les femmes à bord des sous-marins depuis déjà trois décennies.

Retard chinois, en dépit des légendes.

En Chine il existe une longue tradition de femmes guerrières inscrites depuis l’antiquité dans de multiples péripéties devenues des légendes comme celle de ces concubines impériales transformées en troupe de manœuvre par Sun Zi pour démontrer à l’Empereur la valeur de la discipline dans le commandement et l’efficacité des armées.

Les inscriptions sur des os d’animaux mises à jour depuis le XIXe siècle témoignent de l’existence sous la dynastie Shang (1675 – 1646 av. JC) d’une femme général dénommée Hao Fu commandant 13 000 hommes partis réprimés la révolte des Qiang occupant le Shaanxi et le Henan.

L’historiographie chinoise a amplement utilisé le thème des femmes soldats ou commandants d’armées comme des exemples édifiant de la dernière chance. Reconnues honnêtes, loyales et courageuses face à une menace grave, elles sont décrites dans les légendes soit comme l’ultime recours après la défaillance des hommes, soit comme les vaillantes héritières du chef disparu.

L’archétype, devenu en 1998 le thème d’un dessin animé de Walt Disney, est la légendaire Hua Mulan 花 木 兰. Au temps de dynastie Wei (386 – 584) fondée par un peuple turc progressivement sinisé, Mulan déguisée en homme a remplacé son vieux père à la guerre contre les peuples du nord menaçant l’empire déjà aux prises avec des révoltes des « garnisons du nord ».

Bien plus tard, le Parti s’est emparé du thème des femmes soldats pour magnifier leur rôle dans la « Longue Marche » à laquelle participèrent 3000 femmes dont seulement 150 ont survécu, insistant sur leurs contributions logistiques ou administratives ou même leur participation au combat.

De cette épopée émergea même la femme général Zhen Li (1908 – 1990), promue aux étoiles en 1955 après les vicissitudes de la Longue Marche au sein de la 6e armée qui lui valurent une fausse couche et de sérieux problèmes de santé.

*

Mais la promotion de Li ne coïncida pas avec la féminisation des armées, au contraire. Le nombre des femmes dans l’APL fut réduit de 90%. Tandis que leur rôle se limita aux tâches administratives et logistiques. Il fallut attendre plus de 30 ans avant une nouvelle promotion de 5 femmes au grade de général en 1988. Promue avec 4 autres, la plus célèbre fut Nie Li.

Formée à Leningrad comme ingénieur missiles, aujourd’hui âgée de 87 ans, elle travaillait au ministère des sciences et de la technologie sur des projets de calculateurs. Elle participa aussi à la mise au point du premier bâtiment d’essai et de mesures Yuan Wang, lancé en 1977, atout essentiel des programmes spatiaux et de missiles balistiques chinois.

En 2018 le nombre de femmes dans l’APL est estimé à 8% - pas de statistiques ouvertes par armée - , contre 15% en France en moyenne (21% dans l’armée de l’air, 13% dans la marine et 11% dans l’armée de terre) - une des plus fortes féminisation en Europe - , 10% au Royaume Uni, 16,5% en Australie (20% dans la marine) ; aux États-Unis, la proportion de femmes est de 14% dans l’armée de terre (20% dans la réserve, 16% dans la garde nationale), 18% dans la marine et 19% dans l’armée de l’air.

Note(s) :

[1S’il est vrai que les femmes sont très rares au Comité Central (9%) et dans l’exécutif du parti, (au Bureau Politique et au Comité Permanent on ne compte qu’une seule femme sur 25 membres), leur nombre à l’ANP a régulièrement augmenté pour situer la représentation féminine dans la moyenne des parlements de la planète (24%) avec cependant la sérieuse différence qu’en Chine le législatif n’est qu’un pouvoir de façade.

Enfin, pour mesurer l’importance relative des femmes dans la société il faut se souvenir que leur puissante présence dans les affaires grandes et petites, compense amplement leur faible représentation dans les armées.

 

 

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