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›› Economie

Violence de la guerre commerciale et espoir de conciliation

C’est peu dire que la Chine s’inquiète de la virulence des attaques tarifaires déclenchées par D. Trump depuis plus de 40 jours dont les effets commencent à se faire sentir sur la tenue de la monnaie et de la bourse.

Si les fluctuations de la monnaie très contrôlée par la Banque Centrale ne suscitent pour l’instant que peu d’émoi en Chine, en revanche, le ralentissement de la croissance et la chute insistante de la bourse créent un faisceau de préoccupations dont l’urgence et l’ampleur ont poussé le Bureau Politique à tenter un nouveau cycle de négociations avec Washington.

Résistance du Yuan. Faiblesse de la bourse.

Sous la pression des spéculateurs qui vendent pour acheter du Dollar, la valeur du yuan fluctue en fonction des interventions de la Banque Centrale hésitant entre laisser filer sa chute pour riposter à la guerre des taxes ou la redresser pour éviter une fuite des capitaux.

Pour l’heure, en dépit de la plus forte tendance à la baisse depuis le glissement régulier entre l’été 2010 et 2013 où le change avec le $ était tombé de 6,80 à 6,10 (moins 10%), la valeur du Yuan très surveillée par la Banque Centrale et fluctuant entre des hauts et des bas en fonction des interventions des régulateurs, ne provoque aucun mouvement de panique.

Après une remontée spectaculaire entre janvier 2014 et décembre 2016 où le change avec le dollar était passé de 6,05 à 6,87 (+13,5%), le RMB a à nouveau baissé de 6% en mars 2018 où il ne valait plus que 6,26, avant de remonter sèchement en 5 mois à 6,87 le 14 août (+9%), nettement au-dessus de sa valeur de l’été 2010, suggérant une vigoureuse intervention des régulateurs. Les mesures mises en place par la Banque de Chine ont aussi freiné la fuite de capitaux.

Cette fois, bridés par un arsenal très contraignant de barrières (contrôle serré des factures et des opérations vers l’étranger) les opérateurs chinois n’ont pas expatrié leurs capitaux, contrairement aux étrangers. Ces derniers ont largement utilisé la connectivité avec la bourse de Hong-Kong pour extraire plus de 600 millions de $ de la bourse de Shanghai, inversant l’engouement opposé qui, depuis 2014, inondait le marché financier chinois par Hong-Kong (lire : Hong Kong et Shanghai « connectés ».)

En revanche, le suivi de la bourse et les réactions du régime dessinent une image moins contrôlable et moins sereine. Entre le 26 janvier 2018 et le 17 août, l’index de Shanghai est tombé de 3558 à 2669, soit une chute de 25% en 6 mois. Nous n’en sommes pas encore au dévissage brutal entre juin et août 2015 quand le Yuan s’était effondré de 23% en seulement 2 mois, mais la persistance de la baisse fait ressurgir des souvenirs amers et fait craindre une panique grégaire.

Rassurer, censurer et contrôler.

Récemment, le Bureau central de contrôle de la radio et de la télévision - 国家广播 电视 总 - 局 (Guojia guangbo dianshi zongju) a selon ses termes « interdit de céder au lyrisme (煽情- Shanqing) » - de l’usage de certains termes anxiogènes tels que 暴 跌 (Baojie = sombrer) ; 暴 涨 (Baozhang = bourrasque) ; ou 崩盘 (Beng pan = effondrement). L’injonction de la censure faisait suite à une déclaration de la Banque de Chine, le 3 juillet dernier affirmant que « le marché financier était stable », ce qui n’avait pas suffi à calmer les inquiétudes.

Le 31 juillet, à la suite d’une réunion du Bureau Politique présidée par Xi Jinping, une nouvelle déclaration du régime qui évoquait « des défis extérieurs » sans préciser lesquels, laissait clairement entendre l’imminence d’une relance budgétaire pour garantir la croissance au cours du 2e semestre, insistant sur la création d’emplois et la poursuite des « Trois Batailles » que sont 1) la prévention des risques financiers majeurs ( 预防 重大金融风险 – yufang zhongda jirong fenxian), 2) la réduction de la pauvreté (减贫- jianpin) et 3) la lutte contre la pollution (污染作斗争 – wuran douzheng).

A ce sujet voir l’organisation administrative adoptée par le régime en mars dernier pour livrer ces combats. Lire : Le système Xi Jinping. Resserrer le pouvoir, renforcer la capacité de contrôle politique du Parti. Redresser les comportements

Le 14 août un article du magazine Capital résumait clairement la situation à laquelle est confronté le Bureau politique :

« L’économie chinoise est à la peine. Elle a montré de nouveaux signes d’essoufflement en juillet, avec un ralentissement surprise de la consommation et une drastique baisse de régime des investissements, reflets d’une demande affaiblie et d’une conjoncture fragilisée sur fond de guerre commerciale avec les États-Unis.

L’équation se complique pour Pékin : comment muscler sa demande intérieure et ménager l’activité, tout en poursuivant ses titanesques efforts de désendettement et en limitant l’impact du périlleux conflit douanier avec Washington ? »

Pressions.

A nouveau, le pays est placé devant le dilemme de restructurer ses finances et son outil productif en évitant les effets pervers d’un ralentissement de la croissance politiquement préjudiciable à l’emploi.

Cette fois il le fait sous la double pression de Washington qui ne semble pas vouloir relâcher son offensive douanière et celle du FMI qui rappelle l’exigence de réduire l’endettement. En mai dernier, au milieu de plusieurs recommandations à la suite d’une mission en Chine, le FMI rappelait la nécessité de réduire le crédit et les investissements, de mieux contrôler les emprunts des groupes publics et de freiner la hausse rapide – phénomène nouveau - de l’endettement des ménages.

La note pointait également du doigt la faiblesse du secteur privé, pourtant à l’origine d’une part importante de la création d’emploi et de la croissance – notamment dans les secteurs des nouvelles technologies - et l’exigence de créer un environnement économique équilibré, favorisant les PME – lire : Retour sur un suicide. Imprudence et misère des entreprises privées.

Une fois de plus le FMI rappelait que le régime des investissements étrangers sur le marché chinois était « trop restrictif » et soulignait l’exigence d’une plus grande ouverture indispensable à la modernisation qualitative du secteur productif, principal objectif du projet « Made in China 2015 ».

*

Après la déception de mai dernier suite à l’échec de la mission de conciliation commerciale aux États-Unis de l’équipe dirigée par Liu He proche de Xi Jinping - Pékin accusant D. Trump d’avoir fait volte-face après un accord obtenu par la délégation chinoise – l’ambiance à Pékin est toujours à la négociation avec Washington pour tenter de désamorcer la crise. Lire : Chine – Etats-Unis, guerre des taxes, guerre totale ou apaisement ?

A cet effet, une délégation chinoise a prévu de se rendre à Washington avant la fin août. Mais cette fois, Pékin échaudé par la déconvenue essuyée par la délégation du Vice-premier ministre Liu He, a décidé de « tâter le terrain » en envoyant en Chine une équipe d’un niveau moins élevé et politiquement moins sensible, sous la direction de Wang Shouwen, vice-ministre du commerce.

A Washington Larry Kudlow, président du Conseil National pour les Affaires économiques, s’en réjouit mais rappelle que Pékin « ne devrait pas sous estimer la ferme détermination du Président Trump à éliminer les barrières douanières et non-tarifaires, les quota, le viol de la propriété intellectuelle et de mettre fin aux transferts forcés de technologies ».

Disant cela il répétait une déclaration antérieure de Jacob Parker, vice-président du « US – China Business Council » dont le président Craig Allen a reçu Wang Shuwen le 15 août en amont de sa mission à Washington (UsChina).

 

 

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