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›› Société

Accidents industriels et sécurité du travail

Le 21 mars, une très violente explosion visible à des kilomètres a secoué la zone industrielle de Yancheng dans le district de Xiangshui à 300 km au nord de Shanghai dans le Jiangsu.

La catastrophe qui a eu lieu dans une usine de pesticide a tué au moins 64 personnes et 600 autres ont été hospitalisées dont 34 sont dans un état grave. La vidéo en chinois filmée par des témoins diffusée sur weibo montre l’ampleur des incendies déclenchés dans l’après-midi.

Plus de 900 pompiers, près de 200 camions incendie envoyés sur les lieux n’ont réussi à maîtriser le sinistre qu’au milieu de la nuit. 200 policiers et 3500 médecins et infirmiers furent aussi dépêchés sur place.

Selon Caixin, en 2018, une inspection de sécurité avait signalé 13 défauts dans les installations dont des fuites, une mauvaise gestion du site, et des manquements graves aux consignes de sécurité dans une zone de stockage de benzène.

Sur les réseaux sociaux entrés en effervescence, les messages de rancœur contre les autorités, assez vite effacés par la censure, se mêlèrent à une avalanche d’histoires personnelles, certaines très dramatiques autour de la mort d’un parent, d’autres plus heureuses se réjouissant des retrouvailles avec un frère, un père ou un cousin indemne.

Mais le plus remarquable fut peut-être l’expression des solidarités sociales pour se donner des nouvelles, rechercher un disparu, photos à l’appui, se désoler de la mort, se réjouir avec les survivants ou donner son sang.

Fréquence des accidents.

Les catastrophes industrielles de grande ampleur ne sont pas rares. Parmi les plus récentes : en 2018, une série d’explosions dans une usine de Zhangjiakou dans le Hebei durant une livraison de gaz tua 23 personnes.

En 2015, une énorme explosion dans un centre de stockage de pétrole à Tianjin avait suscité une vaste introspection au sein de la direction politique du régime (lire : Feu sur les retraités du Parti et remises en question en série.), incitant certains au Comité permanent à s’insurger contre l’interférence des anciens, signe que la culture du consensus n’était déjà plus à l’ordre du jour.

Il y a deux ans, une explosion dans une usine pétrochimique au Shandong avait tué 13 personnes. En 2014 une autre dans une usine automobile de Kunshan, également dans le Jiangsu avait tué 146 ouvriers.

En 2013, une incendie dans un élevage industriel de poulets à Baoyuanfang dans le Jilin fit plus de 100 victimes ; en 2012, les résidents de Chongqing virent en se réveillant que les eaux du Yangzi étaient devenues rouge-orangé dans la nuit, polluées par les effluents d’une usine chimique voisine. La conséquence sanitaire fut une augmentation de 50% des symptômes de dysenterie et d’hépatite.

Le parti et le gouvernement ne sont pas restés inertes. Après un vaste plan de restructuration de la lutte contre les désastres naturels publié dans un livre blanc en 2009, en mars 2018, la refonte de l’exécutif a créé « le ministère de l’urgence 应急管理部 ».

La nouvelle structure est à la fois en charge de coordonner la réaction aux calamités naturelles et de la prévention des catastrophes industrielles par le renforcement des règles de sécurité et un effort de formation.

Réactions du pouvoir.

Les mesures préventives se doublent de sanctions contre les auteurs de manquements. Le 22 mars, plusieurs responsables de l’usine de chimique du Jiangsu étaient appréhendés par la police.

En 2018, un rapport du « China Labour Bulletin » faisait le point des progrès et des manquements en matière de sécurité, reconnaissant dans l’introduction que « la sécurité du travail s’était indéniablement améliorée en Chine depuis 10 ans ». En même temps, il regrettait que « de nombreux responsables continuaient à privilégier le rendement et le profit avant la sécurité des personnes ».

Les progrès les plus spectaculaires ont été accomplis dans le secteur des mines de charbon où, entre 2005 et 2018, le nombre de décès par accident est tombé de 5000 à 333 par an (statistiques de janvier 2019).

Au point que le secteur a cessé d’être le plus meurtrier. Désormais le « palmarès » des accidents place la construction loin en tête avec 36% des décès, suivie de la production industrielle (17%), devant l’industrie minière (15%) et les accidents dus au manque d’hygiène et au non respect des règles de sécurité alimentaire (14%). Les activités de réparation et maintenance produisent encore 10% des accidents graves et celles de stockage 7%.

Plus généralement, le rapport regrette que les réactions officielles soient moins orientées vers la prévention que vers des réflexes de réactivité administrative et punitive après un accident.

Enfin, le document met l’accent sur les conditions de travail très dangereuses de nouvelles formes d’activités encore mal encadrées comme celle des livreurs du commerce en ligne.

Prévalence de l’appât du gain.

Extrait du Labour Bulletin 2018 : « L’une des professions les plus dangereuses en Chine aujourd’hui est celle de chauffeur-livreur. Un rapport de 2017 a révélé qu’un livreur de Shanghai était soit grièvement blessé, soit décédait dans un accident de la circulation tous les 2,5 jours en moyenne, tandis qu’à Nanjing, 18 accidents impliquant des chauffeurs-livreurs se produisent chaque jour. »

« Cependant, bon nombre de ces accidents échappent aux statistiques officielles, comme dans le cas du chauffeur du livreur, Yang Song, décédé alors qu’il travaillait 14 heures/jour à Chongqing en août 2017. La police a déclaré à la mère en deuil de Yang qu’il était « seul responsable » de l’accident, tandis que la société insistait sur le fait que Yang était simplement un « contractant indépendant » et que, par conséquent, son cas ne pouvait être classé comme accident du travail ni couvert par une assurance accidents du travail. »

« Dans leur tentative de domination du marché, les grandes plates-formes de distribution alimentaire comme Meituan tentent de réduire les coûts au maximum, ce qui oblige les conducteurs à passer plus de commandes en moins de temps, entraînant une fréquence plus élevée d’accidents. »

« Comme l’a fait remarquer un livreur du Meituan lors d’une manifestation de travailleurs à Kunming en 2017, contre les nouvelles conditions de travail pénibles, obligeant les conducteurs à prendre des risques considérables pour pouvoir livrer à temps : “Suis-je censé traverser des feux rouges ? Mettre ce genre de pression sur nous, c’est simplement jouer avec nos vies“. »

 

 

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