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›› Lectures et opinions

Du côté de « l’Indopacifique », la mauvaise santé économique de l’Inde

Le concept Indo-Pacifique a le vent en poupe en France. Le 17 mars dernier, la ministre de la défense Florence Parly l’avait évoqué comme le cœur de sa vision stratégique en Asie.

Ainsi nommée pour nier la « centralité » chinoise dans la zone, l’idée suggère que l’Inde, puissance démographique comparable à celle de la Chine, pourrait constituer avec le Japon, les États-Unis et l’Australie, pays démocratiques et membres du Dialogue Quadrilatéral – dit « Quad » - un môle de résistance à l’extension de l’influence de Pékin en Asie Pacifique.

Florence Parly, note que la Chine « n’hésite plus à imposer son propre système de valeurs et à bafouer les règles internationales, notamment celles de la libre circulation dans les airs et sur les mers ».

Bascule historique.

Pour New-Delhi qui fut longtemps proche de l’URSS puis de la Russie, au passage, toujours son principal pourvoyeur des technologies nucléaires civiles et d’équipements militaires, depuis les S.400 anti-aériens jusqu’aux Mig-29 en passant par les bombardiers TU-22 et les sous-marin nucléaires Akula-II, la bascule est d’autant plus significative que Moscou est aujourd’hui le principal allié de la Chine, son ennemi héréditaire à la fois stratégique et culturel.

Lire à ce sujet nos deux derniers articles :
- Chine - Inde, l’improbable réconciliation
et
- Entre l’Inde et la Chine la fureur a baissé d’un cran. Mais la défiance demeure

Se rapprochant des États-Unis et de ses alliés australien et japonais avec lesquels elle exprime une proximité idéologique libérale clairement anti-chinoise, l’Inde se positionne aujourd’hui dans un camp stratégique très éloigné de l’idéal non aligné de Nehru.

Après la guerre froide, par la force des tensions persistantes avec Pékin, proche allié d’Islamabad, à la racine d’une sérieuse défiance mutuelle, New-Delhi constate aussi la difficulté de respecter les termes des différends accord d’apaisement frontalier avec la Chine, signés en 1993, 1996, 2005 et 2013.

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Tel est très sommairement résumé l’arrière-plan stratégique ayant, au fil de l’histoire, depuis l’après-guerre, jusqu’à l’émergence hyperbolique de la puissance chinoise, fait glisser l’Inde dans un camp résolument opposé à Pékin. Le contexte de la défiance n’est pas seulement celui des récents incidents meurtriers sur la frontière.

Le président Xi Jinping que tout oppose à Narendra Modi, a aussi activement marché sur les plates-bandes de New-Delhi au Népal. Lire : La très brouillonne et très contradictoire diplomatie chinoise en Asie du Sud.

Au Pakistan, la Chine construit des projets d’infrastructure dont certains comme le barrage de Diamer-Bhasha au Gilgit-Baltistan (300 km à l’ouest du Ladakh), empiètent sur les territoires du Cachemire contesté par l’Inde.

En mer de Chine du sud, les garde-côtes chinois ont coulé des chalutiers vietnamien et philippin et harcelé des opérations malaisiennes d’exploration off-shore. Lire notre analyse : En mer de Chine du sud, les limites de la flibuste impériale chinoise.

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Pour autant, dans ce face-à-face avec la puissance militaire et économique chinoises, les dirigeants Indiens savent bien leurs handicaps dont l’essentiel se résume peut-être au système politique démocratique et à la gouvernance décentralisée, dont les effets se cumulent pour réduire la puissance d’efficacité de la bureaucratie, point fort du régime chinois.

Une économie au bord de la rupture.

Dans une récente vidéo du site Xerfi, d’analyse économique et d’étude des marchés Alexandre Mirlicourtois, estime que l’Inde « champion mondial des vaccins » est aussi frappé par une « débâcle économique » et une très préoccupante « augmentation de la pauvreté. »

Alors que la « pharmacie du monde » est à la pointe dans la production des vaccins en passe devenir le premier producteur mondial (déjà 20% des médicament génériques et 62% des vaccins de la planète sont fabriqués en Inde), le pouvoir doit affronter la colère du monde paysan, englué dans un système de production archaïque à bout de souffle, mais représentant toujours 16% du PIB du pays (contre moins de 7% en Chine) produisant 42% des emplois (contre 23,3% en Chine).

A ce handicap qui rapproche l’économie indienne de celle d’un pays pauvre, s’ajoute celui de la part hypertrophiée du travail informel proche de 90% contre 32,6% en Chine. Dans ce contexte déjà compliqué, la pandémie fut à l’origine d’une véritable catastrophe.

En infligeant à la population un confinement prolongé plus ou moins bien respecté, suivi d’un déconfinement étalé jusqu’à l’automne 2020, le pouvoir a été à l’origine d’un effondrement de l’économie de 24% au 2e trimestre 2020 et d’un recul de 7% de la croissance pour l’année, quand celle de la Chine était à +2%.

« Une véritable catastrophe pour ce pays qui a besoin d’au moins 7% de croissance pour réduire la pauvreté et absorber les 12 millions de jeunes arrivants chaque année sur le marché du travail. Le coup est d’autant plus rude que cela fait suite à un essoufflement du rythme de la croissance passée de près de 8% entre 2008 et 2016 à 6% sur les trois années suivantes. »

Résultat, selon le PNUD 260 millions d’Indiens auraient rebasculé dans la pauvreté en 2020. Le gigantesque bond en arrière qui a annulé les efforts publics pour sortir la paysannerie de la pauvreté a précipité un exode rural sans précédent. Dans ce contexte, le redémarrage d’après-covid handicapé par l’éclatement de la main d’œuvre dispersée par l’épidémie, est difficile.

Au moment où les flux d’argent de la diaspora – qui comptent habituellement pour 25% du PIB - se sont en partie taris et où l’inflation tire les prix de l’alimentation et des carburants vers le haut, à l’étage macro-économique financier, les vulnérabilités de nombre d’émergents – importance des actifs toxiques non performants des banques publiques - pèsent sur les perspectives et les capacités de relance.

Alors que la Chine elle aussi traversée par les inquiétudes du chômage et de la hausse des prix, gère avec prudence sa reprise, limitant sa relance budgétaire pour contrôler l’inflation, l’Inde pourrait bien être est aux abois. « Derrière la puissance des secteurs de la pharmacie et des services, il y a la face plus sombre d’une économie proche de la rupture et qui embarque dans sa débandade la majorité de la population. »

 

 

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