Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

 Cliquez ici pour générer le PDF de cet article :

›› Chine - monde

Huitième sommet Chine-Afrique. Vaccins et promesses d’une communauté de destin. Au-delà du rêve, les réalités

Du 29 au 30 novembre a eu lieu le huitième sommet Chine – Afrique, organisé tous les trois ans. Il se déroulait à Dakar où Xi Jinping s’était déjà rendu en 2018 (lire : L’Afrique, la Chine et l’Europe). Mais cette fois, épidémie de Covid oblige, le n°1 chinois s’est contenté de s’adresser au sommet par visio-conférence. C’est Wang Yi, le ministre des Affaires étrangères qui représentait Pékin au sommet qui rassemblait des représentants de 53 pays.

Lors de son adresse télévisée au Continent, Xi Jinping a fait une série de promesses de coopération et d’aides financière, économiques et industrielles dont l’essentiel visait à éloigner la relation de l’image d’une Chine intervenant en Afrique uniquement pour y exploiter ou/et acheter ses ressources. Parfois pour se rembourser des crédits accordés à certains pays devenus insolvables, par des dotations en pétrole ou en minerais. Lire : Chine – Afrique : De la quête des matières premières à la coopération. Sur fond de manœuvre géopolitique.

Alors que la valeur des échanges Chine - Afrique, récemment accélérée par les « Nouvelles Routes de la soie » a été multipliée par vingt, passant de 10 Mds de $ en 2000, date du premier sommet, à 200 Mds en 2020, faisant de la Chine le premier partenaire commercial et le quatrième investisseur en Afrique, le président Chinois a dévoilé plusieurs initiatives en faveur du Continent.

1. La fourniture de 600 millions de doses de vaccins et la production de 400 millions d’autres doses sur place, dont les modalités de fabrication n’ont pas été précisées. La somme cumulée représente dix fois le total des 107 millions de doses de vaccins fournies à ce jour par la Chine à l’Afrique, jusqu’à présent la moins bien lotie par la diplomatie des vaccins inaugurée par Pékin au 2e semestre 2020. Lire : La vaste stratégie « enveloppante » des vaccins (Suite).

2. La promesse que la Chine achèterait pour 300 Mds de produits africains au cours des trois prochaines années affin de réduire le déficit de la balance commerciale des pays africains.

3. Une plus grande attention accordée à la formation professionnelle des jeunes africains, avec l’objectif d’inviter 10 000 d’entre eux « ayant un haut potentiel » à des séminaires en Chine.

4. Un engagement à prêter dix milliards de $ aux exportateurs africains à la recherche de débouchés sur le marché chinois. Une partie de ces prêts serait utilisée à établir un centre transfrontière de paiement interbancaire international spécialement désigné pour faciliter les paiements internationaux en Yuan (en Chinois « 跨境银行同业支付系统 ; en anglais Cross-Border Interbank Payment System – CIPS -) [1].

Investissements chinois en Afrique et ajustements.

En 2018, le stock cumulé des investissement directs chinois en Afrique révélait la prévalence du Nigeria et des engagements dans les ressources primaires, notamment une douzaine de sites miniers ou pétroliers exploités et entretenus par des compagnies chinoises.

Depuis, Pékin s’efforce de corriger ses stratégies en les entourant d’actions de coopérations portant a la fois sur l’aide à la création d’entreprises et les formations techniques qui s’ajoutent au soutien médical, dont l’appareil a fait une des images de marque de sa coopération désintéressée. Mais l’ajustement du paradigme ne va pas sans difficultés.

++++

Quelques non-dits et fausses notes.

Dans son discours Xi a cependant évité d’approfondir la question de la dette. S’il est vrai qu’il a fait allusion à la nécessité de soulager les pays les plus pauvres d’Afrique des créances sans intérêts contractées auprès des banques chinoises, l’intention qui n’est pas nouvelle, ne représente qu’une infime fraction du portefeuille global de prêts accordés par Pékin au Continent avec des créances que certains pays ont du mal à honorer.

En dépit des indéniables apports des investissements chinois pour dynamiser le Continent et augmenter la fluidité des communications par des investissement d’infrastructures, l’opacité de la situation d’endettement de certains pays et le flou des conditions de remboursement des prêts restent un problème.

Une récente enquête « d’Afrobarometer » conduite dans 34 pays africains entre 2018 et 2021, citée par le Ministre Wang Yi très en colère des critiques occidentales comme celle du MAE français qui glosait récemment sur la « déception africaine des Chinois », révélait que 65% des Africains étaient satisfaits de l’action des Chinois dans leur pays.

Mais, la déclaration passait sous silence que, selon la même enquête, moins de 50% des sondés Africains étaient informés des dettes de leur pays à la Chine. Une étude de la China Africa Research Initiative (CARI) de l’Université Johns Hopkins citée par Deutsche Welle (DW), a par exemple révélé que la dette de la Zambie envers les prêteurs publics et privés chinois était de 6,6 milliards de dollars (5,9 milliards d’euros – 30% du PIB du pays -), soit près du double du montant divulgué par le gouvernement précédent.

Selon une investigation de « The sentry » organisation sans but lucratif domiciliée à Washingtron DC, qui met à jour les détournements d’argent par les dictateurs corrompus, les projets chinois ont déversé 65 millions de $ de pots de vin à l’ancien président congolais Joseph Kabila.

A côté de la corruption et du coulage, l’énorme déséquilibre commercial est un autre point noir de la relation. Les exportations africaines que Xi Jinping a promis de favoriser ne représentent que 4% des importations globales de la Chine. Mais, selon l’économiste et consultant nigérian Tope Fasua, la faute n’en incombe pas à Pékin. Blâmant la faiblesse de l’industrie africaine, il souligne pour Deutsche Welle que « Les Chinois n’ont pas grand-chose à importer d’Afrique au-delà des matières premières et des minéraux ».

Le manque d’égard des compagnies chinoises pour l’environnement est aussi un leitmotiv récurrent des sociétés civiles africaines. Récemment, notamment au Ghana et en Sierra Leone, des militants écologistes ont pointé du doigt l’impact des vastes projets d’infrastructure sur la préservation des écosystèmes africains.

A côté des promesses vaccinales qui voisinèrent avec celles d’améliorer « la qualité de vie des Africains », les dirigeants sénégalais Aissata Tall Sall, ministre des Affaires étrangères et Amadou Hott, son collègue de l’économie et du plan ont certes cosigné avec leurs homologues chinois Wang Yi et Wang Wentao, ministre du commerce, le « Plan d’action Dakar – 2022-2024 - » pour la coopération Chine–Afrique sur le changement climatique.

Il reste que l’efficacité de la déclaration dépendra de la mise en place d’un mécanisme de consultation et de suivi où les organisations de la société civile devraient avoir leur mot à dire, une hypothèse encore improbable en Chine et dans nombre de pays africains.

Enfin, les déclarations officielles chinoises rapportées par les médias publics ont spéculé sur la solidarité Chine – Afrique dans la « nouvelle ère » dessinée par le président Xi Jinping et, comme au temps de la rhétorique tiers-mondiste de la Chine maoïste, fait la promotion de leurs systèmes politiques séparés des influences occidentales pour un développement à leur « rythme », adapté à leurs conditions nationales particulières.

L’envolée lyrique de la déclaration publiée sur le site du Ministère des Affaires étrangères était à ce sujet remarquable. On y lisait notamment la volonté de « perpétuer l’amitié traditionnelle de la Chine – Afrique et de la transmettre de génération en génération, en renforçant les liens entre les jeunesses. »

Du rêve à la réalité.

Il reste que, par son pragmatisme concret, une phrase de l’effusion dithyrambique tranchait avec le lyrisme trans-générationnel du texte. Elle demandait en effet aux deux parties d’accorder plus d’attention à la protection de leurs ressortissants. L’allusion aux attaques contre des citoyens chinois perpétrées depuis le 21 novembre dans la province du sud-Kivu au Congo, tout juste huit jours avant l’ouverture du sommet, était claire.

Certes, les enlèvements de cinq nationaux chinois une semaine avant le sommet et le meurtre de deux autres au milieu de nouveaux kidnappings, quatre jours plus tard, surviennent dans une région du Congo à la frontière de l’Ouganda et du Ruanda secouée par l’insurrection de groupes rebelles et de milices qui, à coups de féroces engagements armés, se disputent la richesse des mines à l’Est du Congo. Les Chinois qui exploitent des mines d’or sans licence dans cette région n’échappent pas aux affrontements armés dont le premier motif est la cupidité.

Ils ne sont pas les seuls. Le 22 février dernier, l’Ambassadeur d’Italie et un de ses gardes du corps ont été assassinés par des rebelles lors de l’attaque d’un convoi de l’ONU accompagnant une mission du Programme Alimentaire Mondial qui se rendait au Kivu.

Mais les attaques répétées contre des nationaux chinois survinrent au moment où Théo Kasi, le gouverneur du Sud Kivu situé aux frontières du Ruanda et du Burundi, avait suspendu les opérations de six petites sociétés chinoises et ordonné à tout le monde, locaux et étrangers compris, de quitter la zone.

En même temps, au sommet de l’État, le Président Felix Tshisekedi engagé dans une opération de transparence, remettait en question un accord de six milliards de Dollars passé par son prédécesseur Joseph Kabila rétribuant par des droits d’exploitation minière les travaux d’infrastructure des groupes de construction chinois.

C’est dans ce contexte confus et violent que, récemment, Tshisekedi déclarait que « certains contrats miniers qui ne profitent pas suffisamment au Congo pourraient être revus ». Il est rare qu’un texte officiel publié par les médias chinois relayant les emphases publiques sur la cohérence des rêves chinois et africains, notamment celui de « l’Agenda 2063 » de l’Union africaine, tranche de manière aussi brutale avec la réalité.

Note(s) :

[1Lire : Le Yuan, l’étalon Or et le pétrole. Décryptage d’un mythe.

La note montrait les difficultés de la monnaie chinoise à devenir une monnaie de référence internationale. En même temps, elle analysait son poids grandissant dans les secteurs des ressources primaires et énergétiques.

 

 

Au Pakistan, des Chinois à nouveau victimes des terroristes

[28 mars 2024] • Jean-Paul Yacine

Munich : Misère de l’Europe-puissance et stratégie sino-russe du chaos

[22 février 2024] • La rédaction

Au Myanmar le pragmatisme de Pékin aux prises avec le chaos d’une guerre civile

[9 janvier 2024] • Jean-Paul Yacine

Nouvelles routes de la soie. Fragilités et ajustements

[4 janvier 2024] • Jean-Paul Yacine

Chine-UE. Misère de l’Europe puissance, rapports de forces et faux-semblants

[15 décembre 2023] • François Danjou