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Le sommet mondial des démocraties invite Taïwan et enflamme les nationalistes chinois qui fustigent les ratés de la démocratie américaine

En ostracisant la Chine et en invitant Taïwan à son sommet virtuel des démocraties, les 9 et 10 décembre, Joe Biden a ulcéré Pékin, éloigné encore un peu l’espoir d’un apaisement sino-américain, et donné un nouveau coup de canif dans l’architecture des « Trois communiqués » articulés à la reconnaissance « d’une seule Chine. »

La vérité est que la tendance au rapprochement stratégique entre Washington et Taipei est clairement à l’œuvre, au moins depuis 2018, pendant la mandature de D. Trump. Elle n’a pas été corrigée par Joe Biden. Lire : Les nouvelles eaux mal balisées de la question de Taïwan.

L’événement organisé par la Maison Blanche a battu le rappel de plus d’une centaine de pays réputés démocratiques et de nombreuses ONG philanthropiques, auxquelles s’étaient ajoutés quelques responsables d’entreprises privées.

Par les discours de Joe Biden et Antony Blinken, Washington s’est porté à l’avant-garde d’une lutte existentielle pour la démocratie contre les autocrates, haussant encore une fois la rivalité stratégique Chine – États-Unis au niveau d’un affrontement de deux systèmes politiques concurrents.

L’initiative mettait en œuvre la promesse inaugurale du discours de politique étrangère de Biden en février dernier de replacer les États-Unis dans leur position de « champion » des démocraties face aux « forces autoritaires dirigées par la Chine et la Russie ». Logiquement ni Pékin ni Moscou n’avaient été invités.

Renchérissant aux alarmes du Président américain voyant le monde à un point crucial de rupture des idéaux démocratiques sur toute la planète, Uzra Zeya, d’origine indienne, sous-secrétaire d’État à la sécurité, à la démocratie et aux droits de l’homme, déclarait « Dans pratiquement toutes les régions du monde la démocratie recule ».

Les déclarations croisaient les appels répétés de Tsai Ing-wen à la vigilances des démocraties de la planète visant à extraire Taïwan du face-à-face direct avec Pékin dans le Détroit (lire : Taïwan : appelant à la rescousse la conscience des démocraties, Tsai tente d’échapper au face-à-face avec Pékin). Leur premier effet fut d’attiser la colère chinoise.

Puissante riposte chinoise qui défend son « modèle démocratique ».

Sans surprise, la riposte du Parti se déploya sur un mode très offensif. D’abord le porte-parole des Affaires étrangères accusa Washington de dissimuler derrière le projet de démocratie ses objectifs stratégiques de faire obstacle à la réunification dans le Détroit et de diviser le monde au profit de ses seuls intérêts.

Durant tout le mois de novembre en amont du sommet, Zhu Fenglian, la porte-parole du Bureau des Affaires taïwanaises, férocement opposée aux interactions entre Washington et Taipei, avait répété à quel point l’invitation de Taïwan était « une erreur 错误. » (…) « Cette position est claire et cohérente. Nous exhortons les États-Unis à s’en tenir au principe “d’une seule Chine“ et aux trois communiqués conjoints ».

Une semaine avant le sommet, la contre-attaque qui se fit plus pugnace, remettait directement en cause la position de « champion des démocraties » dont Washington se pare. Un porte-parole du MAE donna de la voix et questionna la démocratie américaine dont « l’état désastreux » ne plaidait pas pour légitimer le rôle exemplaire de Washington.

Puis vint l’affirmation de la pertinence du système politique chinois, de contrôle numérique serré, assez souvent brutal non seulement pour gouverner un pays aussi vaste et peuplé que la Chine, mais également comme modèle pour le reste de la planète.

En dehors de la Chine et de la Russie tenus, comme de nombreux autres, à l’écart du sommet [1], le cas de la Hongrie ostracisé par Bruxelles et Washington n’a pas échappé à Pékin qui entretient des liens étroits avec le Premier Ministre Victor Orban. Profitant des frictions intra-européennes entre Budapest et Bruxelles, Wang Yi le Ministre des Affaires étrangères l’a appelé pour fustiger l’exclusion de certains.

Livres Blancs sur la démocratie chinoise et les ratés du modèle américain.

Les deux affirment la diversité des modèles démocratiques tenant compte des spécificités culturelles et politiques de chacun. Opportunément le 4 décembre, moins d’une semaine avant le sommet, Pékin publiait un « Livre Blanc » de 55 pages, expliquant les vertus de sa conception de la démocratie.

L’idée maîtresse du document qui reprend le discours d’efficacité de l’appareil déjà vu à propos de la maîtrise de la pandémie, explique que la démocratie à la chinoise ayant permis de formidables progrès humains et matériels en quarante ans, fonctionne mieux que le modèle américain. Le lendemain un rapport du Parti complétait le tableau en faisant l’inventaire des ratés de la démocratie en Amérique.

Ironiquement, la liste des vices du système américain faisait de larges emprunts aux médias critiques comme le WSJ ou le Washington eux-mêmes interdits en Chine par la censure.

Enfin, renforçant les positions chinoises dans le bras de fer à propos de Taïwan, le Nicaragua annonçait le 12 décembre, 48 heures après le sommet, sa décision de basculer sa diplomatie vers une reconnaissance de la République Populaire. La décision réduit à quatorze le nombre de pays entretenant des relations avec Taipei ( Le Vatican, Belize, Guatemala, Honduras, Paraguay, Haiti, Saint Kitts & Nevis, Sainte Lucie & Saint Vincent, les Grenadines, les île de Nauru, Marshall, Palau, Tuvalu et Eswatini en Afrique.)

Note(s) :

[1Une des grandes incohérences de l’exercice a résidé dans l’arbitraire des choix qui se sont d’abord portés sur les alliés de Washington en dépit de régimes politiques contestables comme au Pakistan, ou au Brésil dont le Président Bolsonaro s’était aligné sur D. Trump. L’absence de la Turquie pointe également les incohérences de l’Alliance atlantique.

 

 

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