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›› Politique intérieure

Du risque d’instrumentaliser la lutte contre l’épidémie à des fins politiques

Cette année, la fête du 1er mai a été marquée par la très rigide stratégie dite du « Zéro-covid dynamique - (动态清零, dongtai qingling – mot à mot nettoyage dynamique - »). Pour Alex Payette, chroniqueur d’Asialyst, l’obstination de l’éradication complète qui menace à la fois l’équilibre économique du pays et la stabilité sociale est l’effet d’une lutte politique interne.

Avec en tête son propre discours d’efficacité exemplaire comparée au « chaos » des démocraties, Xi Jinping semble considérer que l’obédience à ses injonctions d’élimination complète de la maladie par la mise en œuvre de confinements intraitables, serait la mesure des loyautés de l’appareil à sa personne. Poussé à ses limites, cet état d’esprit véhicule des risques importants pour la stabilité du pays.

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Selon Qu Jieming, secrétaire du Parti de l’hôpital Ruijin à Shanghai et président de l’association de chirurgie thoracique chinoise, la méthode « dynamique 动态 » consiste à contrôler au plus vite la résurgence de l’épidémie par des tests et des confinements ciblés coupant les chaînes de transmission avant que les contagions n’explosent.

A Shanghai, début mai, malgré un net recul des contagions et un relâchement des restrictions dans six des seize districts de la ville, des millions de citadins étaient encore confinés durant les vacances du 1er mai, non sans que s’expriment quelques agacements. Des mouvements de mauvaise humeur ont répandu de la nourriture avariée dans la rue et refusé de faire la queue pour les tests obligatoires.

A Pékin, tous les restaurants étaient fermés jusqu’à la fin de la période de vacances, le 4 mai. Les parcs et attractions n’étaient ouverts qu’à 50% de leur capacité. Dans les zones habituellement encombrées de touristes du nord de la capitale, vers Qianmen aux abords de l’ancien Palais d’été, la fréquentation des échoppes de nouilles avait baissé de 98% par rapport à l’année dernière.

Les gymnases et théâtres sont restés fermés. Pour accéder aux sites touristiques, comme la grande muraille, il fallait un test PCR négatif de moins de 48 heures. A l’échelon national il y eut tout de même 100 millions de voyages, mais le gouvernement ayant découragé les déplacements vers d’autres provinces, les mouvements de population avaient baissé de 60% par rapport à 2021.

La sévérité draconienne des confinements au regard d’un bilan de cas détectés toujours très nettement inférieurs à ceux de pays ayant pourtant complètement relâché les mesures les plus strictes, véhicule un risque économique non négligeable, d’autant que la fugacité des contagions rend illusoire l’obsession d’une éradication complète. A la fin mars, après les confinements à Shanghai, Shenzhen et dans le Nord-est, les indicateurs de production industrielle étaient à la baisse.

Pour Xu Tianchen, économiste chinois du centre de recherche et d’analyse « Economist Intelligence Unit » basé à Londres, les perturbations à court terme de la chaîne d’approvisionnement impacteront l’économie chinoise dans son ensemble, en raison de l’interconnexion entre Shanghai et d’autres régions, notamment celle du delta du Yangzi, abritant de nombreuses industries reliées au tissu productif chinois.

A Shanghai, le centre financier a été arrêté. Les pertes d’activité de la « gigafactory » de Tesla, de l’immense complexe Disney, de nombreuses multinationales et des détaillants, hôtels et restaurants désertés par les touristes pourraient coûter 3,7% du PIB annuel du poumon économique chinois.

Pour pallier le freinage qui menace l’emploi, nombre d’usines dont les employés sont restés sur place, ont continué à produire au ralenti. Afin de réduire les risques de rupture des chaînes d’approvisionnement globales, le gouvernement a multiplié les mesures de relance monétaires et fiscales.

En examinant les allégeances des gouvernements locaux immédiatement alignées aux injonctions du centre et, à l’inverse, les retards et les réticences à les mettre en œuvre, Alex Payette dessine la carte politique des contestations à Xi Jinping et le terrain « d’une lutte politique » qui, dit il, « pourrait être déterminante pour le XXe Congrès du Parti cet automne, au cours duquel Xi Jinping espère maintenir son emprise sur le pays. ».

Shanghai, poumon économique du pays, rivale de Pékin et cible politique.

Le cœur de la bataille est Shanghai, où la première explosion des cas dont il faut cependant relativiser l’ampleur, eut lieu à la mi-mars. Réacteur économique du pays, centre financier connecté à Hong Kong dont l’influence impacte tout le tissu économique chinois, la grande métropole de l’Est, cœur traditionnel de quelques coteries politiques rebelles, représente dans l’imaginaire du pouvoir à Pékin une mouvance dont la ligne politique subjuguée par les affaires s’est éloignée de l’idéal communiste.

Quand Pékin se donne une image ancrée dans l’histoire et la politique, Shanghai affiche une ambition de modernité économique et technologique, animée par l’esprit d’entreprise et d’innovation. Depuis l’avènement de Xi Jinping à la tête de l’appareil à l’automne 2012, la capitale économique de la Chine a la réputation d’abriter la mouvance contestataire trouble de Zeng Qinghong.

Aujourd’hui âgé de 83 ans, ayant la réputation de faiseur de roi, ce dernier proche de Jiang Zemin qu’il avait cependant poussé à prendre sa retraite en 2004, fut à la tête de l’École Centrale du Parti et de la très puissante la Commission d’organisation, avant d’être promu vice-président sous Hu Jintao (2003 – 2008).
Il fut aussi l’ordonnateur des enquêtes diligentées avec Xi Jinping à l’origine de la chute de Chen Liangyu ancien n°1 à Shanghai et, par là même, un des artisans de l’accession au pouvoir de l’actuel n°1.

Au passage notons que Zeng Wei, le fils de Zeng, avait été mis sur la sellette pour corruption, mais n’a jamais été inquiété. La rumeur dit que son immunité avait été obtenue contre la démission de son père alors vice-président, précisément au profit de Xi Jinping.

Aujourd’hui, le vieux cacique, critique la ligne profil haut d’affirmation de puissance dont le maître d’œuvre est Wang Hunning, mais dont la stratégie prend le contrepied des conseils de prudence stratégique de Deng Xiaoping (lire notre article qui rendait compte de l’analyse de Théophile Sourdille : Wang Hunning, l’architecte « du rêve chinois. » Par Théophile Sourdille. (IRIS)).

Même s’il a été brièvement affecté à la tête de Shanghai dont, après son règne au Zhejiang (2002 – 2007), il a durant quelques mois été le n°1 en 2007 après l’arrestation de l’ancien n°1 Chen Liangyu tombé pour corruption, il n’en reste pas moins que Xi Jinping qui s’est appliqué à se construire un pouvoir sans partage, ne tolère pas que la grande métropole financière et économique chinoise ne soit pas immédiatement rentrée dans le rang de sa stratégie de zéro-Covid.

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Sous la surface de la lutte épidémique, une féroce bataille politique.

Suite à la réunion du bureau Politique du 17 mars, deux jours après la première explosion des cas à Shanghai [1] où le Parti prit la décision d’appliquer la politique du zéro-covid à toute la Chine, une mission d’inspection fut dépêchée à Shanghai pour y rencontrer le n°1 Li Qiang.

Ce n’est que deux semaines plus tard, après avoir trainé les pieds, que le Bureau Politique de la municipalité annonça la mise en place à Shanghai de confinements stricts. Le 31 mars, alors que les premiers mécontentements de la population commençait à s’exprimer, Ma Chunlei, 马春雷, le n°2 de la municipalité, acceptait les critiques de la commission d’inspection et reconnaissait que la réaction de la ville avait été trop lente.

Deux jours plus tard, c’était Sun Chunlan elle-même, n°12 du bureau politique, en charge de la lutte nationale contre la pandémie qui fut dépêchée en urgence à Shanghai alors qu’elle s’était déplacée dans la province du Jilin pour coordonner la réaction « zéro-covid » d’une résurgence de l’épidémie dans le nord-est.

Entre temps, des voix contraires s’étaient élevées. Le 26 mars, une semaine après la réunion du BP décrétant la stratégie d’éradication totale, Wu Fan (吴凡), le vice-doyen de l’Institut médical de l’Université de Fudan, affirmait que « Shanghai ne pouvait pas être en confinement total ».

Passant outre le « zéro-covid », arguant de l’importance économique de la ville, la prise de position rebelle à Xi Jinping avait réussi à s’imposer. Trois jours plus tard, le 29 mars, une autre offensive indisciplinée était même publiée depuis l’intérieur de la machine politique, dans le magazine Banyuetan (半月谈 – dialogues de la demi-lune), rattaché à Xinhua et au département central de la propagande.

L’article était l’indice que la controverse s’échauffait à la tête : « 没有疫情也连续搞大规模核酸检测 ? 抗疫资源不能如此浪费 - Réaliser en continu des tests d’acide nucléique à grande échelle sans épidémie ? Les ressources anti-épidémies ne peuvent pas être gaspillées (浪费) de cette façon ». Le corps de l’analyse avançait des arguments économiques de gaspillage des ressources, y compris la mobilisation excessive des fonctionnaires et des agents des forces de l’ordre.

La contre-offensive du centre est venue le 30 mars par Xinhua. Enjoignant d’appliquer sans relâche la politique du « zéro Covid dynamique », elle se voulait une mise au pas des cadres de Shanghai ayant tardé à appliquer les ordres de Pékin.

Sa conclusion était sans appel : « Plus la situation épidémique est grave, plus nous devons maintenir notre orientation stratégique et nous concentrer à la fois sur la lutte contre l’épidémie et le développement. (Mais) Notre politique générale reste le maintien de la stratégie de « zéro-Covid » 我们总体上就会向“动态清零”的目标逐渐迈进. » Et « la persévérance est la condition de la victoire. 坚持就是胜利. »

Pourtant, signe que les tensions politiques ne sont pas retombées et que les partisans du pragmatisme souple n’avaient pas rendu les armes, Alex Payette note que « trois jours après la mise en place du confinement total de la ville (封城, fengcheng), Sun Xiaofeng (孙小丰), médecin-chef adjoint de l’hôpital Huashan affilié à l’Université Fudan et membre de la Conférence consultative du Peuple de Shanghai, faisait circuler en ligne une liste de propositions à l’usage de la municipalité pour empêcher le verrouillage total de la ville. ». Elles étaient calquées sur les stratégies adoptées par la plupart des pays occidentaux.

Constatant que sur les 103 000 cas détectés journellement en Chine (0,007% de la population chinoise) avant le 2 avril (en France, où les mesures strictes ont été relâchées, le pic des détections nouvelles eut lieu le 25 janvier 2022, avec 500 000 cas – 0,8% de la population), Sun suggérait d’abord l’auto-isolement à domicile pour les asymptomatiques. La méthode dit-il, permettait d’économiser les personnels et était plus efficace que les regroupements massifs concentrationnaires sans hygiène des centres de confinement collectifs ;

Comme le Docteur Zhang Wenhong (张文宏), lui aussi de l’hôpital Huashan où il était Directeur du département des maladies contagieuses, mais aujourd’hui relevé de ses fonctions (lire notre article qui exprimes ses convictions de souplesse pragmatique : Vaccination et stratégie du « zéro covid ». De la virologie à la propagande politique), Sun conseillait aussi de ne plus mettre la société à l’arrêt, de reprendre le rythme normal des activités et d’adopter pour les troisièmes et quatrièmes doses, le vaccin Pfizer plus efficace que le Chinois.

Effets collatéraux et répressions.

En attendant, le confinement strict et obstiné a continué. Ponctué de brutalités policières et de débordements de cruauté à l’égard des animaux domestiques éliminés sans ménagement, il provoque des conséquences sociales et économiques dont les effets sont préoccupants.

En avril, l’indice des directeurs d’achat des services de Caixin était au plus bas depuis 2005. Récemment Sally Su, une analyste de la Chambre de Commerce britannique indiquait que nombre d’entreprises avaient retardé ou réduit leurs investissements en raison des blocages à Shanghai. En arrière-plan commençait à monter l’inquiétude que la rigidité des confinements soit étendue à Pékin.

Attisées par la fixité politique du n°1 qui fait de sa stratégie fermée un marqueur de sa crédibilité politique avec l’espoir qu’une victoire complète sur les actuelles résurgences consoliderait son pouvoir en vue du 20e Congrès, les batailles politiques commencent à percer l’opacité de l’appareil. Premier et catastrophique dommage collatéral, la confiance entre le Centre et les autorités locales s’est effondrée.

Au point qu’en plus des renforts en personnels médicaux, à la fin mars, des forces de polices ont été mobilisées depuis toute la Chine, notamment du Shandong, pour mieux contrôler Shanghai en créant une structure policière parallèle à celle de la ville.

Simultanément, orchestrées par Chen Yixin (lire notre article : « Jusqu’à l’os ». Le féroce nettoyage politique de Chen Yixin.), le féroce secrétaire de Commission des Affaires légales, les répressions vont bon train. A la mi-avril, huit cadres du parti avaient été relevés de leurs fonction pour mauvaise gestion de l’épidémie. Tous étaient des cadres du parti en poste à Shanghai.

Il s’agit de Li Shuifei (李水飞), directeur général du service d’incendie et d’urgence de l’aéroport de Hongqiao ; Zhou Baoguo (周宝国), doyen de la branche du Parti du centre de santé mentale du district de Huangpu et Cai Yongqiang (蔡永强), Secrétaire du Parti de Beicaizhen (Pudong).

Li Qiang, 63 ans, secrétaire du Parti de Shanghai, actuel n°14 du Bureau Politique, qui espérait entrer au Comité Permanent, pourrait être un dommage collatéral de la séquence. Non pas qu’il ait fait partie des réticents à mettre en œuvre le « zéro-Covid ». Mais lui-même s’est heurté chez lui à une forte réticence de l’administration inquiète des conséquences pour la ville des fermetures extrêmes.

Au point que le Quotidien du Peuple publiait un article [2], reproduit le 7 avril dans le China Daily, pour fustiger les cadres qui « faisaient la planche » – manière imagée de désigner leur inertie (voir le § « lassitude et inertie » de notre article sur cette mentalité qui exprimait une fatigue de l’ambiance permanente de compétition régnant en Chine : Le très faible enthousiasme pour la « politique des trois enfants »).

Au moment où, au risque de créer une sévère secousse économique, Xi Jinping fait de la lutte implacable contre la résurgence de l’épidémie dans près d’une trentaine de villes un argument politique d’allégeance à sa personne en amont du 20e Congrès, l’allemand Joerg Wuttke, représentant de BSAF en Chine depuis 25 ans, élu en mai 2019 Président de la chambre de commerce de l’Union Européenne, exprimait une des plus brutales critiques de Xi Jinping jamais rendue publique.

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La chambre de commerce de l’UE sonne l’alarme.

Mise en ligne le 28 avril sur le média suisse « The Market », la charge implacable du Président allemand de la Chambre de commerce européenne expliquait que, prisonnier de sa propre narration d’éradication définitive du virus, le régime mettait le pays dans une impasse.

« Au cours des deux dernières années, la direction du parti a affirmé que la Chine avait bien mieux géré la pandémie que l’Occident décadent. Aujourd’hui, ce récit lui explose au visage. Alors que la population a vraiment peur du virus, toute personne testée positif, est, comme un condamné, emmenée de force vers un camp d’isolement collectif où elle est contrainte de rester confinée avec des milliers d’autres personnes. » Dans ce contexte, Wuttke estime que Xi Jinping, en quête d’un troisième mandat au 20e Congrès, et initiateur de ce choix qui a fondé sa crédibilité politique pendant la pandémie, ne reculera pas.

Selon lui, les conséquences de la secousse ne commenceront à se voir en Europe qu’à l’été quand manqueront les équipements et les composants électroniques, les pièces détachées, et les principes actifs des médicaments. Les pénuries affecteront les chaînes d’approvisionnement mondiales, tandis qu’à terme nombre d’entreprises réfléchiront à déplacer ailleurs leurs centres de production.

Plus généralement, dit-il, la Chine est en train de perdre sa crédibilité comme meilleure source de production de la planète. Lui-même nuance cependant son propos. « Les entreprises étrangères ne font pas leurs valises et ne quittent pas la Chine, mais elles envisagent de transférer une partie de leurs investissements vers d’autres pays. ».

Un risque géostratégique.

Une partie de l’interview évoque la proximité de Pékin avec la Russie et les conséquences pour la Chine dans le cadre de la guerre en Ukraine, notamment à propos du parallèle souvent fait avec la relation entre le Continent et Taïwan. Quand, dit Wuttke, Pékin « adopte dans le Détroit la même rhétorique agressive que Moscou, les investisseurs prennent peur et mettent leurs projets en attente. »

Le régime a compris le risque. Alors qu’entre la Chine et les États-Unis règne une ambiance de sanctions et de contre-sanctions, à Pékin, la direction politique qui, pour l’heure, constate une cohésion unanime de l’Occident contre Moscou, n’a pas oublié comment Donald Trump a mis à genoux Huawei dont les projets 5G ont été en partie torpillés et dont la branche des téléphones portables n’a, à ce jour, pas encore tout à fait encaissé le choc.

Du coup, au plus haut niveau, Pékin veille à respecter scrupuleusement les sanctions contre Moscou. Wuttke, dont il faut souligner la longue expérience en Chine courant depuis un quart de siècle, cite des banques chinoises qui, inquiètes des représailles, ont refusé d’acheter les listes de clients russes proposées par des banques européennes.

Enfin, l’analyse s’attarde sur la dévaluation en cours de la monnaie chinoise qui, le 29 avril avait atteint son cours le plus bas en dix-huit mois, après une baisse de 4,5% en avril. Du coup, après la hausse des taux d’intérêts aux États-Unis, Pékin s’efforce d’endiguer une fuite des capitaux due, non pas à une manipulation du change par Pékin, mais à la perte de confiance des investisseurs.

Depuis 2015, la masse des investissements étrangers, dont il faut noter qu’elle est toujours considérable, a cependant baissé de 20%, passant de 1500 Mds à 1200 Mds de $. En avril, la bourse chinoise a perdu 6%, en dépit des efforts de relance de la Banque Centrale qui a réduit les contraintes du crédit.

Selon Standard Chartered, le risque est que les sorties de capitaux dont la plupart sont le fait des étrangers, donc plus difficilement contrôlables, continuent à tirer la devise vers le bas qui pourrait tomber à 6,7 RMB pour un $ en juin (elle était à 6,64, le 6 mai, soit une chute voisine de 5% uniquement en avril). Pour la Banque Centrale, la dépréciation est importante si on songe que, depuis l’été 2005, quand Pékin avait décidé de laisser flotter sa monnaie, la fluctuation est strictement contrôlée.

Les investisseurs chinois qui constatent que les dédouanements sont au point mort et la logistique fortement perturbée, sont tout autant inquiets que la banque centrale. Pour Xia Chun, économiste chez le gestionnaire de patrimoine chinois Yintech, basé à Pudong, Shanghai, « le défi de la Chine est maintenant de persuader l’argent mondial à long terme de rester. Une fois que ces investisseurs décident de partir, ils ne reviennent pas facilement ».

Pour revenir à l’essentiel qui, ajouté à l’instrumentalisation en politique intérieure de la lutte contre l’épidémie, intègre aussi les tensions entre les Occidentaux et la Russie, force est de constater que des risques géopolitiques pèsent sur l’économie chinoise, déjà en phase de freinage.

Pour autant, concluant sa violente diatribe, Joerg Wuttke tient à diffuser une note optimiste. De sa longue expérience de la Chine, il retient que quand la situation est au plus mal, la bureaucratie prend le pas sur l’idéologie pour redresser les errements. « Peut-être y aura-t-il une refonte lorsque l’économie nationale touchera le fond ; peut-être l’appareil se rendra t-il compte que les entreprises étrangères et leurs investissements sont indispensables. Peut-être le Parti acceptera-t-il d’ouvrir à nouveau plus largement les portes du pays ».

Sa dernière phrase reste cependant une sévère critique de Xi Jinping. « Mais aujourd’hui, bien sûr, nous n’en sommes pas encore là. Pour l’instant, la Chine ne sort pas de l’impasse dans laquelle le président a enfermé le pays. »

Note(s) :

[1Le 5 avril, Shanghai (21 millions d’habitants) comptait moins de 80 000 cas, contre 169 000 en France. Début mai, il n’y avait que 170 000 cas dans 29 provinces chinoises, quand seulement en France, le nombre de nouveaux cas détectés atteignait 50 000.

[2越是防疫吃紧,越要摒弃“躺平”心态. Plus la prévention de l’épidémie est urgente, plus nous devons abandonner la mentalité de faire la planche. china.chinadaily.com.cn

 

 

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