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›› Editorial

Chine, Vietnam, Russie, ASEAN, États-Unis, les rapports de forces bougent

Humiliation de Hanoï et implication de Washington.

L’agacement de Hanoï confronté aux intrusions chinoises répétés se rapproche progressivement d’un sentiment d’humiliation.

L’année dernière une pression de Pékin avait forcé le Vietnam à abandonner l’exploitation pourtant déjà commencée d’un gisement par une JV avec l’Espagnol REPSOL, hors de la ZEE vietnamienne, mais cette fois situé à l’intérieur de la « Ligne en 9 traits ». Celle-ci est réfutée par Hanoï au nom de l’arbitrage de la Cour de La Haye (juillet 2016) que Pékin n’a pas accepté au nom de sa longue présence et de son influence culturelle dans la zone.

Lire :
- le paragraphe « Le dilemme énergétique vietnamien »
et
- Arbitrage de la Cour de La Haye. Tensions et perspectives d’apaisement.

Ce n’est pas fini. Le 3 septembre 2019, le bureau de Hanoï de la BBC diffusait en vietnamien un reportage sur le mouvement par l’entreprise publique « 中油燃气 – CNOOC » d’une plateforme-grue baptisée Lam Kinh (Lan Jing en Chinois), clairement à l’intérieur de la ZEE vietnamienne [1].

Il n’est pas anodin d’indiquer que la migration de la plateforme est également suivie de près et sa position diffusée en vietnamien par Voice of America, directement financé par l’exécutif américain.

Un autre contexte important est souligné par un article d’Asia Times publié le 5 septembre dernier. il indiquait que « le mouvement présumé de la grue Lam Kihn par la Chine dans les eaux vietnamiennes intervenait alors que le Vietnam et les neuf autres membres de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est participaient cette semaine à un exercice naval avec la marine des États-Unis. » (lire : US and 10 ASEAN navies begin first joint military exercises in Southeast Asia.)

La Chine teste les limites de Washington.

C’est dans ce contexte devenu inflammable que plusieurs experts américains dont Denis Blasko (ancien de West-Point et du renseignement militaire américain) viennent de se livrer à l’analyse des capacités réelles de l’armée chinoise dans le cas – très hypothétique - d’un conflit direct avec le Vietnam.

Au milieu des quelques certitudes évidentes que sont l’augmentation rapide de la puissance navale de Pékin et le déséquilibre flagrant avec celle de Hanoï que les Vietnamiens reconnaissent, subsiste l’inconnue de l’aptitude au combat de la marine chinoise, alors que, selon Blasko, les responsables militaires de l’APL envisagent sans enthousiasme une entrée en guerre directe avec le Vietnam.

*

En attendant, la Chine explore la résilience du Vietnam jusqu’à de dangereuses limites, alors que les plaques tectoniques des rapports de forces bougent. Pour autant, elle dispose encore d’une marge de manœuvre liée à la plus importante inconnue de ce théâtre : la détermination américaine à s’engager militairement.

Spéculant sur les hésitations de Washington, Pékin pourrait parier sur sa capacité à vaincre à la manière de Sun Zi « sans combat », par la stratégie oblique de ses pressions récurrentes, de son influence financière et de ses propositions de coopération pour l’exploitation conjointe des ressources. Il reste qu’au sein de la direction politique à Pékin, si certains peuvent estimer que le jeu en vaut la chandelle, d’autres pourraient juger l’aventure dangereuse.

Jusque il y a peu, au Bureau Politique, les tenants d’une prise de risque poussant les enchères à leurs limites, sont confortés par le passé récent. Alors que Pékin exerçait des pressions ininterrompues sur Manille à propos du récif des Scarborough (2012 – 2014), Washington s’est tenu à distance quand bien même les Philippines figurent parmi les plus anciens alliés militaires des États-Unis.

En 2014, lors des extrêmes tensions entre Pékin et Hanoï, la Maison Blanche n’avait pas bougé non plus. Et toujours pas en 2017 et 2018 quand CNOOC avait forcé le Vietnam à abandonner ses explorations dans une zone où pourtant elles étaient juridiquement aussi légitimes sinon plus que celles des groupes chinois.

Les vents tournent.

Aujourd’hui, le mouvement des planètes évoqué plus haut joue moins en faveur de Pékin.

A Hong Kong, la rigidité nationaliste chinoise en porte-à-faux rejaillit directement sur Taïwan où la Présidente indépendantiste Tsai Ing-wen a beau jeu de se poser, avec l’aide empressée de Washington, en parangon de la démocratie mondiale face aux pressions des autocrates de Pékin.

En Asie du sud-est, s’il est vrai qu’aucun pays ne prend le risque de défier Pékin, la participation de tous à un exercice de l’US Navy contredit le discours chinois stigmatisant la présence illégitime de l’armée américaine dans le Pacifique occidental.

Enfin, dernière évolution, après la stigmatisation par la Maison Blanche des missiles balistiques intermédiaires chinois qui menacent Taïwan, Mike Pompeo, le secrétaire d’État américain, a, le mois dernier, tenu à rassurer Manille, à propos des pressions chinoises sur l’îlot Thitu occupé par les Philippines depuis 1971.

« Dans la zone de la mer de Chine du sud, partie du Pacifique occidental, toute agression armée contre les Philippines, activerait l’article 4 du traité de défense mutuel ».

Il n’en fallait pas plus pour que le Président Duterte, habituellement plus prudent, se lance dans une diatribe martiale contre Pékin affirmant publiquement : « si vous touchez à Thitu (215 nautiques à l’ouest de Palawan et 500 nautiques au sud de Hainan), je dirai à mes militaires de se préparer à des missions suicide ».

On le voit, l’ambiance entre Manille et Pékin a radicalement changé depuis l’époque où, séduit par les promesses financières chinoises et excédé par l’entrisme de Washington, le président philippin avait traité Barack Obama de « fils de p… ». Lire le § « Pragmatisme de Manille » de l’article Le grand chassé-croisé sino-américain en Asie. Un apaisement en demi-teinte.

En même temps, la conviction de Pékin que Washington ne déclenchera pas un conflit pour de simples récifs se brouille.

Note(s) :

[1En 2018, le Pentagone expliquait l’agressivité chinoise en mer de Chine du sud en soulignant que Pékin, devenu le 2e consommateur de pétrole et le 3e de gaz de la planète, importait chaque année 461 millions de tonnes de pétrole soit 4 fois plus qu’en 2004 et 90 millions de m3 de gaz, soit 67% de sa consommation, pourcentage qui augmenterait à 80% en 2035.


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