›› Editorial
Assurément la manière dont les Occidentaux et nombre de pays asiatiques perçoivent la Chine est en train de changer. Après un cycle positif commencé au milieu des années 90 et qui a pris fin en 2009, les commentaires sur la Chine s’aigrissent à nouveau. Pékin n’y est pas insensible et réagit à sa manière, tandis que se dessine un débat interne sur les risques et limites des ambitions chinoises.
La période précédente (1995 - 2009) n’était certes pas exempte de controverses avec les pays développés en majorité occidentaux, sur le déficit commercial, les droits de l’homme, la prolifération, la question de Taïwan, le Tibet, le Dalai Lama, le budget militaire ou les ambitions stratégiques chinoises. Mais la tonalité générale de l’époque, marquée par l’entrée de la Chine à l’OMC et l’organisation des JO restait à la fois pragmatique, patiente et raisonnablement sereine, sous tendue par les espoirs du « grand marché », et la conviction que Pékin se coulerait docilement dans le moule du monde développé aux références essentiellement occidentales.
Les turbulences de la crise financière mondiale, dont la Chine a émergé avec un profil international renforcé, également ponctuée par les agacements réciproques de l’échec de Copenhague et les atermoiements chinois sur la valeur de sa monnaie, ont changé la donne. L’heure n’est plus à « l’harmonie des relations internationales », clamée par Pékin et, plus ou moins sincèrement, entérinée par les États-Unis et l’Europe qui disaient « accompagner la montée en puissance pacifique de la Chine ».
Les lourdes méfiances réciproques sont de retour, ponctuées par les discours à l’emporte pièce sur « l’arrogance chinoise », dans un contexte où les puissances héritières de l’après guerre acceptent de plus en plus mal le surgissement du colosse chinois en quête de cibles pour ses investissements, avide de ressources, de marchés et d’influence dans un monde, à bien des égards, toujours calibré à l’aune des intérêts occidentaux.
Les voisins asiatiques ressentent aussi sa puissance économique, ses appétits commerciaux et la force de son rayonnement, sur fond d’exorbitantes revendications en Mer de Chine. Celles-ci ont récemment été exacerbées par les passes d’armes avec les États-Unis, le Japon et le Vietnam.
En 2009, autour des Iles Paracels, contestées depuis 1974, la marine chinoise a saisi 33 chalutiers vietnamiens et détenu 433 marins, condamnés à payer des amendes. En 2010 deux incidents du même type ont eu lieu, tandis que persistent les tensions avec la Corée du Nord, protégée par Pékin, lancinante réminiscence d’un conflit meurtrier et de la guerre froide, sources d’inquiétude pour Séoul et Tokyo.En Chine même beaucoup s’inquiètent de ces évolutions.