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Défense : un Livre Blanc édifiant et modéré

Un parti pris d’apaisement.

S’agissant de la Péninsule coréenne, des tensions Inde / Pakistan, ou de l’Afghanistan, le texte ne s’éloigne pas des positions bien connues de la Chine qui affirme vouloir favoriser la coopération pacifique dans la région au travers de structures de dialogue comme l’Organisation de Coopération de Shanghai. On se souvient que le sommet de l’OCS de Qingdao du 9 au 10 juin 2018 fut l’expression emblématique des efforts chinois pour rassembler les pays asiatiques sur un mode apaisé, alors qu’au même moment les Occidents affichaient leurs dissensions au G7 de Québec.

Lire : Le G7 au Québec et l’OCS à Qingdao, les deux pôles rivaux du monde.

Même la Mer de Chine du Sud que Washington considère comme une zone de conflit potentiel, est décrite comme « un espace stabilisé où la situation s’améliore », dans un contexte où, dit le document, la région Asie-Pacifique est « globalement stable ».

L’angle de vue résolument optimiste jette cependant un voile sur l’ampleur des tensions possibles générées par le bétonnage chinois des ilots, leur militarisation et, plus largement, la revendication de Pékin sur tout l’espace marin plus vaste que la Méditerranée, situé entre Hainan et l’Indonésie, les Philippines et le Vietnam.

Pour justifier son analyse dont la sérénité contraste avec les alarmes de Washington, Pékin évoque le rôle apaisant de « l’ADMM plus » – ASEAN Defence Minister’s Meeting + regroupant les Mindef des 10 pays de l’ASEAN et de 8 autres pays dont l’Australie, la Chine, l’Inde, le Japon, la Nouvelle-Zélande, la Corée du sud, la Russie et les États-Unis.

Sa dernière réunion - la 13e du genre - a eu lieu à Bangkok du 11 au 15 juillet 2019. Même s’il y a encore loin de la coupe aux lèvres, le document final (pdf) constitue un « garde-fou » cosigné par Pékin et Washington, dont un des plus importants alinéas est celui qui, réaffirmant le besoin de confiance mutuelle, stipule que les conflits doivent se régler dans le respect des lois internationales, dont la Convention du droit de la mer de 1982.

Il reste que, pour tempérer l’optimisme, il faut se souvenir que le Congrès américain n’a pas ratifié la Convention qu’il ne juge pas assez contraignante, précisément parce que la Chine qui l’a signée et ratifiée, a fait jouer la « clause de réserve », lui permettant de s’exonérer de toutes les contraintes légales de la Convention liées aux questions de souveraineté.

Les indépendantistes à Taïwan, première inquiétude stratégique.

D’autres zones et causes de tensions sont au contraire mises en exergue dont la plus importante, au sommet des soucis de Pékin est la mouvance séparatiste à Taïwan qualifiée de « menace de sécurité la plus immédiate et la plus grave pour la paix et la stabilité ».

Au premier rang des menaces, Pékin range aussi les mouvements d’indépendance du Tibet et du Xinjiang attisés par des « forces séparatistes extérieures ». Viennent ensuite les intrusions américaines dont les patrouilles aériennes et navales menaçant le territoire national le long des côtes chinoises et en mer de Chine su sud.

Enfin le document mentionne l’impérialisme des États-Unis cherchant une prévalence globale par la maîtrise unilatérale des hautes technologies militaires, depuis l’Intelligence artificielle au contrôle global des métadonnées en passant par le « cloud computing ».

Reconnaissant que, dans cette compétition, la Chine accuse un retard « par rapport aux premières armées du monde », le document insiste sur la nécessité du rattrapage et des efforts d’investissements répondant aux exigences de sa sécurité nationale. Il justifie ainsi, tout en les relativisant par comparaison avec les États-Unis, les dépenses militaires chinoises annoncées à 1,3% du PNB contre les 3,5% américaines, avec des dépenses militaires annuelles à seulement 5,3% du budget général contre les 9,8% alloués au Pentagone.

Après la description des nombreuses missions effectuées par l’APL au profit de la paix et du développement, par ses escortes dans le golfe d’Aden renforcées grâce à la nouvelle base navale de Djibouti, opérationnelle depuis 2017, par ses aides à la santé et à l’éducation en Afrique, l’intention pacifique touchant au prosélytisme moralisateur transparaît clairement dans la dernière partie du Livre Blanc intitulée « Contribuer activement à la construction d’un avenir partagé par l’humanité » -.

On y lit que, dans “l’ère nouvelle“, les armées chinoises « s’acquittent activement des obligations internationales d’un grand pays, encourageant la coopération militaire internationale, luttant pour un monde meilleur caractérisé par une paix durable dans le cadre d’une sécurité partagée par tous. »

Mais le souci de ménager la relation avec Washington.

Au total – c’est un point clé du document – émerge l’impression que le Livre Blanc de Pékin est bien plus accommodant avec les États-Unis que ne le sont les rapports américains traitant de l’évolution de l’APL. A cet égard, les auteurs chinois s’appliquent à faire l’inventaire exhaustif des coopérations et des mesures de confiance bilatérales, conclues dans un esprit « non conflictuel, de respect mutuel gagnant – gagnant –双赢 - ».

Il cite notamment le mémorandum de 2014 sur les mesures de confiance et ceux sur les procédures navales et aériennes en cas de rencontres inopinées (2014 et 2015). Il évoque le dialogue stratégique et diplomatique créé en 2017 en même temps que les échanges au niveau des états-majors centraux destinés à réduire les malentendus et les risques.

Enfin, tout en pointant du doigt les intrusions américaines dans les affaires intérieures chinoises que constituent les ventes d’armes à Taïwan et le transit des navires de guerre américains dans les eaux chinoises, les auteurs s’efforcent cependant de reconnaître que les relations entre les appareils militaires sont « en général stables ».

La prudente mesure dans l’expression et les efforts pour rappeler les éléments apaisants et constructifs de la relation de défense sino-américaine sont des indications claires que Pékin a conscience des risques d’emballement néfaste et ne les souhaite pas. En passant en revue les « points chauds » de la relation vus par Pékin on constate que seule la question de Taïwan est décrite comme pouvant donner lieu à une escalade vers un conflit grave.

C’est bien cet arrière-plan de réserve chinoise qui, le 3 juillet dernier, avait poussé une centaine d’experts américains de la Chine à publier dans le Washington Post une lettre ouverte pour suggérer à la Maison Blanche de réduire son agressivité à l’égard de Pékin (lire : Polémiques à Washington à propos de la politique chinoise de Trump).

*

Mais rien n’est simple. L’appel à plus de modération dans le traitement du risque chinois survient au moment où à Hong-Kong murissent tous les éléments d’une dégradation rapide de la relation bilatérale sino-américaine.

Au milieu de violences des manifestants reproduites chaque week-end où planent les soupçons de manipulations anti-manifestants par les « triades » orchestrées par Pékin, D. Trump a loué la réaction « responsable » de Xi Jinping. Mais le Bureau Politique n’a pas répondu aux éloges de la Maison Blanche. Au contraire, il a accusé Washington d’attiser les désordres en encourageant les révoltés qualifiés par la Chine « d’anarchistes 乱港分子 luan gang fenzi ».


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