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Du conflit commercial à la rivalité stratégique

Les ambiguïtés sino-américaines en Corée.

La Corée du Nord est le théâtre où la relation sino-américaine balance entre, d’une part, la coopération stratégique obligée pour parvenir à la dénucléarisation de la péninsule souhaitée par Pékin et Washington, avec cependant un longue série de non dits et de malentendus et, d’autre part, les tensions enveloppées dans une profonde défiance réciproque, longuement documentée par QC (lire : Chine - Corée du Nord – Etats-Unis. Sous la surface quelques glissements tectoniques).

Lire aussi : Corée du Nord. Entre « fatalisme proliférant » et optimisme raisonnable.

Les hauts et les bas de la coopération sino-américaine sur ce théâtre se lisent dans les déclarations et « tweet » de D. Trump. Alors qu’en avril dernier il disait de Xi Jinping qu’il était un partenaire « constructif », les derniers messages publics du Président qui vient d’interdire à Mike Pompeo de se rendre à Pyongyang, soulignent à nouveau que la Chine n’exerce pas assez de pressions sur Pyongyang à propos de son programme nucléaire.

Entre ces deux extrêmes, la Chine qui s’est officiellement offusquée de l’accusation de la Maison Blanche, a tout de même manœuvré pour rester dans le jeu de la solution nord-coréenne au point que ses initiatives ont brouillé la solidarité internationale et mis en porte à faux la stratégie américaine après le sommet de Singapour.

A peine la rencontre achevée au cours de laquelle Washington avait accepté de renoncer aux manœuvres conjointes de l’alliance sur la péninsule, Pékin a suggéré de mettre fin aux sanctions au risque de priver la communauté internationale de tout moyen des pressions contre Pyongyang.

En même temps, on apprenait que Xi jinping pourrait se rendre à Pyongyang en septembre. Première visite d’un président chinois en Corée du nord depuis 2005, la manœuvre que Pékin présentée comme une initiative visant à persuader Kim Jong-un de démanteler son programme nucléaire, aura néanmoins le double effet de remettre clairement la Chine dans le jeu et, de manière connexe, d’enfoncer un coin dans la solidarité sino-américaine pour la dénucléarisation.

Par dessus tout, elle sera un incomparable adjuvant de la popularité politique dans son pays de Kim Jong-un qui, en moins de trois mois, aura rencontré sous le feu des projecteurs internationaux les chefs d’État des deux plus grandes puissances de la planète. Mais la carte qui renvoie à une relation Pyongyang-Pékin rappelant celle de la guerre froide, est d’autant plus lourde qu’elle brouillerait les espoirs d’apaisement de la relation sino-américaine.

*

Si le théâtre nord-coréen est celui des ambiguïtés de la coopération sino-américaine, ceux de Taïwan et de la mer de Chine sont en revanche les lieux de tensions permanentes jamais démenties dont le durcissement se précise sous nos yeux.

D’un côté, l’affirmation sans nuance du nationalisme chinois en cours de raidissement autour de « caractéristiques » articulées à la culture et à l’histoire et, de l’autre, brandissant le flambeau du droit international et des libertés démocratiques, les ripostes de Washington.

Tandis les navires de guerre et avions de reconnaissance américains mènent avec insistance des patrouilles au-dessus et dans les parages des îlots contestés dans les Spratly, provoquant chaque fois les protestations courroucées de la Chine, les élites politiques américaines du sénat et de la chambre des représentants – à l’exception du gouvernement et de la Maison Blanche restés discrets – ont, lors de ses escales aux États-Unis à l’aller et au retour de son périple à Belize et au Paraguay, ménagé à Tsai Ing-wen un accueil qui tranchait avec les habituelles discrétions visant à ménager la susceptibilité de Pékin (lire : « Quand Pékin harcèle Taïwan, Washington lui ouvre les bras. »).

Taïwan un explosif sensible.

S’il existe un signe que l’actuelle confrontation entre Pékin et Washington est montée d’un cran, c’est bien le signal que donne la dernière visite de Tsai aux États-Unis sur un éventuel abandon de la prudence de la Maison Blanche à l’égard des susceptibilités souverainistes de Pékin à l’égard de Taïwan.

Alors que, depuis Nixon, les stratégies américaines manœuvraient plus ou moins habilement entre la « reconnaissance d’une seule Chine » et le soutien accordé à l’Île militairement protégée par le Taïwan Relation Act contre une agression chinoise non provoquée (lire : Une guerre entre la Chine et les Etats-Unis est-elle possible ? Inquiétudes à Taïwan et en Asie.), l’impression se précise que sous l’influence des conservateurs et du lobby taïwanais à Washington, l’exigence de ménager les deux bouts de cette contradiction est aujourd’hui moins claire dans l’esprit du pouvoir américain.

Pour le régime de Pékin, « l’île rebelle » est à la fois le symbole de l’histoire inachevée de la guerre civile, une « épine dans le pied » du « rêve chinois » de Xi Jinping, la faille dans la normalisation politique de l’Empire chinois moderne et l’insistant rappel aux portes du Continent que la pensée chinoise n’est pas un obstacle à la mise en œuvre de la démocratie.

Autant dire que l’utilisation sans mesure par Washington sur un mode de tractations commerciales de ce levier dont il est impossible de nier l’efficacité, recèle cependant un potentiel explosif que la Maison Blanche aurait tort de négliger.

Mer de Chine, entre Droit international, culture l‘histoire.

Le dernier théâtre au cœur des tensions sino-américaines, sans cesse objet de reportages de presse, est la Mer de Chine sud. Devenue le symbole d’une tension idéologique et géopolitique entre, d’une part, Pékin qui, se référant à sa longue histoire et à sa culture particulière exprime son exorbitante revendication sur toute la Mer de Chine tout en récusant la pertinence stratégique américaine dans la zone et, d’autre part, Washington qui, s’appuyant sur de droit de la mer et le jugement du tribunal international de La Haye (lire : Les secousses et incertitudes du jugement de La Haye.) rejette en bloc les prétentions chinoises.

Concrètement les États-Unis qui disent ne pas prendre partie dans les querelles de souveraineté – ce qui n’est qu’une posture diplomatique – s’ingénient surtout à contester le point particulier avancé par la Chine et réfuté par le droit de la mer, que des îlots élargis artificiellement, pourraient générer des eaux territoriales.

C’est l’objet des missions dites « Freedom of Navigation Operations = FONOP » de l’US Navy pénétrant régulièrement dans les eaux adjacentes aux îlots élargis dont Pékin dit qu’elles sont « territoire chinois », ce que le droit de la mer et nombre de riverains contestent [3].

Preuve que les relations sino-américaines ont changé de nature désormais marquées par la prévalence de la rivalité et des acrimonies plutôt que par les efforts de conciliation, à rebours des suggestions de Kissinger, le 23 mai dernier, durant la visite du MAE chinois Wang Yi au département d’État, Mike Pompeo lui a signifié que Washington annulait l’invitation lancée à la marine chinoise en janvier dernier de participer à l’exercice naval RIMPAC organisé tous les deux ans et auquel Pékin avait participé en 2014 et 2016 à l’invitation du président Obama.

Note(s) :

[3Liste des opérations « FONOP » en 2018 : 17 janvier, Scarborough Shoal, au nord des Spratly ; 23 mars : Mischief Rief (Spratly) ; 24 avril : survol de la mer de Chine du sud par des bombardiers stratégiques B-52 venant de Guam ; 27 mai : Paracel ; 5 juin : nouveau survol de la mer de Chine du sud par des B-52. Pékin a riposté le 12 avril, par la plus grande revue navale de l’histoire de la marine chinoise et, le 18 mai, en posant un bombardier stratégique sur l’îlot Woody 永兴岛 dans les Paracel. Lire : Mer de Chine et ASEAN, enjeux de la rivalité entre la Chine et les Etats-Unis.


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