Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

›› Chronique

Entre raison, émotions et rivalités stratégiques, la marine chinoise participe à RIMPAC

En avril 2014 les commandants des marines chinoise et américaine Wu Shengli et Greenert se sont rencontrés à Qingdao, siège du Commandement de la Flotte de l’Est. A l’occasion du Symposium naval du Pacifique occidental, ils ont signé en même temps que 21 autres nations, un code règlementant les réactions des équipages en cas de rencontres fortuites en mer ; en anglais « Code for Unplanned Encounters at Sea – CUES - »

La crainte de l’engrenage nourrit la prudence.

Du 15 au 18 juillet l’Amiral Greenert commandant la marine américaine a, à l’invitation de l’Amiral Wu Shengli, effectué une visite officielle en Chine d’une durée inhabituelle à ce niveau dont le but était clairement d’apaiser les tensions entre les deux marines et de prévenir de futurs incidents, principal souci des voisins de la Chine qui craignent une escalade. Un sondage effectué dans 11 pays asiatiques par le Pew Research Center montre que plus de la moitié des personnes interrogées craignent que les querelles territoriales avec Pékin débouchent sur un conflit. En Chine même la proportion des pessimistes était de 60%.

Les échanges s’inscrivent dans une intention d’apaisement également exprimée par le Chef d’état-major de l’armée de terre américaine venu en Chine en février 2014, tandis que le 14 juillet dernier, le Président Obama téléphonait au président Xi Jinping pour l’assurer qu’il aborderait de manière constructive les divergences sino-américaines sur le commerce, l’espionnage électronique, ainsi que celles, très sensibles en Chine, concernant les alliances militaires des États-Unis avec le Japon et les Philippines.

C’était la 4e rencontre en une année entre Greenert et Wu Shengli qui, en septembre 2013, avait déjà fait 8 propositions de coopération dont l’une était la participation de la Chine à l’exercice RIMPAC aujourd’hui mise en œuvre par la Maison Blanche. Une autre concernait des échanges de stagiaires entre les académies navales. Une troisième enfin visait l’organisation sur courts préavis d’exercices simples dans le golfe d’Aden, en Méditerranée et en Mer de Chine du sud.

Mais les échanges les plus en phase avec les risques d’incidents concernèrent les modalités d’application du code règlementant les réactions des équipages en cas de rencontres fortuites en mer, en anglais « Code for Unplanned Encounters at Sea – CUES - », signé par 21 nations asiatiques du Pacifique en avril dernier à Qingdao lors du Symposium naval du Pacifique occidental. Parmi les signataires : Pékin, Tokyo, Manille et Washington.

Éviter les incidents navals.

Le code qui est l’aboutissement de 10 années de négociations définit les procédures automatiques à adopter en cas de rencontre imprévue et fortuite. Prévu pour des événement se situant hors des eaux territoires et des espaces aériens nationaux, l’accord qui n’est pas juridiquement contraignant, constitue selon l’Amiral Wu Shengli « une étape hautement significative pour la promotion des communications, la dissipation des malentendus et la réduction des erreurs de jugement ». « Il devait », a t-il ajouté, « inciter tous les responsables à encourager les commandants de bateaux et les pilotes à développer leurs capacités à communiquer, leur maîtrise opérationnelle et leur bonne volonté ».

Bien que n’éliminant pas l’intention de nuire, le code qui prévoit une communication en anglais, définit les fréquences radio des communications d’urgence entre navires et avions de combats et établit un système d’identification par signaux du type d’activités en cours conduites par les navires (tirs réels, opérations logistiques, manœuvres de sous marins faisant surface ou en plongée peu profonde etc.).

Un article de l’accord recommande aux commandants de bateaux d’éviter de braquer des projecteurs allumés vers la passerelle d’un autre navire et vers le cockpit d’un avion ou encore de pointer ostensiblement des armes ou un faisceau radar vers un autre bâtiment ou aéronef.

Enfin, la volonté d’apaisement se traduit également par la placidité des responsables militaires de la marine américaine et la modification de l’attitude des officiers de marine chinois lors de rencontres ou d’incidents.

Volonté d’apaisement américaine et séductions chinoises.

Au plus fort de la controverse soulevée par le Congrès et les médias sur la présence d’un navire espion chinois non invité lors de l’exercice RIMPAC, la marine américaine, prenant le contrepied des critiques, a constamment souligné que le bâtiment de l’APL ne gênait pas les opérations et se trouvait dans les eaux internationales en accord avec les lois sur la liberté de navigation.

Côté chinois, récemment plusieurs témoignages rapportés par le Wall Street Journal attestent d’un changement d’attitude des équipages des navires de combat de l’APL. Quand, courant février en mer de Chine du sud, le lance missiles USS Spruance fut pourchassé par un navire civil chinois qui lui adressait des messages agressifs en anglais et en chinois lui enjoignant de quitter la zone, une frégate de l’APL a pris contact avec le Spruance et s’est interposée.

Une autre expérience de séduction chinoise est racontée par le commandant du destroyer USS Curtis Wilbur basé au Japon. En octobre 2013, en mer de Chine de l’est, son bâtiment a été approché à 20 mètres par la frégate chinoise Putian. Les deux commandants se sont salués par radio et entamèrent une longue conversation sur le climat, les caractéristiques de leurs bâtiments, leurs familles, leurs expériences culinaires, la musique et le basket.

En décembre 2013, lors des incidents qui émaillèrent la mission de renseignement effectuée en mer de Chine du sud sur une route parallèle à celle du porte-avions Liaoning par le lance missiles USS Cowpens, dont la trajectoire fut soudain bloquée par un des navires d’escorte du Liaoning qui se mit en travers, la situation s’apaisa lorsque le commandant du Liaoning et du Cowpens communiquèrent en anglais.

L’amiral Greenert cite tous ces exemples pour témoigner que l’attitude générale des marins chinois à l’égard des Américains est en train d’évoluer.

Mais remarquant qu’à l’égard des Philippines et des Japonais, les Chinois restent plus agressifs, certains au Pentagone en déduisent que l’attitude traduit une stratégie à double face. L’une, plus conciliante à l’usage de l’US Navy, l’autre plus brutale contre les marines du Japon et des pays riverains de la mer de Chine du Sud, le contraste pouvant avoir comme objectif de désolidariser les Américains de leurs alliés.

La responsabilité majeure des politiques.

Ces controverses politico-militaires font aussi apparaître la dichotomie du système politique américain et le poids considérable des lobbies du Congrès à la fois opposés à la ratification de la Convention sur le droit de la mer et très critiques de la moindre interaction entre les armées chinoise et américaine, craignant les fuites de secrets militaires et les captations par la Chine de technologies sensibles.

Quant à la Chine, crispée sur ses positions très nationalistes qui lui enjoignent de contrôler sa ZEE comme s’il s’agissait d’un espace inviolable, elle vient de mettre de l’eau dans son vin en avouant, lors du dernier « Shangrila Dialogue », qu’elle aussi espionnait les États-Unis en postant des navires de guerre électronique aux limites des eaux territoriales américaines.

Enfin, les péripéties décrites plus haut, les contacts étroits établis entre les amiraux Wu Shengli et Greenert et aux échelons subalternes révèlent une connivence entre militaires Chinois et Américains, d’autant plus intéressante à observer qu’elle semble heurter de plein fouet la paranoïa des médias et du Congrès.

On s’interroge souvent sur les causes des dérapages qui conduisent aux conflits majeurs. Peut-être faudrait-il s’intéresser aux irresponsabilités du jeu politique et de celui des médias qui, chacun pour des raisons différentes, mais parfois voisines, agitent plus souvent les leviers émotionnels que ceux de la raison. En arrière plan de ces jeux de rôles et de ces surenchères plane toujours l’ombre des rivalités stratégiques entre Washington et Pékin, foyer de discordes qui couve doucement, alimenté par les nationalismes qu’il est très dangereux d’attiser.


• Commenter cet article

Modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

• À lire dans la même rubrique

Commission mixte scientifique 2024 : et après ?

Chine - France : Commission mixte scientifique 2024, vers une partie de poker menteur ?

A Hong-Kong, « Un pays deux systèmes » aux « caractéristiques chinoises. »

Chine-Allemagne : une coopération scientifique revue et encadrée

Pasteur Shanghai. Comment notre gloire nationale a été poussée vers la sortie