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›› Editorial

L’harmonie des relations internationales et ses limites

Mais, si le discours officiel reste policé, mesuré et prudent, il n’écarte pas les pressions en sous main, éventuellement assorties de menaces directes (cf. le raidissement chinois après l’essai nucléaire nord-coréen en octobre 2006). Il n’exclut pas non plus que Pékin se joigne aux Occidentaux pour voter des sanctions contre l’Iran, commence à prendre ses distances avec le Zimbabwe, ou fasse pression sur les autorités soudanaises pour les obliger à accepter une intervention des casques bleus de l’ONU et de l’OUA. Après avoir longtemps milité aux côtés des peuples du Sud, parfois de manière agressive, revendiquant contre l’URSS la direction de « la révolution mondiale prolétarienne », la Chine s’est aujourd’hui replacée dans une position intermédiaire, adoptant souvent une attitude d’arbitre qu’elle assume assez bien, même si le ton moralisateur qu’elle adopte parfois agace ceux qui savent bien que les pressions militaires sont aussi une des clés des succès diplomatiques.

Enfin, son implication dans les affaires du monde vient de franchir un degré supplémentaire avec la nomination du Général chinois Zhao Jingming à la tête de la mission de l’ONU pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental. Au Soudan, joignant le geste à la parole, Pékin a dépêché en précurseur une unité du génie, chargée de reconstruire les infrastructures routières.

Mais avec la question birmane Pékin est aujourd’hui confronté, dans sa périphérie rapprochée, à un dilemme d’une toute autre nature. La contestation assez radicale du pouvoir birman par les moines bouddhistes, bénéficiant du soutien de la communauté internationale et de la population opprimée par la junte, crée une situation très sensible. Les relations de Pékin avec la Junte birmane sont en effet à ce point étroites (coopérations militaires, économiques et commerciales très importantes) que le PCC subirait les effets négatifs d’une répression brutale des moines, dans un contexte où sa propre situation des droits de l’homme est toujours montrée du doigt et où les commerçants chinois installés en Birmanie, à la frontière du Yunnan, font déjà l’objet de méfiances xénophobes.

Par ailleurs, un renversement de la junte, que beaucoup appellent de leurs voeux, débouchant, sous la pression internationale, sur la mise en place d’un système politique plus ouvert, créerait aux porte mêmes de la Chine une situation également dangereuse pour Pékin : on aurait en effet abouti à la mise à bas d’un régime, certes brutal et cynique, mais avec lequel Pékin entretient des liens privilégiés. Un développement auquel le PCC n’est pas prêt à apporter son soutien, au nom du principe de non ingérence, qui renvoie aussi à ses propres craintes d’un interférence dans ses affaires.

Il est donc assez peu probable que la Chine se joigne ouvertement au concert des pressions qui montent contre Rangoun. Son argument officiel sera que, quels que soient les désordres observés dans le pays, la Birmanie ne menace par l’ordre international. Aux critiques qui l’accuseront de soutenir un régime très lourdement corrompu qui isole son peuple et l’exploite, elle aura beau jeu de répondre qu’une dizaine de compagnies pétrolières, pour la plupart occidentales, sont présentes dans le pays. Et il est vrai qu’au prix du baril de pétrole, il est peu probable que ces dernières renoncent à leurs intérêts autrement que de manière cosmétique.

Il reste que l’implication des moines bouddhistes, dont l’influence dans la société birmane est considérable et l’aura de non violence universellement respectée, opposés à un régime totalitaire, corrompu et sans scrupules, dessine les limites morales du cynisme économique occidental et de « l’harmonie par la non ingérence » à la chinoise. La Chine le sait d’autant plus qu’elle observe chez elle la renaissance de la ferveur religieuse et son pouvoir d’influence spirituelle et morale. C’est pourquoi elle tentera, comme à son habitude, d’exercer des pressions discrètes qui viseront à appeler la junte militaire à la modération et au compromis pour éviter une radicalisation de la répression, dont les conséquences pourraient être catastrophiques. Mais rien ne dit qu’elle perviendra à ses fins. Les moyens de pression dont elle pourrait user sont plus limités qu’on ne le dit, tandis que la junte, qui a diversifié ses relations extérieures, dispose d’importantes ressources et d’une forte capacité d’encaisse, tandis que des sanctions internationales heurteront d’abord le peuple birman, déjà bien malmené.


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