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›› Editorial

La Chine de Xi Jinping, entre autoritarisme et ordre moral

Selon Xinhua, la Chine développe deux nouvelles routes de la soie : l’une maritime en bleu, l’autre terrestre en rouge.

La Chine affirme sa personnalité sur la scène mondiale.

A l’extérieur, l’année 2014 a été marquée par de spectaculaires initiatives, presque toutes orientées autour d’une stratégie d’affirmation des spécificités chinoises contre les influences étrangères, notamment américaines, avec cependant le souci exprimé lors du sommet de l’APEC d’apaiser ses relations avec Tokyo, Washington et l’ASEAN. L’accord gazier avec Moscou apparemment conclu à l’avantage de la Chine grâce à la pression de l’affaire ukrainienne exercée sur la Russie a mis fin à 10 années de tractations laborieuses.

Trois institutions financières internationales parrainées par Pékin dont la capitalisation totale atteint 240 Mds de $, ont vu le jour. Deux pour financer les infrastructures en Asie (l’une accompagnant la stratégie chinoise de développement des communications dans le Sud-est asiatique, l’autre pour financer les infrastructures de toute l’Asie), tandis que la troisième tente d’affirmer l’indépendance des BRICS dans le système financier international encore contrôlé par l’UE et les États-Unis.

En novembre, lors du sommet de l’APEC à Pékin où la Chine a brillé de tous ses feux, la tension avec Tokyo a été réduite grâce à la création d’un mécanisme bilatéral de gestion de crises destiné à prévenir un dérapage militaire. Avec Washington, un accord surprise sur le climat et des accords bilatéraux sur les technologies de l’information, l’immigration et la coopération militaire ont notablement modifié l’ambiance d’un relation qui, depuis 2010, s’articulait de plus en plus autour des rivalités économiques et des compétitions d’influence, sur fond d’aigreurs chinoises contre la présence militaire américaine dans la région.

Au total, fort des performances socio-économiques de ces 30 dernières années, le Parti dirigé par Xi Jinping fait face avec autoritarisme et détermination à des nombreux défis internes dont certains sont les effets collatéraux d’un développement accéléré. A l’extérieur, la Chine affirme sa volonté de ne pas se couler dans une organisation du monde contrôlée par l’Occident et résiste avec de plus en plus de force aux influences qui pourraient affaiblir son système politique entièrement sous la coupe du Parti.

Avec des risques à long terme pour son magistère moral

Dans ce contexte, le régime qui contrôle l’information, réduit les droits civils et politiques de ses citoyens et censure son histoire, prend le risque de laisser le magistère moral à d’autres, dans un monde qui change très vite, où les droits des individus promus de manière parfois anarchique deviennent progressivement une « carte sauvage » capable de menacer les institutions étatiques traditionnelles partout dans le monde.

Deux philosophies opposées du pouvoir.

Le ren 仁 (bénévolence) et le yi 義 (rectitude morale), accessibles à tous sont les vertus fondamentales de la morale confucéenne, fondements de l’harmonie sociale. Ce concept est au centre de la stratégie politique visant à éviter l’établissement d’une démocratie représentative en Chine.

Pour autant, s’il est probable que, comme le souligne Francis Fukuyama (voir son livre « Political Order and Political Decay », 658 p. Farrar, Straus & Giroux, 2014), la démocratie libérale est la seule forme de gouvernement compatible avec la modernité socio-économique et l’exigence de responsabilité des dirigeants, il n’en reste pas moins que les dérives clientélistes, parfois cyniques, des grandes démocraties de la planète jettent un ombre sur le modèle.

Ses valeurs démocratiques que sont la responsabilité politique des dirigeants, les élections libres et équitables, la force et l’efficacité des structures étatiques, sont en effet aujourd’hui de plus en plus souvent perverties ou très gravement affaiblies. Ces dérives redonnent de la vigueur à la vision chinoise d’un système politique jugé plus efficace car libéré des principes clivants de la démocratie libérale et construit autour de l’idéal confucéen d’harmonie vertueuse entre le pouvoir et la société, certes improbable, mais dont la force culturelle constitue un important contrepoids dans toute la sphère asiatique.

La confrontation des deux cultures politiques vient d’ailleurs de s’étaler au grand jour. Le Congrès des États-Unis, mesurant l’érosion du magistère moral américain depuis 1945, à la fois affaibli par les lacunes de son système démocratique ayant permis une longue collections d’erreurs stratégiques aggravées depuis 2001 par les dérapages éthiques de la prison de Guantánamo, tente un rattrapage déontologique et moral inédit par la publication d’un rapport étonnamment transparent sur la torture contre les prisonniers djihadistes.

La Chine, en revanche, ne semble pas vouloir dévier de sa conception de la justice, non pas dédiée à l’établissement de la vérité, mais fondée sur l’exigence - souvent au prix de la manipulation des faits - de la préservation de l’ordre social par l’idéal d’une morale vertueuse, bienveillante et juste, accessible à tous, fondement du Confucianisme.


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