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Traduit dans huit langues lors de sa publication le 12 mars dernier, « Unhappy China » ne semble cependant pas passionner les foules. Un grand nombre de « bloggers » et autres « journalistes citoyens » de l’internet ont réagi négativement en estimant notamment que le livre est arrogant, qu’il ne propose rien de constructif et qu’il constitue avant tout une démarche publicitaire à but lucratif. Plusieurs sondages indiqueraient que selon l’opinion publique chinoise « Unhappy China » brandit le spectre d’un nationalisme chinois radical qui nuit à l’image internationale du pays.
On peut légitimement s’étonner d’une telle retenue et de ces réactions modérées de la part d’une communauté « internet » habituellement prompte à s’enflammer au nom du nationalisme chinois.
On peut tout aussi légitimement se demander si ce n’est pas le gouvernement qui en sous main contrôle et canalise ces réactions afin de minimiser l’impact de l’ouvrage.
De fait les recommandations des auteurs ne sont pas en phase avec les positions officielles du gouvernement chinois. L’heure est pour Pékin plus à la mise en œuvre d’un pouvoir attractif et d’un soft power qu’à la démonstration de puissance et l’expression d’un nationalisme d’un autre age susceptible de renforcer la thèse de la menace chinoise. On se souvient qu’au début des années 2000, le concept « d’ascension pacifique de la Chine », développé par Zheng Bijian, un proche de Hu Jintao à l’Ecole Centrale du Parti avait été considéré comme trop offensif et rapidement remplacé par le « développement pacifique ».
Pour autant, cela ne veut pas dire que les autorités de Pékin rejettent en bloc les idées avancées par les cinq intellectuels. Si tel était le cas, ce livre, qui par ailleurs montre qu’il existe un réel debat entre divers courants sur les lignes politiques à suivre par le gouvernement, aurait il été autorisé ?
En réalité, les ambitions à terme du pouvoir chinois ne sont sans doute pas très éloignées des propositions, certes un peu brutales des auteurs. La réaction chinoise vis-à-vis de la France en décembre dernier et la façon dont la Chine s’est imposée lors du G-20 indiquent clairement que la stratégie actuelle consiste bel et bien à s’imposer peu à peu, mais avec prudence, sur la scène internationale en attendant l’heure d’une offensive plus générale et au grand jour.
Cette heure ne viendra que lorsque Pékin estimera avoir réglé ses problèmes intérieurs, en particulier la question de la stabilité sociale sur fond de crise économique et celle plus sensible encore de la gestion des minorités en lutte avec le pouvoir central. Pour Pékin, ces deux éléments conditionnent la sécurité nationale qui reste une priorité absolue avant de revendiquer « officiellement » une quelconque suprématie mondiale.