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La Chine et les Khmers rouges ou les fantômes de l’histoire

Dans les années 60 et 70, l’air du temps était aux passions idéologiques, dont la Chine se servait pour promouvoir son rayonnement dans le Tiers Monde face au rival soviétique. A cette époque de guerre froide, la cause de l’influence de la Chine valait bien que Pékin dispense son aide aux surgeons idéologiques et aux groupes rebelles qui, à cette époque, traversaient l’Asie du Laos à l’Indonésie en passant par la Thaïlande et le Cambodge, sans parler du Vietnam, où Washington allait s’embourber. Aujourd’hui la chanson ambiante n’est plus idéologique, mais économique. Vecteur d’influence d’un nouveau style, plus efficace que l’idéologie, il joue sur l’appétit de consommation et de développement des populations d’Asie du Sud Est, mais aussi sur l’appât du gain et la cupidité des nouveaux riches rescapés des cauchemars qui peuplent toujours le Cambodge.

C’est dans ce contexte que la Chine reconstruit patiemment ses liens avec ses voisins de la péninsule indochinoise. Elle avance de manière ouverte au travers de grands projets comme celui du « Grand Mékong », lancés par la Banque Asiatique de Développement en 1992, une manière comme une autre de désamorcer les craintes d’une trop forte emprise chinoise.

Partout, les Chinois exploitent des mines et des concessions forestières, s’apprêtent à participer à l’extraction du pétrole dans le Golfe de Sihanoukville, construisent des routes, des ponts, des usines textiles, des centrales électriques, mais aussi des casinos, investissant, au seul Cambodge, près de 2 milliards de dollars. Dans le Royaume Khmer l’aide officielle chinoise, qui dépasse annuellement 200 millions de dollars, contribue à financer un budget de la nation exsangue. Réputée sans condition ou contrepartie, elle permet à Pékin de se tailler la part du lion dans les concessions d’exploitation, et même d’affirmer son influence politique au point que le Royaume, où sont diffusées une dizaine de chaînes de TV en mandarin et où les façades sont envahies d’enseignes en langue chinoise, donne l’impression d’être devenue une colonie de Pékin. Ce sont d’ailleurs les hommes d’affaires sino-khmers, en cheville avec la multitude de banques chinoises, qui fixent régulièrement le taux de change du Riel, la monnaie locale.

Quand au Vietnam, le rival ancestral contre qui la Chine avait essuyé en 1979 une cuisante déconvenue militaire (60 000 soldats de l’APL avaient été faits prisonniers dans les provinces vietnamiennes jouxtant le Yunnan), les anciens champs de bataille sont aujourd’hui traversés par des autoroutes, comme celle qui relie Nanning à Hanoi, tandis que d’ici trois années un autre axe routier de même importance, également financé par la Banque Asiatique de Développement, reliera Hanoi à Kunming.

L’avancée de la Chine dans la péninsule indochinoise est homothétique de ses percées dans l’ASEAN où se développent aussi les projets d’un grand marché que rejoindront d’ici 2015 tous les pays de la région, où les investisseurs chinois voient d’importantes opportunités.

On comprend que, dans ce contexte nouveau, où les affaires et le développement veulent effacer les mauvaises réminiscences, Pékin et Phnom Penh seraient heureux d’oublier les sinistres dérapages d’un autre âge que furent la période khmère rouge, comme celle des délires idéologiques meurtriers du maoïsme qui lui avait servi de modèle. Sans compter que les investigations supplémentaires pourraient déstabiliser le régime de Phnom Penh, soutenu par Pékin.

Mais il est dangereux d’ignorer les fantômes de l’histoire qui peuplent ce pays martyr, surtout dans une période où la situation économique dévisse, multipliant la misère et les frustrations et où les rancoeurs pourraient bien vite se retourner, comme ce fut le cas dans le passé, contre la mouvance sino khmère, qui tient sans partage le haut du pavé des affaires et de la politique.


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