Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

›› Editorial

La Chine sur la sellette avant les JO

Avec l’Australie la crise a surgi autour de la visite du Dalai Lama à Canberra, accueilli au plus haut niveau malgré les pressions et les menaces de Pékin. Au cours de l’audience qu’il lui accorda le 15 juin dernier, le PM J. Howard appuya la quête du Dalai lama pour une plus grande autonomie du Tibet. Là aussi s’est manifestée une résistance aux pressions de la Chine et la volonté de « moraliser » les relations avec Pékin, en ne sacrifiant pas tout au commerce.

Ce raidissement de deux pays occidentaux qui paraissent vouloir recadrer les relations autour de critères moins mercantiles s’inscrit dans une ambiance générale où la politique étrangère de la Chine est sur la sellette au Darfour. De par le monde, syndicalistes, hommes politiques américains et européens et plusieurs ONG ont avancé l’idée de menacer de boycotter des JO de Pékin pour obliger la Chine à faire pression sur Khartoum. Nous y voilà : Il existe en Occident - y compris en Europe - un mouvement d’idées moins bénévolent à l’égard de Pékin, qui prétend n’accorder à la Chine un statut de partenaire à part entière qu’en échange, non seulement de concessions sur les questions commerciales dans le cadre de ses engagements de l’OMC, mais surtout d’efforts réels sur les droits de l’homme, le Tibet et le Darfour. Tout se passe comme si les JO, symboles de paix et de fraternité entre les hommes, recelaient également un pouvoir de moralisation, qu’un courant d’idées occidental plus vigilant à l’égard de la Chine chercherait à instrumentaliser.

Pour Pékin, qui tient beaucoup à son image de puissance responsable en cours de modernisation rapide, et pour qui la réussite des JO est un objectif cardinal, les enjeux sont considérables et la marge de manoeuvre réduite.

A l’intérieur, de plus en plus placée sous la surveillance des médias internationaux relayés par les réseaux du net, à mesure que s’approchera l’échéance des JO, elle devra assurer la paix civile avec des moyens moins radicaux qu’autrefois ; sans ternir son image, elle devra aussi lutter contre les effets les plus visibles de la corruption et corriger les dégradations de l’environnement : deux tâches majeures qui tiennent du mythe de Sisyphe.

A l’extérieur elle sera contrainte de céder sur plusieurs sujets : ayant déjà nettement infléchi sa position sur le Darfour (discrètes pressions sur le régime de Khartoum), elle s’investit déjà pour accélérer la mise en oeuvre du plan de paix ; sur les questions commerciales elle a déjà corrigé l’intransigeance de Wu Yi et par la voix de Bo Xilai promis des assouplissements et des efforts pour réduire les contrefaçons et faciliter l’accès à son marché des services ; enfin il est probable qu’en amont des jeux elle se sentira - en contradiction avec sa position actuelle - obligée de s’imposer un quota (probablement assez peu contraignant) sur ses émissions de gaz à effet de serre. Ces concessions chinoises qui n’iront probablement pas jusqu’à un réajustement significatif de la parité de sa monnaie, véritable piège économique, social et politique pour la Chine, induiront des controverses internes initiées par les plus nationalistes, toujours réticents à céder aux exigences occidentales.

Le moins que l’on puisse dire est que les relations entre les pays développés et la Chine faites de raidissements, de soupçons et de menaces, sont heurtées. Les secousses sont un effet de la difficile intégration du géant chinois dans l’économie mondiale, jusqu’à présent uniquement calibrée aux critères occidentaux. Elles se nourrissent aussi des impatiences occidentales devant un marché chinois trop protégé et des inquiétudes et malentendus liés à la persistance d’un régime encore opaque, soupçonné de visées hégémoniques, à la fois commerciales et stratégiques. L’habitude diplomatique est de minimiser les crises en spéculant sur la complémentarité des situations et des économies. Mais à y regarder de plus près on voit bien que la rigidité des postures qui renvoient souvent à des références nationalistes attisées par des lobbies intérieurs pourraient déraper vers des affrontements plus durs, surtout quand il s’agit de concurrence sur des ressources aujourd’hui comptées comme le pétrole. La Chine et ses partenaires occidentaux ont donc tout intérêt à rechercher les moyens d’établir un mode de relations plus pragmatiques. Il y faudra encore plus d’efforts pour améliorer la connaissance de l’autre et la confiance réciproque, moins de cupidité marchande, moins de manichéisme et de solutions à l’emporte pièce, plus de générosité, encore plus d’ouverture et toujours plus de transparence. Vaste programme.


• Commenter cet article

Modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

• À lire dans la même rubrique

Le révisionnisme sino-russe sur les traces de la révolution mondiale maoïste. Au Moyen-Orient, les risques avérés d’une escalade mortelle

A Hong-Kong, l’inflexible priorité à la sécurité nationale a remplacé la souplesse des « Deux systèmes. »

14e ANP : Une page se tourne

La stratégie chinoise de « sécurité globale » face aux réalités de la guerre

Que sera le « Dragon » ?