›› Editorial
A Pékin, le 40e anniversaire du déclenchement de la Révolution culturelle est marqué -sur ordre, n’en doutons pas- par un silence total des médias chinois.
Pour tous les acteurs ou témoins de la Révolution Culturelle -en particulier les quelques 400 à 500 millions de Chinois vivants nés avant 1955-1960 et entraînés dans l’événement- le mois de mai 1966 en avait marqué le début. Un coup de tonnerre avait frappé à l’origine l’Université de Pékin (Beida) et, dans sa tête, MAO Zedong a voulu l’amplifier au maximum. Le violent orage, attisé d’en haut, allait ainsi désorganiser complètement l’université et l’enseignement, le parti communiste et l’administration, l’économie et le pays. Sans parler des scènes sporadiques de guerre civile urbaine (1966-68).
Dans une démocratie populaire, ce n’était pas rien. Pourquoi tout cela ? À la fois crise de régime et développement révolutionnaire délibéré, cette folle tentative allait mettre la Chine à bas pendant dix ans (les “dix années noires” 1966-1976), pour réagir contre l’ossification du parti et pour faire émerger des “successeurs révolutionnaires”. Mais c’était aussi une crise de décolonisation culturelle anti-soviétique, des ratés de développement et un écart ville-campagne insoutenables et par dessus tout un retour au pouvoir de MAO (en semi-retrait depuis 1959) et une guerre pour sa succession. Ces événements étaient tragiques, ils font cependant partie de l’histoire de la Chine.
Donc, silence. Le Livre Blanc d’octobre 2005 sur le régime politique chinois dit seulement : “Les graves erreurs de la ‘révolution culturelle’ (1966-1976)... ont provoqué un recul sérieux de la Chine pour la construction de sa démocratie politique et la nation en a tiré une amère leçon”. HU Jintao se réfère volontiers à l’histoire du PCC, mais seulement à celle du parti militant d’avant la prise du pouvoir et même d’avant 1945. Silence aussi sur MAO, dont le portrait original, reproduit à des dizaines de millions d’exemplaires et surmontant la porte Tian’anmen, sera bientôt vendu aux enchères.
Ce qui intéresse HU Jintao, c’est de mettre au point un régime politique qui assure le monopole de pouvoir du parti unique et qui soit de mieux en mieux admis à l’extérieur comme à l’intérieur. Ce n’est pas par simple entêtement. Pour lui et pour les dirigeants chinois en général c’est la condition de base d’une montée en puissance continue de la Chine. Le contraire de la Révolution culturelle, en somme.