›› Politique intérieure
Avec ses effectifs considérables qui s’insinuent dans tous les secteurs d’activités -810 000 membres du PCC sont des patrons indépendants et 178 000 comités du parti sont aujourd’hui insérés dans des entreprises privées, y compris des JV avec des sociétés étrangères, ce qui représente une augmentation de 80% par rapport à 2002 !!- , le PC se voit lui-même comme l’élite de la nation chinoise, avec un rôle de guide, d’aiguillon et de garant moral. Il est facile d’imaginer qu’avec les comités du parti, largement implantés dans toutes les administrations, y compris dans les associations culturelles et sportives et dans les agences officielles d’information, comme dans la presque totalité des entreprises publiques ou privées et enfin sur le terrain avec plus de 3 millions de structures dans les niveaux administratifs de base, le PCC est aussi considéré par le pouvoir comme un outil de contrôle de la société chinoise.
Ayant ainsi organisé le maillage serré de la société et investi le pouvoir politique, le Parti développe son action d’abord en son sein, selon les axes d’effort prioritaires que sont la lutte contre la corruption, le non respect des directives anti-pollution, les trafics de terres arables, la manipulation des prix de l’immobilier, la survivance des mines illégales, les gaspillages d’énergie ou les projets grandiloquents aussi dispendieux qu’inutiles. Il vérifie aussi la conformité des politiques locales avec les choix stratégiques effectués par le Centre, qui, depuis 2002, tentent de réparer les dommages collatéraux du développement trop rapide, parfois brutal.
L’image présentée par le Quotidien du Peuple reflète cependant une situation idéale qui ne correspond pas complètement à la réalité. C’est précisément ce décalage presque platonicien, entre les monde des idées parfaites et la trivialité des situations réelles qui constitue le cœur des problèmes du pouvoir chinois, aux prises avec une société plus difficile à contrôler qu’il n’y paraît. Notons d’abord que l’action du parti a essentiellement un but de contrôle interne et que son action en direction de la société est limitée : on ne cherche ni à la dynamiser ni à la doter d’une capacité de propositions autonome. Il y a bien sûr des interactions plus positives, notamment au sein des certaines entreprises, où le Parti tente de concilier des d’intérêts parfois contradictoires, mais force est de constater que le mode préférentiel d’action en direction des masses reste encore et toujours le slogan.
Quand à l’efficacité de l’encadrement et du « quadrillage », suggérée par l’organisation décrite plus haut, elle reste tributaire de bien des facteurs pas toujours maîtrisables. Les nouveaux adhérents au Parti, entrés dans l’organisation plus par opportunisme carriériste ou social, que par conviction idéologique ne sont pas, loin s’en faut, d’une loyauté sans faille. Dès lors sont-ils souvent vulnérables à tous les arrangements et compromissions, d’autant que, dans leur environnement proche, les fortunes explosent sous leur nez de fonctionnaires mal payés.
L’exemple vient d’en haut. Rares sont les hauts dirigeants de l’Etat, dont la famille n’est pas impliquée dans les affaires, quand elle n’est pas directement à la tête des grands monoples de l’Etat, dans un arrangement « gagnant-gagnant « . Les rejetons -que, dans la société chinoise, on appelle, avec une nuance péjorative, qui renvoie aux soupçons de népotisme et de corruption, les « Ganbu Zi Di » (fils ou filles de cadres du parti)- amassent d’importants pécules qu’en bon confucéens ils redistribuent en partie à leurs parents. Quant à ces derniers, leurs postes élevés dans la hiérarchie procurent une assurance qui, dans la société chinoise actuelle, aux prises avec de fortes tensions, compétitions et jalousies, vaut de l’or. Le décryptage de ces situations est d’autant plus difficile qu’en Chine « le faux nez » -fausses identités, appellations usurpées, raisons sociales ambigües- est une seconde nature. Ainsi, nombre de sociétés considérées comme privées, sont-elles en fait directement liées au Parti par l’intermédiaire de connexions familiales occultes, invisibles de l’extérieur.
Ce mélange des genres induit parfois des volte-faces, des décisions (ou des absences de décision) qui désarçonnent les partenaires étrangers, peu au fait de ces maquillages. Il est aussi à la source de conflits d’intérêts qui sont autant de freins aux remises en ordre que le Parti appelle de ses voeux mais qui, comme le rocher roulé par Sisyphe, ne parviennent jamais au faîte de la montagne.