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Le « Taïwan Relations Act » et les illusions du statu-quo

La spectaculaire montée en puissance de la Chine.

Alors qu’à Taïwan devenue démocratique, la mouvance indépendantiste prenait de l’ampleur, abritant en son sein une faction prônant une rupture historique radicale, la Chine devenait la 2e économie et la 1re puissance commerciale de la planète, dotée de la 1re armée d’Asie.

Capable à la fois, grâce à sa marine, son aviation et au nombre de ses missiles balistiques, de dissuader les velléités d’indépendance de l’Île et de tenir à distance du Détroit l’aéronavale américaine ou, à tout le moins, de l’obliger à prendre des risques pour venir au secours de Taïwan en cas de conflit, le Continent se modernisait à une vitesse étonnante.

Réduisant de manière notable la pauvreté, aménageant son territoire de façon spectaculaire et ayant opéré en un temps record la bascule socio-démographique d’un pays agraire sous-développé vers une société modernisée à plus de 60% urbaine, la Chine conduit aujourd’hui, grâce à des transferts de technologies pas toujours légaux, objets de la vindicte de Donald Trump, des programmes scientifiques et de haute technologie dans les secteurs de la mécanique quantique, de la biologie médicale, de l’intelligence artificielle et de l’espace (exploration de la lune, station spatiale autonome et système de positionnement par satellite concurrent du GPS américain).

En économie, l’accélération de la croissance chinoise devint spectaculaire à partir de l’admission à l’OMC en 2001, moyennant quelques accommodements avec les règles du marché, initialement accordés à la Chine pour tenir compte des difficultés d’adaptation de son économie à l’ouverture.

Près de 20 ans plus tard, l’examen des faits, tels que la totale fermeture des marchés publics en Chine, alors qu’en Europe, ils sont à plus de 90% ouverts à la concurrence, oblige à dire qu’en dépit des discours de Pékin, le système chinois est resté largement protectionniste.

*

A l’extérieur, c’est en 2008, année de la spectaculaire réussite des JO de Pékin, que le régime commença à abandonner la discrétion stratégique prônée par Deng Xiaoping.

Exprimée après la secousse politique de Tian An Men qui fut une féroce reprise en mains politique imprimant une marque répressive jamais démentie depuis, la formule du « Petit Timonier » « 韬光养晦 – tao guang yang hui - » mot à mot « cachons nos “brillances“ et cultivons l’obscurité », communément traduite par « dissimulons nos forces, gagnons du temps », traduisait à la fois une prudence et la conscience des fragilités chinoises [1].

Justifiant les conseils de prudence de Deng, la période flamboyante des JO, coïncida d’ailleurs avec trois événements ayant instillé une profonde angoisse au plus haut niveau du sérail politique chinois, inquiet pour la pérennité du Parti. Ils expliquent en partie le durcissement intérieur qui suivit.

Soucis internes à la racine du durcissement chinois.

Circonstance rarement évoquées par les analyses occidentales spéculant de manière presque univoque sur la puissance chinoise et la menace qu’elle représente, sans jamais s’intéresser aux doutes agitant le Parti, la période de mars 2008 à juillet 2009, fut marquée par une succession de graves événements dont il est impossible de sous estimer l’effet de tension sur la sérénité du régime.

Les émeutes de Lhassa, du 14 mars 2008 entre les Tibétains et la Police qui se dilatèrent à de nombreux monastères, puis à plusieurs provinces au Gansu, au Qinghai et au Sichuan, protestaient contre la dégradation de la situation économique et l’afflux de migrants notamment de Hui musulmans. Elles provoquèrent la mort de plus de 400 personnes y compris des Tibétains réprimés par la police et allumèrent des protestations anti-chinoises partout dans le monde occidental, notamment à Paris lors du passage de la flamme olympique, le 7 avril 2008.

Le 12 mai, le tremblement de terre du Sichuan, (70 000 morts, près de 20 000 disparus et près de 400 000 blessés) et les émeutes des Ouïghour à Urumqi, le 5 juillet 2009 (197 morts dont 156 étaient des Han et près de 2000 blessés officiellement reconnus par Xinhua), continuent à hanter la conscience de la direction politique du régime et à influer sur ses stratégies intérieures et extérieures.

Au Sichuan, au milieu de la désolation des parents pleurant leurs enfants tués dans l’effondrement des écoles alors que nombre d’immeubles de l’administration étaient restés debout, le séisme de 2008 mit à jour la corruption de l’administration ayant triché sur la solidité des matériaux de construction des écoles, dénoncée par les familles en deuil qui, à ce moment, parlèrent « d’écoles en toufu -豆腐校舍 – toufu xiaoshe »

A elle seule, cette circonstance dramatique ajoutée à plusieurs autres telles que les violentes critiques des intellectuels fustigeant les prévarications de l’administration mettant l’accent sur la grande vulnérabilité du Parti, suffit à expliquer la violence de la lutte contre les corrompus déclenchée par le n°1 chinois en 2012.

Un an plus tard, le 5 Juillet 2009, au Xinjiang, la vindicte chargée de haine dont furent victimes les Han agressés par les Ouïghour musulmans, choqua lui aussi Bureau Politique. Elle initia l’accélération de la politique de peuplement de la province par les Han, la mise en place d’un très sévère quadrillage policier et une brutale répression contre les moindres suspects ouïghour envoyés en « rééducation » dans des camps établis par Chen Quanguo.

En récompense de ses succès articulés à la répression, assortie d’un efficace aide au développement au Tibet et au Xinjiang, Chen entra au Bureau Politique en octobre 2017, lors du 19e Congrès. Lire : Le Xinjiang sous la chape de « rectification. ».

Les trois circonstances révélant de graves fragilités internes, furent aussi à l’origine du raidissement chinois contre l’influence politique occidentale.

Forgeant, face à la menace idéologique de l’ouverture politique et de la transparence, un corpus de pensée néo-conservateur intransigeant et nationaliste, articulé aux racines multiples de la longue pensée chinoise, le durcissement se démarque clairement des valeurs occidentales que Xi Jinping, chapitré par son mentor Wang Hunning, considère comme nuisibles à l’épanouissement national et à l’esprit collectif.

Lire : Wang Hunning, l’architecte « du rêve chinois. » Par Théophile Sourdille. (IRIS).

Les succès, hésitations et contrefeux des « Nouvelles routes de la soie. »

Toujours à l’extérieur, 2013, fut, moins d’une année après l’accession de Xi Jinping à la tête de la Chine, le moment du lancement de la spectaculaire stratégie globale des « nouvelles routes de la soie , - 一个 经济带, 一个丝绸路 Yige Jingji Dai, Yige Sichou Lu - Une ceinture une route - », entreprise pharaonique de constructions d’infrastructures le long de l’ancienne route vers l’Europe, par les groupes chinois et projets d’aide au développement en Asie du sud-est, dans l’ancienne Asie Centrale soviétique, en Afrique, jusqu’en Amérique Centrale et en Amérique Latine.

Si les projets massivement appuyés par les finances chinoises soulèvent souvent les critiques occidentales d’aggraver la dette des pays en développement, en Afrique notamment, il est impossible de nier les vastes bienfaits de la coopération chinoise dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la formation professionnelle, des infrastructures de transports et des mines.

Si en Afrique, l’entreprise chinoise réussissait là où l’Occident n’a obtenu que des succès mitigés, le débat sur la puissance planétaire de la Chine serait clos.

En même temps, l’efficacité de la projection chinoise dans le monde apparaîtrait comme une remise en cause des principes universels de la démocratie, ce qui ne serait pas sans incidence sur le sort de Taïwan, comme on le verra plus bas.

*

En Europe, le mouvement qui, comme ailleurs se réclame des « caractéristiques chinoises » opposées aux valeurs occidentales de la démocratie, s’est traduit par 255 Mds de $ d’investissements depuis 2008 et le rachat de 360 groupes commerciaux et industriels, certains de haute technologie, d’autres pas, et la prise de contrôle de la gestion d’infrastructures de transport (ports et aéroports) [2].

A cette stratégie ciblant presque systématiquement des secteurs en difficulté, principalement dans le secteur des transports, de la Chimie et des technologies de pointe, il faut ajouter les efforts financiers de la Chine et de ses groupes de construction en direction de 15 pays d’Europe Centrale et orientale, à l’origine des soupçons de Bruxelles accusant Pékin de manœuvrer pour diviser l’UE. Voir la synthèse établie par Bloomberg : How China Is Buying Its Way Into Europe.

En mars dernier, réagissant à la vague chinoise la Commission européenne à adopté des mesures de contrôle des investissements étrangers et publié un communiqué sans ambiguïté qualifiant la Chine de « rival systémique », signifiant que les stratégies extérieures de Pékin avaient, au-delà des contentieux commerciaux, le potentiel de bousculer le paradigme socio-politique fondant l’épine dorsale de la marche des sociétés démocratiques de la planète.

Cette crispation européenne sur la question politique et culturelle, a également une influence directe que la question de Taïwan elle aussi aux prises avec la concurrence systémique du Continent.

La manière dont la Chine se projette désormais à l’extérieur enveloppe l’idée très nationaliste du « rêve 梦- meng - » et de la « renaissance - 复兴- fuxing - » de la Chine.

Elle est ponctuée par un discours où le Parti célèbre les qualités de « gouvernance » des « caractéristiques chinoises » et leur efficacité en matière de développement. Le 26 mars dernier, lors de la conférence de presse à Paris en présence d’E. Macron, A. Merkel, et J.C. junker, Xi Jinping a rappelé qu’en 40 ans, la Chine avait accompli autant que les nations développées en 3 siècles –

Note(s) :

[1Certains polémistes en Chine et hors de Chine réfutent l’idée que Xi aurait opéré une bascule à contre courant de la vision de Deng qui, connaissant les vulnérabilités du régime, considéra après Tian An Men que le temps de la modestie stratégique devait durer un siècle.

Il est difficile de définir le moment exact d’une volte-face stratégique de cette ampleur dont les racines plongent dans la longue modernisation chinoise. Pour autant, on ne peut pas manquer de souligner que la période des JO de Pékin coïncide avec l’entrée de Xi Jinping directement au comité permanent à l’automne 2007, lors du 17e Congrès du Parti. En mars 2008, il fut nommé vice-président alors qu’il était déjà en charge de coordonner l’organisation des JO.

[2Ces chiffres impressionnants par leur croissance depuis 2008, doivent cependant être mis en perspective. D’abord parce qu’en 2019, l’élan financier chinois s’est ralenti, ensuite parce que sur les 255 Mds de $ des statistiques, le seul rachat par Pékin du groupe suisse Syngenta en 2016 a compté pour 43 Mds de $ soit 17% du total ; enfin comparé au stock des investissements des États-Unis en Europe depuis 2000 (3500 Mds de $), l’effort financier chinois représente moins de 8%.


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