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Les longues stratégies chinoises dans l’Arctique

Routes arctiques et branle-bas chinois.

7 ans plus tard, Pékin se donnait les moyens de ses ambitions. Après le 19e Congrès en octobre 2017, la machine administrative opéra un resserrement de ses structures de recherche dédiées à la zone arctique en créant un “Bureau de l’arctique et de l’antarctique” directement sous la responsabilité du ministère des ressources naturelles.

Simultanément, deux départements nouvellement créés, également responsables du « droit de la mer » et des « fonds marins », reçurent la charge de superviser la mise en œuvre des « stratégies maritimes, sous-marines et polaires. ».

Le 26 janvier 2018, était rendu public le premier « Livre Blanc » sur la politique arctique de la Chine exprimant officiellement ses intérêts et ses intentions dans la région, résumés en 4 points. Tous étaient placés sous les principes de la protection de l’environnement et de la recherche scientifique, dans le cadre d’une coopération internationale renforcée où Pékin entend être clairement partie prenante :

1) Prendre part au développement des routes maritimes du pôle nord en encourageant ses entreprises à participer à la construction des infrastructures qui y sont liées ;

2) En liaison étroite avec les pays arctiques, avec le souci de préserver l’environnement, contribuer à l’exploration et à l’exploitation des ressources gazières, minières géothermiques et éoliennes ;

3) Explorer le potentiel des ressources halieutiques et militer pour en règlementer l’exploitation ;

4) Développer et règlementer le tourisme.

Dans ce document, utilisant pour la première fois officiellement le concept de « routes de la soie arctique » développées en coopération avec Moscou membre du Conseil arctique et tout à leur intention d’installer Pékin comme partie prenante légitime de la mise en valeur du pôle nord, les rédacteurs présentaient la Chine comme un « État proche de l’Arctique ». 近北極国

Stratégie de l’influence par la science.

En 2018, la mission navale scientifique chinoise dans l’arctique sous l’égide de l’institut océanographique n°1 chapeauté par le ministère des ressources minières, avait pour missions : 1) de jeter les bases d’un réseau chinois de stations d’observation de l’environnement et 2) de préparer l’installation d’une plateforme dédiée au stockage de données numérisées librement accessibles par le net sur l’état de la banquise, des océans et de l’atmosphère et dotée d’une capacité de prédictions météorologique par calcul mathématique.

Approfondissant la coopération chinoise avec les États de la région, le 18 octobre 2018 était inauguré un observatoire conjointement géré par la Chine et l’Islande à Karholl 300 km à l’est de Reykjavik. Fruit d’une coopération déjà ancienne, la station initialement prévue pour observer les aurores boréales, sera en charge de missions plus vastes, sur la climatologie, l’analyse des variations du champ magnétique dans la haute atmosphère, l’observation du soleil, de l’océan et de la banquise.

En investissant ainsi des moyens importants prodigués par l’Institut chinois de la recherche polaire dans des missions scientifiques et la collecte de données, Pékin affirme sa volonté d’être, malgré l’éloignement, intégré comme un État arctique à part entière.

Selon, Li Zhenfu directeur du centre de recherches polaires à l’université maritime de Dalian, il s’agit de se mettre en mesure de participer au « contrôle des routes du pôle nord reliant le Pacifique à l’Atlantique, en passe de devenir le nouvel axe de l’économie et des stratégies globales » où l’Institut de la recherche polaire prévoit que dès 2020 transitera 5 à 15% du commerce chinois.

S’ajoutant aux promesses de constructions d’infrastructures des « routes de la soie arctiques » en Norvège, en Islande, en Suède au Danemark et en Finlande, Pékin a aussi lancé une série de satellites d’observation du climat arctique, désignant la Chine comme un acteur important des questions écologiques et environnementales.

Exploration, constructions navales et transport maritime.

Les autres cartes maîtresses chinoises sont l’exploration arctique (depuis 1984, Pékin a conduit 30 expéditions polaires) et les constructions navales qui y sont dédiées avec, en septembre 2018, le lancement de Xuelong 2. Premier brise-glaces scientifique entièrement construit par la Chine, le navire jaugeant 14 000 tonnes sera capable de naviguer à 3 nœuds dans une banquise de 1,5 m d’épaisseur.

Plus encore, à l’été 2018, la presse ouverte chinoise laissait flotter la nouvelle d’une prochaine mise en chantier d’un brise-glaces nucléaire qui placerait la Chine au niveau de la Russie, seul pays opérant actuellement un brise-glaces à propulsion nucléaire.

Le potentiel de la zone attire aussi les initiatives dont l’affichage n’est pas officiellement étatique, mais dont on peut douter qu’elles soient entièrement privées.

Selon Xinhua, en 2017, la société « privée » de recherche océanographique « Rainbowfish – 彩虹鱼 – cai hong yu – spécialisée dans la recherche sur les fonds marins, a commandé un brise glaces baptisé « Hadal X » aux chantiers naval hollandais Damen Group.
En même temps, les chantiers navals chinois s’activent pour produire des navires commerciaux spécialement destinée à la navigation dans l’arctique.

Le 4 décembre dernier, les chantiers navals de Canton ont lancé le Boris Solokov, premier méthanier à coque renforcée à avoir été construit en Chine, dont les plans ont été dessinés par la société finlandaise Aker Arctic.

Livré à un armateur grec, le bâtiment, premier tanker de gaz liquéfié au monde à pouvoir naviguer dans les glaces, est dédié au projet gazier russe de Yamal, où est également investi le Français Total et que Pékin, présent par CNPC et le fonds des routes de la soie, a intégré dans ses projets de « routes de la soie arctique ».

Le tanker fait partie d’une série classifiée selon des normes internationales qualifiant la capacité des navires à évoluer dans des zones encombrées de glaces. Classé « Arc-7 », dans une échelle allant de « Arc-4 » à « Arc-9 » le Boris Solokov est ainsi capable de naviguer dans l’arctique à toutes les périodes de l’année.

*

Selon Trym Aleksander Eiterjord étudiant à l’Université d’Oslo, à l’origine de la plupart des informations de cette note, le transport maritime chinois augmente la fréquences ses passages dans l’arctique.

En 2018, les navires de COSCO, 3e armateur mondial devant CMA-CGM, derrière le Danois Maersk et l’Italo-suisse MSN, ont effectué 8 transits dans l’Arctique. Trois des navires étaient les vaisseaux à capacité arctique dont s’est doté COSCO en 2017 et 2017 : le « Tian Hui », le « Tian You » et le « Tian En ».

Construits à Shanghai, ils sont les premiers bâtiments commerciaux spécialement dédiés à la navigation arctique.Au même moment avaient lieu à Pékin 2 conférences organisées, l’une par l’agence chinoise de sécurité maritime, l’autre conjointement par des chantiers navals et l’Institut polaire. Séminaires d’échanges entre chercheurs et constructeurs navals, ils avaient pour but d’identifier et de promouvoir les progrès des capacités de navigation chinoises en zone polaire.

Le 3 octobre 2018, la Chine a également signé à Ilulissat, au Groenland avec 9 autres pays (Canada, Danemark, Groenland, Islande, Japon, Corée du sud, Norvège, Russie, États-Unis, UE) un moratoire interdisant la pèche dans l’Arctique pendant 16 années.

A cette occasion, ayant depuis 2016 dépassé la querelle sur le prix Nobel attribué à Liu Xiaobo (voir la Note de contexte), les représentants chinois et norvégiens eurent un échange sur le maintien du traité de Svalbard qui, entre autres, autorise les signataires à se livrer à des activités commerciales sur l’archipel et dans les eaux adjacentes.

D’autres échanges avec les interlocuteurs majeurs de la zone eurent lieu, notamment la Finlande où le président Xi Jinping s’est rendu en 2017. La visite officielle du n°1 chinois faisait suite à celle à Pékin de Borge Brende, le MAE norvégien en 2016, qui marqua la réconciliation entre Oslo et Pékin.

L’ensemble de ces stratégies justifie amplement la conclusion du Livre Blanc. Faisant la promotion des « solutions chinoises » pour faire face aux défis de la région par le moyen des « routes de la soie arctique » - concept à tout faire englobant toutes les politiques extérieures chinoises -, il affirme que Pékin est passé du statut d’observateur à celui de membre actif.


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