›› Lectures et opinions
Une réminiscence douloureuse à l’aune de l’actualité.
Les souvenirs enregistrés de Zhao Ziyang ne sont pas seulement une évocation historique. Ils sont aussi le miroir de la Chine moderne, brandi par un réformateur dont le cœur est resté ancré dans l’idéologie d’ouverture, viscéralement opposé à la répression et au contrôle de la société.
Les idées exprimées sur la démocratie à l’Occidentale qu’il appelle de ses vœux pour la Chine et consignées sur une trentaine de bandes magnétiques entre 2000 et 2005, sont à l’évidence influencées par l’actualité du monde et la situation dégradée de l’équité et de la justice en Chine. On peut douter qu’en 1989, Zhao les avaient formulées aussi clairement, d’autant qu’il était lui aussi membre d’une oligarchie à bien des égards coupées des réalités et très inquiète d’une possible contagion des événements en Union Soviétique.
Elles n’en constituent pas moins un repère d’autant plus dérangeant pour le Parti qu’elles rattachent les débats du présent à une catastrophe politique provoquée par l’obsession maladive du contrôle, dont les symptômes réapparaissent depuis 2008.
Comme beaucoup de chercheurs des grands « Think Tanks » officiels qui dénoncent aujourd’hui les blocages du système, les déséquilibres et des injustices, Zhao nous explique qu’en 1989, il estimait déjà que seule une ouverture politique serait de nature à éliminer les principales tares qui freinaient la modernisation de la Chine.
« Un pays qui souhaite se moderniser ne doit pas seulement mettre en œuvre l’économie de marché, il doit aussi adapter son système politique aux principes de la démocratie parlementaire, qui, à ce jour, est le meilleur des systèmes politiques existants. S’il ne le fait pas, l’objectif d’une économie de marché vigoureuse et moderne restera hors de portée » (…) « De même, au lieu de construire une société gouvernée par l’état de droit, la Chine sera confrontée à la situation de nombreux pays en développement, polarisée entre les riches et les pauvres et où règne une corruption rampante. »
Lisant ces phrases, on ne peut que constater que, dans la Chine d’aujourd’hui, nombre d’activistes – à commencer par le prix Nobel de la paix, Liu Xiaobo – ont été condamnés ou sont tenus au secret et harcelés, pour avoir précisément tenu le même discours que Zhao Ziyang.
Dans le même temps, les rappels à l’ordre, les mises en garde des intellectuels et des chercheurs, accompagnés par les effervescences spontanées du net, témoignent que le système n’est pas monolithique et que les forces de l’ouverture restent à l’œuvre.
Aujourd’hui, dans le sérail politique, la répression de Tian An Men reste la référence négative et le repère d’un dérapage qu’il convient absolument d’éviter. C’est pourquoi le Parti est tellement obsédé par la stabilité sociale et la prévention, dont la condition reste, selon lui, le contrôle étroit de la société.