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›› Politique intérieure

Ouverture financière et contrôle politique

Alors qu’à Washington, le Conseiller économique de Trump opposé à « la guerre des taxes » a démissionné, Yi Gang, le nouveau Directeur de la banque centrale formé aux États-Unis, réagissant aux critiques européennes et américaines stigmatisant l’absence de réciprocité du marché chinois, a, lors de son premier discours officiel au forum de développement de Pékin, le 25 mars, promis d’ouvrir le secteur financier de manière progressive et contrôlée.

L’annonce faisait suite aux promesses de Xi Jinping du 19e Congrès de mieux accueillir les investisseurs étrangers. Un mois plus tard, le régime promettait de hausser d’ici 3 ans les limites des investissements venant de l’extérieur de 49% à 51% du capital des coentreprises.

Le tout était entouré d’une analyse prudente des priorités chinoises par Yi Gang « Nous avons 3 objectifs majeurs » a t-il dit : « 1) mettre en œuvre une politique monétaire prudente (comprendre trouver le juste milieu entre la relance monétaire et la rigueur) ; 2) promouvoir les réformes financières et l’ouverture ; 3) gagner la bataille des risques financiers. »

Un gouverneur sous contrôle.

Mais le discours de Yi Gang, protégé du très médiatique et très respecté Zhou Xiaochuan qui fut le président de la banque centrale durant 16 ans (le plus long mandat depuis la fondation de la République populaire), exprimait surtout la prudence politique d’un homme dont la marge de manœuvre est surveillée par Liu He, proche du président, grand maître des stratégies macroéconomiques et Guo Shuqing, 61 ans.

Ce dernier, ancien de l’Académie des Sciences Sociales et du Centre de recherche du Conseil d’État quand il était aux ordres de Liu He, est aujourd’hui le tout nouveau Président et Secrétaire du Parti de la Commission des Banques et des Assurances créée après le démantèlement de l’ancienne Commission des assurances suite à la mise au pas des assureurs et dont l’ancien président, Xiang Junbo était tombé pour corruption il y a tout juste un an. Lire : Moody’s dégrade la note de la Chine, mais juge les perspectives chinoises « stables »

Le nouvel environnement du secteur financier dont on voit qu’il est politiquement très contraint, incite à considérer les promesses d’ouverture à terme avec circonspection, d’autant que le contrôle exercé par les réseaux bancaires chinois sur l’épargne, principale cible des éventuels acteurs étrangers et étroitement surveillée par le régime, constitue une barrière difficile à surmonter.

L’incontournable puissance des banques publiques.

Une récente étude de Andrew Polk, cofondateur de Trivium China, Centre de recherche basé à Pékin, confirme que le paysage financier chinois laissera peu de place aux étrangers. Autrement dit, l’ouverture sera d’autant plus vaste que, politiquement et techniquement le contrôle de l’épargne chinoise est à ce point assuré qu’une libéralisation progressive du marché ne pose pas de risques politique.

La domination des banques chinoises est en effet telle sur le marché intérieur qu’aucune institution financière étrangère ne sera capable de se mesurer avec elles. Si on se souvient que les 4 plus grandes banques de la planète en termes d’actifs (11 900 Mds de $ au total) sont chinoises, directement contrôlées par le Parti, on mesure la puissance financière de la Chine face à un marché mondial éclaté entre les banques européennes américaines et japonaises dont la somme cumulée des actifs est à peine égale à celle des banque publiques chinoises (11 800 Mds de $).

Aujourd’hui, sur le marché chinois, les banques et institutions financières étrangères détiennent à peine plus de 1% des actifs bancaires, contre 36%, contrôlés par les 5 plus grandes institutions publiques chinoises. Leurs revenus n’atteignent même pas 1% des revenus financiers annuels, à peine 5% des revenus annuels de la seule banque de l’industrie et du commerce (中国 工商银行).

La peau de chagrin laissée aux étrangers

De cette situation où la part étrangère sur le marché financier chinois est infime, on peut d’ores et déjà déduire que l’ouverture décidée par Pékin relèguera les institutions étrangères à une fraction accessoire. Andrew Polk ajoute que la domination des banques publiques sur le marché n’est pas que quantitative. Elles tirent aussi avantage de l’imbrication du système financier et du tissu industriel, marquée par un très efficace partage croisé des actions détenues par les financiers et les industriels chez les uns et les autres.

Ce système de toile d’araignée financière et industrielle, outil macro-économique aux mains du Parti qui contrôle à la fois la production, la distribution et les marchés, fait même tâche d’huile à l’étranger par le truchement des « nouvelles routes de la soie ».

Le dernier handicap des financiers étrangers en Chine réside dans la maitrise des métadonnées. Le régime se prépare à promulguer une nouvelle loi sur la cyber sécurité ciblant les flux d’informations et la protection des données individuelles, – selon la phraséologie du Parti « la sécurité de l’infrastructure d’informations sensibles - 关键 信息 基础 设施安全 保护 - , dont le but affiché est de contrôler l’information des secteurs clés dont la finance fait partie.

*

En bref, le régime chinois qui redoute l’implication politique d’une ouverture de son marché financier, est en train de mettre en place une série d’obstacles dont le but est de réduire notablement la marge de manœuvre des institutions étrangères. La même stratégie est à l’œuvre dans le secteur des paiements en ligne.

L’accès d’Apple Pay ne fut autorisé qu’en 2016, seulement après que WeChat et Alipay se soient assurés le contrôle total du marché et à la condition que Apple accepte de s’associer avec Union Pay, le système de paiement en ligne contrôlé par l’État, n°1 mondial des paiements par carte en volume.


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