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›› Editorial

Quelle menace chinoise ?

L’image de la Chine change. Son influence s’affirme. Les inquiétudes persistent.

En Asie et partout ailleurs dans le monde, du Moyen Orient en Amérique du Sud en passant par l’Afrique, l’Asie Centrale et l’Asie du Sud, la Chine affirme ses ambitions économiques et stratégiques, se taille de nouvelles parts de marché, commence à faire peser sa puissance financière, influence les prix de l’énergie, sécurise sans états d’âme ses approvisionnements et conteste les approches occidentales dans le tiers monde, dessinant progressivement l’image d’un Etat puissant et influent sur la scène internationale. Au total la Chine s’affirme dans plusieurs régions du monde comme une alternative à l’hégémonie américaine et aux exigences morales de l’UE attachée aux critères de « bonne gouvernance ». Plus encore, Pékin s’est aujourd’hui construit une réputation de négociateur capable d’apaiser les tensions en Corée du Nord dans le cadre du dialogue à six qu’elle porte à bout de bras, tandis qu’avec celle de la Russie, la position de Pékin sur la question iranienne constitue un contrepoids à Washington et aux pressions occidentales.

Enfin, à propos de Taiwan, la Chine a réussi en faire accepter par tous le consensus d’une seule Chine et à isoler l’Ile, jouant ça et là de l’idée à la fois effrayante et aberrante d’un conflit militaire dans le Détroit. Au point que la quasi totalité des pays, les Etats-Unis d’abord, qui sont les premiers concernés, puis récemment l’UE, qui s’aligne sur les déclarations de l’ONU se retrouvent pour rejeter les initiatives identitaires à tendance séparatiste du pouvoir à Taiwan. Le résultat est que face aux craintes d’une agression militaire chinoise dont personne ne veut, conséquence d’un dérapage indépendantiste de Taiwan, Pékin a réussi à se présenter comme le garant de la sécurité dans la zone.

Au fond la Chine monte en puissance à sa manière, qui, selon l’expression de François Godement, n’est ni hégémonique, ni totalement « douce » ou consensuelle. Peut-être est-ce là une des difficultés de sa relation avec l’Occident, le Japon, l’Inde et quelques autres, notamment en Asie du Sud-Est : devenue un acteur de plus en plus pertinent de la scène du monde, elle prend sa place sans donner de leçons aux autres, en évitant de présenter l’image omniprésente et prosélyte d’un pays qui endosse le fardeau de la sécurité du monde, en la confondant avec la sienne. Mais, en même temps, elle donne l’impression de défendre ses positions et ses intérêts de manière inflexible, avec une bonne dose de machiavélisme, jouant à l’occasion de pressions et de menaces, parfois militaires. L’augmentation insistante du budget de la défense renforce ces impressions et nourrit les incessants débats sur la menace chinoise.

Au lieu de continuer à se plaindre de la Chine ou à la craindre, peut-être vaudrait-il mieux tenter de l’associer au ce grand projet global qui consisterait, refusant de céder aux pathologies nationalistes et à force de concessions réciproques, à éloigner les grandes catastrophes que prédisent les Cassandre, pour sauver la planète. Associer la Chine aux projets de survie du monde est d’autant plus nécessaire qu’à bien des égards ce pays gigantesque et surpeuplé souffre de la plupart des déséquilibres qui plombent notre avenir : pollution, tensions sur la démographie, sur les ressources, sur l’eau, tensions migratoires, problèmes ethniques et culturels, débat sur le mode de gouvernement et la corruption, sur l’éducation et la santé des masses, sur la lutte contre les grandes endémies et les écarts de revenus.

Pour convaincre les autres d’endosser nos idéaux, encore faudrait-il balayer devant notre porte et se souvenir de deux réflexions de Thucydide dessinant les limites de l’exercice qui réclame à la fois générosité et fermeté : « répéter qu’un conflit est inévitable contribue à le déclencher » et « Il est dans la nature des hommes d’opprimer ceux qui cèdent et de respecter ceux qui résistent ».


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• Vos commentaires

Par Camille Le 17/03/2008 à 03h35

Quelle menace chinoise ?

Depuis 5 ou 6 ans que je vous lis, je prends toujours autant de plaisir devant vos analyses.
Replacer les choses dans leur contexte n’est pas toujours bien fait de la part des journalistes « generalistes », qui ne peuvent pas non-plus tout savoir sur tout.

Tres bon article et bonne analyse a mes yeux.

Poursuivez autant que possible !

Par Anonyme Le 17/03/2008 à 21h50

Quelle menace chinoise ?

La réputation de qualité et d’objectivité de ce site n’est plus à faire. Ses analyses en font dorénavant une référence.

C’est pourquoi, je trouve qu’il serait opportun, quand vous parlez des :
dérives indépendantistes de Taiwan, ou des conséquence d’un dérapage indépendantiste de Taiwan, de placer les mots, tels que « dérives » et « dérapages », entre guillemets.

Ce vocabulaire est en effet celui de Pékin, ou des stratèges américains, pas forcément celui de l’impartialité analytique, étudiant des évolutions pouvant se réaliser dans un contexte démocratique.
Ceci n’est donc pas à la hauteur de vos mises en perspectives judicieuses concernant la RPC.
Bonne continuation

EB

Par FD Le 18/03/2008 à 07h46

Quelle menace chinoise ?

La remarque de notre lecteur EB est judicieuse car en effet les mots sont importants et il est nécessaire d’en expliquer le contexte ou d’en analyser l’origine. Elle donne également l’occasion de fouiller un peu plus la question. La notion de « dérive » qui véhicule un sens péjoratif est en effet le langage de Pékin et parfois celui des Etats-Unis, quand ces derniers craignent de se trouver entraînés dans un conflit avec la Chine. Il y a en effet dans l’accession à la présidence une « dérive » par rapport à une norme définie comme correcte par le PCC. Car en effet l’éloignement de l’Ile participerait d’une perte de légitimité politique du pouvoir à Pékin et pourrait être le prémisse à d’autres séparatismes. Mieux aurait valu en effet parler d’une « évolution ». Au passage celle-ci est réelle en dépit des discours de tout le monde (Chine, Etats-Unis, KMT, communauté internationale), dont l’objet principal est d’apaiser les tensions, qui spéculent sur l’existence d’un statu quo. Aucune situation stratégique ne peut être enfermée dans un concept d’immobilisme.

Les changements sont toujours à l’œuvre qu’ils soient visibles, souterrains ou potentiels. C’est précisément parce qu’on n’a pas su les détecter, qu’on les ignore ou qu’on les met sous le boisseau que surgissent les surprises stratégiques. Quant au « dérapage », on peut objecter à la remarque de EB qu’une déclaration d’indépendance serait effectivement un « dérapage » au sens où ce mot évoque un « mouvement brusque » par rapport à une direction établie et pouvant avoir des conséquences néfastes. Non seulement Pékin, mais également le KMT, les Etats-Unis, l’UE et l’ONU considèrent qu’une déclaration d’indépendance unilatérale de Taiwan serait une « embardée » dangereuse. Selon toute vraisemblance cette idée est partagée par une majorité de Taiwanais, même si ces derniers développent une « conscience identitaire » de plus en plus forte. On objectera que ce consensus est forcé car il est le résultat des menaces militaires chinoises. S’il est vrai que ce facteur joue probablement, il n’est pas certain qu’il soit le seul. En dépit des problèmes politiques, conséquences de la guerre civile, les liens - pas seulement commerciaux - qui se tissent aujourd’hui entre les deux rives sont de plus en plus forts, dans un contexte de forte communauté culturelle à laquelle il ne fait aucun doute que les Taiwanais sont sensibles.

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