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La crainte du militarisme japonais...
En réalité la Chine voit dans l’émancipation du Japon une remise en question de son magistère en Asie. Aujourd’hui elle dénonce, en les assimilant à une résurgence militariste, les menées des conservateurs qui soutiennent Shinzo Abe, le nouveau Premier Ministre, dont le grand-père maternel était Nobosuke Kishi, ministre de l’industrie et du commerce de l’Amiral Tojo.
Ce dernier, d’abord emprisonné par les forces d’occupation après la guerre, devint Premier Ministre en 1957. Héritiers de la mouvance politique, dont l’influence rémanente fut illustrée par la « résurrection politique » du grand père de Shinzo Abe, les conservateurs d’aujourd’hui continuent à proposer la réforme de l’article 9 de la constitution et l’élargissement du rôle des forces d’auto-défense, désormais chapeautées par un véritable ministère de la défense.
Après les essais de missiles au-dessus de la mer du Japon et le test nucléaire nord-coréens en 2006, le même courant de pensée a lancé un débat sur l’acquisition par le Japon de l’arme nucléaire et l’adoption d’une stratégie de frappes préventives contre Pyongyang.
Enfin, encore plus inquiétant pour les observateurs chinois, l’entourage de Shinzo Abe, qui s’était lui-même rendu au temple Yasukuni, peu de temps avant son accession au poste de PM, entreprend depuis 2004 à l’initiative de l’actuel ministre des Affaires étrangères Taro Aso [4], une action de « lobbying » pour convaincre l’Empereur de reprendre ses visites au mémorial [5].
On comprend que, dans ce contexte psychologiquement très compliqué, où les sentiments et l’irrationnel prennent le pas sur les intérêts concrets des deux pays et où les provocations nationalistes japonaises répondent au raidissement chinois arc-bouté, le PM Wen Jia Bao prépare son voyage avec beaucoup d’appréhension, tant la relation avec le Japon est chargée de symboles lourds de sens pour l’identité de la Chine, pour sa fierté historique, comme pour sa place en Asie.
...et la persistance des émotions négatives.
Ainsi plombée, la cohabitation des deux pays ne pourrait s’améliorer que si Tokyo et Pékin parvenaient à s’extraire du cercle vicieux des non-dits et des sentiments négatifs qui vont de la méfiance à la haine en passant par la crainte et le mépris. Il y faudrait beaucoup de patience, un peu moins d’arrogance, moins d’arrières pensées et d’ambitions nationalistes. Il y faudrait surtout beaucoup plus de générosité. C’est ce qui manque le plus, lorsque les hommes s’arc-boutent à leurs peurs et à leurs frustrations, que, parfois, ils appellent « nationalisme ».
Note(s) :
[4] Au printemps 2006, Taro Aso avait déjà soulevé la fureur des Chinois en suggérant que Taiwan était « un état de droit, dont le niveau d’éducation était élevé grâce à la colonisation japonaise ».
En 1997, la même mouvance avait fait intégrer l’Ile dans la zone d’intérêt stratégique nippo-américaine de défense de l’Archipel.
[5] La dernière visite impériale au sanctuaire date de 1975, par l’Empereur Hirohito, père de l’actuel souverain qui ne s’y est jamais rendu lui-même. La probabilité pour qu’il reprenne ses visites est faible, en dépit des efforts des conservateurs.