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›› Technologies - Energie

Risques imminents de fragmentation du paysage global des hautes technologies

La longue marche chinoise vers l’indépendance technologique.

Désormais, l’obsession de Huawei est d’éliminer les composants américains. Le groupe affirme notamment avoir réussi à concevoir une station 5G entièrement chinoise.

Il reste que l’indépendance totale est difficile. Les entreprises technologiques chinoises continuent d’utiliser des micro-processeurs d’origine américaine fabriqués par Intel et AMD. Il y a peu d’alternatives.

Le leader chinois des superordinateurs, Sugon - 中科曙光 engagé dans la R&D pour un micro-processeur chinois a, l’an dernier, été placé sur la liste de l’embargo américain, ce qui a provisoirement mit fin à sa capacité de produire de manière indépendante des micro-processeurs nationaux.

Mais l’interdépendance affaiblit une riposte coordonnée États-Unis - Europe. Nombre de groupes européens continuent à fabriquer leurs produits en Chine pour le marché international, y compris les premiers concurrents de Huawei, Nokia et Ericsson. En riposte aux pressions américaines, Pékin menace, on l’a vu, les Européens de réduire leur accès au marché chinois.

A ce stade des surenchères, on ne peut manquer de s’interroger sur la suite.

Jusqu’où ira la guerre de tranchées ? La Commission de contrôle américaine des investissements étrangers aux États-Unis annulera-t-elle encore plus de fusions et acquisitions en se fondant seulement sur les noms à consonance chinoise apparaissant sur les documents ?

Jusqu’où ira la psychose inquisitrice du ministère du commerce traquant les composants chinois sur les « Sofware Bill of Materials – SBOM - » [3] ? Et quelle quantité de logiciels d’origine chinoise sera tolérée ? Enfin est-il possible de déplacer hors de Chine tout ou partie des chaînes de fabrication des imprimantes 3D et des robots industriels ?

Les interrogations renvoient à une crainte. Celle de la fin d’un cycle marqué par l’arrêt brutal, encore accéléré par la crise du coronavirus, de 30 ans d’optimisation de la chaîne d’approvisionnement technologique en Chine et en Asie.

Les adeptes du contrôle des nouvelles technologies selon les critères de préférence nationale, sont légitimement préoccupés de sécurité. Mais ils devraient avoir conscience des implications d’une exacerbation des rivalités sur les relations Chine – États-Unis, sur le secteur global des hautes technologies et sur l’économie globale.

Le pire serait une rupture radicale des chaînes d’approvisionnement, un exode des entreprises technologiques américaines vers des refuges offshore et l’émergence d’au moins deux écosystèmes technologiques distincts, peut-être trois, selon le déroulement des événements en Europe.

Alors qu’à partir d’un certain niveau technologique, les entreprises seraient forcées de choisir leur camp, le cloisonnement national réduirait la taille des marchés en partie fermés aux entreprises issues des pays « non fiables », et freinerait brutalement les investissements et l’innovation.

Nous n’en sommes pas encore là. Le futur dépendra de la capacité américaine de compromis entre l’obsession de « pureté technologique » et la nécessité de garder ouverts les marchés, les flux des investissements et des échanges. Ajoutons que la capacité chinoise d’inspirer confiance sera le point clé.

Note de contexte.

Cité par la « Lettre de Léosthène », le 5 avril 2019, Henri Tallon, responsable de la communication de Nokia, exposait les avantages et les défis sécuritaires posés par l’interconnexion tous azimuts. « La 5G a été conçue dès sa naissance pour connecter des « objets » de natures diverses, rendant l’Internet of Things (IoT) mobile et accessible en masse.

Ainsi, les véhicules seront reliés entre eux, les villes deviendront intelligentes, chaque habitation hébergera une immense diversité d’objets connectés, l’humain lui-même deviendra connecté grâce à l’introduction de capteurs portables. ». (…) « La 5G constituera donc le système nerveux d’une économie numérique mondiale en donnant aux hommes et aux femmes un plus grand contrôle sur leur vie, automatisant les taches routinières afin d’améliorer leur productivité et leur qualité de vie. »

Mais Tallon identifiait deux types de risques posés par la connectivité générale et le transit systématique des données via les réseaux mobiles : « Le premier est la possibilité pour une organisation malveillante de perturber de manière significative le fonctionnement d’un pays ou d’une société. Le deuxième est celui du vol de données et de l’espionnage ». (…) Il est techniquement faisable pour celui qui en fournit l’infrastructure d’en surveiller, voire d’en capturer leur contenu ».

Pour lui, la menace chinoise est réelle : « En 20 ans le paysage de l’industrie des télécommunications a été totalement chamboulé par l’arrivée de méga sociétés chinoises, telles que Huawei et ZTE. Simultanément les champions nationaux tels que le Français Alcatel, l’Américain Lucent, l’Allemand Siemens, le Canadien Nortel, l’Anglais Marconi et bien d’autres ont disparu. En même temps de nombreux emplois à très forte valeur ajoutée ont été détruits. »

Note(s) :

[3SBOM (Software Bill of Materials) : s’apparentant à la liste des ingrédients inscrite sur l’emballage d’un produit alimentaire, elle oblige les fabricants à répertorier l’origine des composants logiciels.


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Par Jacqueline MEUNIER Le 2/03/2020 à 10h49

Risques imminents de fragmentation du paysage global des hautes technologies.

Tous les états qui font appel à des équipements de haute technologie non fabriqués sur leur territoire risquent autant l’espionnage et/ou le sabotage de leurs installations par les États-Unis que par la Chine.

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