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Trombe diplomatique chinoise en Asie du Sud-est

En Birmanie, Pékin opte pour le pragmatisme.

Ce grand tour de la Chine dans les pays de l’Asie du Sud-est qui forment l’arrière cour ancestrale de la Chine ne serait pas complet si on ne rappelait pas la rencontre entre Li Keqiang et le Président Birman Thein Sein, le 2 septembre dernier à Nanning. Le fond de tableau est que dans ce territoire stratégique pour Pékin qui relie par oléoduc la province du Yunnan au Golfe du Bengale, qui court-circuite le détroit de Malacca et le long contournement par la Mer de Chine, l’influence chinoise est en perte de vitesse depuis que le pays a donné des signes d’ouverture politique, ce qui a permis le retour en force de l’influence occidentale et notamment américaine.

Depuis cette bascule, les investissements chinois dans le pays se sont sévèrement contractés, plus ou moins échaudés par le changement politique et les protestations de la société civile contre les grands projets hydroélectrique ou miniers, notamment la mine de cuivre de Letpadaung à l’arrêt depuis un an et le barrage de Myitsone où la Chine a investi 3,6 Mds de $ et dont la construction est stoppée depuis 2011.

A quoi s’ajoute une situation fragile le long des 2210 km de frontière commune, compliquée par des problèmes ethniques et des réminiscences de l’histoire chaotique des armées privées dont une partie avait autrefois été financée par la Chine. Il n’y a pas si longtemps elles étaient la bête noire de la junte militaire qui exerçait régulièrement contre elles des répressions sauvages. La situation est d’autant plus sensible pour Pékin que les zones frontières à l’est de Mandalay comptent une forte densité de Chinois, commerçants récemment émigrés et de Birmans d’origine chinoise, héritiers des immigrations ayant suivi la chute des Ming (XVIIe siècle).

Face a cette situation embrouillée, mais consciente des enjeux stratégiques que représente le pays, Pékin fait contre mauvaise fortune bon cœur et est déterminé à redresser son influence mise à mal. Le Bureau Politique accueille la compétition avec l’ouest et le changement politique comme « une opportunité » ; il s’efforcera de réduire les effets pervers de son emprise sur le pays, fera effort sur la qualité des diplomates et chapitrera ses investisseurs chaque fois que nécessaire.

Il faut se persuader que son action, inscrite dans le long terme, articulée autour de ses intérêts et d’enjeux cruciaux ne déviera pas de sa ligne. Il ne fait aucun doute que cette méthode qui fait assez peu de cas des émotions occidentales, attisées par des analyses à viseur unique, s’imaginant que les relations internationales dans la zone est un jeu à somme nulle, finira par porter ses fruits.

Alors qu’il y a peu la Chine accusait la société civile et l’opposition de faire cause commune avec la junte, elle se dit aujourd’hui prête à dialoguer avec toutes les tendances, y compris la Ligue Nationale pour la Démocratie. Lors de sa visite au parlement européen le 23 octobre dernier pour recevoir le prix Sakharov que les députés lui avaient décerné en 1990, Aung San Suu Kyi a fait une analyse très pragmatique des relations entre son pays et la Chine, s’abstenant soigneusement de critiquer le régime de Pékin, tout en exhortant les parlementaire à continuer à faire pression sur les dirigeants de son pays.

Au passage, il est étrange que, parfois, certains donneurs de leçons occidentaux se permettent toute honte bue de critiquer la sagesse d’une femme qui a sacrifié sa vie pour son pays, y compris en prenant d’importants risques pour sa sécurité. Voir la vidéo de l’attribution du prix Sakharov à la Dame de Rangoon par le parlement européen à Strasbourg le 22 octobre 2013
https://www.youtube.com/watch?v=dF7eePR9aJo

Manille ostracisé.

L’optimisme chinois véhiculé par cette bourrasque diplomatique qui a pris des allures de contre attaque contre la bascule vers l’Asie décidée par les Etats-Unis en 2012, est cependant nuancé par le différend majeur entre Pékin et Manille où, sans le dire, les Etats-Unis prennent fait et cause pour leur allié philippin qui – c’est une première historique - a engagé une procédure légale contre la Chine devant la Cour Internationale sur le droit de la mer, entre autres, à propos des tensions autour des récifs de Scarborhough.
Lire notre brève Chine - Philippines, arbitrage de la Cour Internationale sur le Droit de la mer.

Durant toute cette période de tourbillon démocratique né dès la prise de pouvoir de la nouvelle équipe en mars et qui vient de se conclure par la participation des deux têtes du Comité Permanent à 2 sommets internationaux et leur visite à 4 pays de l’Asie du Sud-est en moins d’une semaine, Pékin a ostensiblement boudé Manille. Le Bureau Politique et la part nationaliste de l’opinion prompte à se mobiliser sur les questions de souveraineté en Mer de Chine du Sud, perçoivent cette initiative des Philippines comme comme un crime de « lèse majesté ».

En septembre dernier, Pékin avait fait savoir au Président Benigno Aquino qu’il n’était pas le bienvenu à Nanning à la foire commerciale annuelle des pays de l’Asie du Sud-est, après qu’il ait refusé de retirer sa plainte. Le ministre des Affaires étrangères Wang Yi a soigneusement évité l’étape de Manille lors de ses voyages au printemps et à l’automne 2013.

Selon Paul Reichler avocat américain du Cabinet Foley Hoag mandaté par les Philippines pour les représenter à la Cour Internationale, compte tenu que la Chine a décidé de ne pas participer au procès, le jugement pourrait intervenir entre avril et octobre 2014. Selon lui, les revendications chinoises sur trois des récifs des Spratlys et sur celui des Scarborough sont infondées – car il ne s’agit pas d’îlots - et Manille pourrait obtenir satisfaction. Interrogé par le Wall Street Journal Reichler estime que la Chine attachée à son image de puissance douce et anti-impérialiste pourrait se conformer au jugement, comme c’est le cas dans 95% des jugements rendus par la Cour. Il faudra cependant que le Parti accepte les dégâts causés à son image en interne. Ce qui est loin d’être évident.


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