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›› Editorial

Un Comité Permanent d’attente et de transition

Les réformes politiques attendront.

A part Xi Jinping et Li Keqiang, dont la nomination était attendue, les hommes nouveaux nommés au sommet du Parti sont en effet plutôt âgés. La moyenne d’âge de Zhang De Jiang, Yu Zhengsheng, Liu Yunshan, Wang Qishen et Zhang Gaoli est de 65 ans, ce qui signifie qu’aucun d’entre eux n’accomplira un deuxième mandat. En 2017, le couple Xi Jinping – Li Keqiang devra donc continuer sa route avec une équipe entièrement renouvelée. Lire les biographies de Xi Jinping, « le pragmatique, consensuel et manœuvrier » et Li Keqiang, « Le juriste lucide et réformateur ».

Par ailleurs, parmi les 5 nouveaux promus du Comité Permanent, seul Yu Zhengsheng, proche de Jiang Zemin, a parfois milité pour un renforcement de l’état de Droit, en même temps qu’il a toujours affirmé son attachement aux lois du marché. Il n’a cependant jamais rien proposé de concret pour faire progresser le Parti dans la direction de l’indépendance de la justice ou conférer aux assemblées le pouvoir de contrôler les politiques publiques. Lire notre article « Coup de projecteur sur le futur pouvoir central chinois. 2e Partie ».

Wang Qishan, nommé à la tête de la commission de discipline du Parti en charge de la lutte contre la corruption, et Zhang Gaoli appartiennent au mouvement des réformateurs économiques. Egalement fidèles de Jiang Zemin, ils militent pour une réforme financière et se disent, eux aussi, attachés aux lois du marché, mais sont restés muets sur les réformes politiques. Mais l’affectation de Wang à la Commission de Discipline lui ôtera une part de son influence. Zhang Gaoli, n’a pas le même niveau de compétence que Wang et est même connu pour avoir accumulé les dettes et multiplié les projets d’infrastructures superflus à Tianjin. Lire nos articles « Coup de projecteur sur le futur pouvoir central chinois. 1re Partie » et « Coup de projecteur sur le futur pouvoir central chinois. 2e Partie ».

Quant à Zhang Dejiang qui remplaça Bo Xilai à Chongqing, et fut, dans les années 80, formé à l’économie en Corée du Nord, à l’Université Kim Il Sung, il est adepte des grandes entreprises publiques, des monopoles et de la planification d’état et se méfie du marché. Lors de son passage à la tête de la province de Canton, il s’était clairement montré hostile à l’ouverture politique, au point que son mandat dans la province du sud fut marqué par de constantes échauffourées avec les journalistes plus indépendants du sud de la Chine et notamment ceux de l’hebdomadaire Sud magazine, Nanfang Zhoukan, 南方周刊. (Lire « Coup de projecteur sur le futur pouvoir central chinois. 1re Partie »).

Mais, le signe le plus évident d’un net freinage politique est que les deux plus ardents promoteurs de l’ouverture, Wang Yang et Li Yuanchao, ont été écartés. Le virage conservateur est d’autant plus clair que les deux hommes ont une excellente réputation dans l’appareil et qu’ils tiennent tous les deux des fonctions de premier plan. L’un à la tête de la très difficile et très turbulente province de Canton, et l’autre à la fois comme chef du secrétariat du Parti et Président de la puissante Commission d’Organisation du Parti, 中共中央组织部 - Zhonggong Zhongyang Zuzhi Bu.

La mise à l’écart insolite de Li Yuanchao mérite qu’on s’y arrête, tant elle apparaît comme une sévère défaite de la faction Hu Jintao à laquelle il appartient. Le poste qu’il occupe contrôle en effet les nominations et les mouvements de personnels au sein de la bureaucratie. A ce titre Li Yuanchao est dépositaire du secret des enquêtes sur les membres du Parti ainsi que des appréciations confidentielles sur leur loyauté au système. Il a donc théoriquement le pouvoir de faire ou défaire les carrières.

Pour toutes ces raisons, sa promotion au Comité Permanent paraissait assurée, d’autant qui semblait faire l’unanimité entre les factions. A Pékin, la rumeur court que sa mise à l’écart, comme celle de Wang Yang aurait été décidée sous la pression de Jiang Zemin et Li Peng, dont il faut rappeller qu’ils avaient accompli des stages de formation en URSS et qu’ils sont les héritiers directs des répressions politiques de 1989 qui avaient écarté la totalité des réformateurs.

Lire « Coup de projecteur sur le futur pouvoir central chinois. 2e Partie » et « Coup de projecteur sur le futur pouvoir central chinois. 1re Partie »

Enfin, parmi les nouveaux venus, le seul proche de Hu Jintao est Liu Yunshan. Encore s’agit-il d’un apparatchik, spécialiste de la propagande, et du seul membre du nouveau Comité Permanent n’ayant aucune expérience de la direction politique d’une province. Ses convictions sont héritées des habitudes de contrôle, de manipulation de la pensée et de la mise sous le boisseau des médias. Elles sont à l’opposé de celles des réformateurs. (« Coup de projecteur sur le futur pouvoir central chinois. 2e Partie »).

En présentant les nouveaux membres du Comité, Xi Jinping, qui occupera d’emblée le poste de Président de la Commission Militaire Centrale, libéré par Hu Jintao contrairement à Jiang Zemin qui était resté en fonction jusqu’en 2004, a indiqué que le Parti, dont le fonctionnement était trop bureaucratique, devait rester en alerte et s’attaquer sans délais à l’éradication de la corruption et à rétablir une relation confiante avec le peuple.

On peut se demander si, disant cela, Xi Jinping avait conscience qu’une des raisons de la rupture entre le pouvoir et la société civile, de plus en plus réactive, était précisément l’opacité dans laquelle se déroulait les choix des dirigeants, dont la nomination est soumise à de multiples influences occultes, y compris celle des responsables depuis longtemps retirés, comme Jiang Zemin, pourtant au bord de trépasser il y a à peine quelques mois, aujourd’hui encore très fatigué, mais dont chacun aura remarqué la présence obsédante aux côtés de Hu Jintao, pendant le Congrès.


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