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Guo Wengui, le « chevalier pas très blanc »…entre corruption, règlements de comptes et luttes de clans

Depuis plusieurs semaines, Interpol a lancé, à la demande des autorités chinoises, une alerte rouge pour rechercher et arrêter Guo Wengui, un milliardaire chinois, connu également sous le nom de Guo Haoyun ou Miles Kwok, membre du mar-a-Lago, le club privé de Palm Beach, de Donald Trump et ami intime de Tony Blair.

La saga de Guo Wengui commence, il y a 50 ans, au Shandong, dans une famille modeste. Il est le septième d’une famille de huit enfants. Mais sa vraie carrière débute à Zhengzhou, dans le Henan où il fait ses premiers pas, dans le domaine des centre-commerciaux et de l’immobilier. Il se rattache ensuite à un groupe de « henanais » qui gravitent autour du Président Jiang Zemin, grâce en particulier à la complaisance de son secrétaire particulier, le général Jia Yanan.

Son influence augmentant, au fur et à mesure que sa puissance financière s’accroissait, il se rapproche ensuite de Hu Jintao, en s’appuyant, une nouvelle fois sur son assistant personnel, Ling Jihua, alors chef de la direction générale du Comité central du parti ainsi qu’à des relations étroites avec Ma Jian, le vice-ministre de la sécurité d’État, à la tête du contre-espionnage.

A l’approche des Jeux Olympiques de 2008, Guo Wengui est au sommet de sa puissance et de sa gloire. Il en profite pour remporter de nombreux projets immobiliers dans la capitale, notamment, le projet du Pan Gu Plazza, obtenu de haute lutte après une partie de bras de fer, chaude et quelque peu nauséabonde, avec Liu Zhihua, le vice-maire de Pékin ; fort de ses appuis politiques et de ses relations privilégiées avec Ma Jian, Guo Wengui, tendra un piège au vice-maire en le filmant lors d’ébats amoureux avec de jeune prostituées dans un hôtel de Pékin…

Devant l’ampleur du scandale, Wang Qishan, alors maire de Pékin, n’avait rien pu faire et avait, contraint et forcé, dû se résoudre à accorder le projet du Pangu Plazza, à Guo Wengui.

Mais dès 2015 l’étau s’est resserré autour de Guo…

Paniqué et voyant les mailles du filet se rapprocher, GUO décide en 2015 de s’exiler à l’étranger et c’est de son modeste appartement, de 68 millions de dollars, surplombant Manhattan, qu’il continuera à envoyer ses « tweets », accusant ses accusateurs, de corruption, des sanglots dans la voix, son petit bichon frisé dans les bras, sous son chandelier Lalique et au milieu de ses meubles Louis XVI et de ses peintures chinoises… (New York Times du 30 Mai 2017).

M. Guo se targue de posséder de nombreuses autres résidences dans le monde, à Beijing, Londres, Tokyo, Abu Dhabi et Hongkong. Sa résidence de Pékin a été évaluée à 230 millions de dollars et son petit pied-à-terre de Hong Kong, à Repulse Bay à 113 Millions… Mais, pour l’heure, il n’est pas sûr que son Airbus privé, puisse se poser dans ces deux villes…

Ses principaux amis et supports, Jia Yanan, Ling Jihua, Ma Jian, sont tous tombés un à un sous les coups de la campagne anti-corruption lancée par le Président XI Jinping et orchestrée par Wang Qishan.

Pire, une vidéo de Ma Jian avouant avoir reçu de Guo Wengui des enveloppes de plus de 8 millions de dollars pour divers services rendus, a été dévoilée par les autorités chinoises.

A la veille du prochain congrès du Parti communiste, les forces en présence resserrent leurs rangs et affutent leurs stratégies. Les fidèles de Jiang Zemin et de Hu Jintao vont être tentés d’utiliser les mécontents de la campagne actuelle pour essayer de faire barrage aux prétentions du Président Xi Jinping de réformer le pays.

Quoi de mieux que de tenter de donner la parole à un pauvre petit milliardaire « injustement » persécuté ?

Note de la rédaction.

Avec ses méthodes de spadassin sans scrupule articulées autour du chantage aux bonnes moeurs et à la probité, Guo Wengui a réussi à rallier contre lui la totalité du système politique chinois, des médias et de l’opinion. Celle-ci assimile plus ou moins tous les milliardaires, Guo Wengui comme les autres, à des corrompus ayant fait fortune grâce à des passe-droits. Pire encore, dans l’esprit du peuple chinois flotte envers les politiques une méfiance latente qui puise sa source dans l’enchevêtrement de la politique et des affaires.

C’est la raison pour laquelle l’épisode naviguant dans les eaux troubles de la vulgarité et de la délation touche un nerf sensible du paysage politique chinois.

Lutte de pouvoirs

La moralité publique qui se décline sur fond de lutte féroce contre la corruption débordant parfois vers la lutte de clans, est un des arguments de la lutte de pouvoir en amont du 19e Congrès. Avec l’attention portée au peuple, elle est devenue un des critères de l’aptitude à gouverner. Xi Jinping qui depuis 2013, affiche un style sobre et sans ostentation, le sait.

Ce n’est pas un hasard si, pour affirmer sa sollicitude envers les plus déshérités, le secrétaire général, s’est, en vue du Congrès, cette fois, fait désigner comme délégué du Guizhou, province montagneuse enclavée, peuplée de minorités et toujours une des plus pauvres de Chine.

Dans cette partie excentrée du grand sud, Xi jinping y retrouvera Chen Min’er, n°1 de la province, originaire de sa base politique du Zhejiang, que dit-on, le Congrès pourrait pousser vers le sommet. Depuis sa nomination, Chen s’est en tous cas appliqué à chevaucher le vent de la moralité et de la probité en appliquant à la lettre le slogan des « Trois rigueurs et des Trois honnêtetés 三 严 三 实 » , véritable guide de moralité du comportement et d’exigence professionnelle du fonctionnaire exemplaire.

En 2013, alors qu’il n’était encore que gouverneur du Guizhou, Chen avait déjà évoqué sa vision de la réforme d’un pouvoir politique transparent - « . exercé au soleil - 让权力在阳光下运行 » -, « contrôlé et limité par les institutions 把权力关在制度的笼子里 », pour « améliorer les rapports avec la société et les services publics 加强社会管理和公共服务 ». Il ajoutait que, « compte tenu de la persistance de nombreux problèmes au sein du système, il était urgent de saisir l’occasion de réformer les institutions et de mettre en oeuvre des changements efficaces … 机制等方面还存在着不少问题,必须不失时机地推进机构改革和职能转变。 »

On comprend alors que, dans ce contexte où le régime tente de réhabiliter son image de probité morale, les commérages publics sur Youtube à la face du monde de Guo qui, le 29 mai dernier, avait même dénoncé les prévarications de Wang Qishan, n°6 du régime et grand maître de la lutte anti-corruption, constituent un irritant de première grandeur pour la machine politique chinoise.

La voie de la justice américaine.

Alors que Washington n’a pas signé de traité d’extradition avec Pékin, mais que les deux ont, par le passé coopéré à plusieurs reprises pour déporter des fugitifs vers la Chine, le sort de Guo est dans les mains la Maison Blanche. Compte tenu des enjeux politiques en Chine, l’occurrence confère au pouvoir américain un important levier de pression.

Mais, alors qu’aux États-Unis, l’indépendance de la justice n’est pas un vain mot, il n’est pas impossible que la manœuvre de Hu shuli portant plainte pour diffamation auprès de la Cour suprême de New-York à qui elle demande de forcer Guo à produire les preuves de ses accusations, soit plus efficace que la voie diplomatique.

Considérons alors le paradoxe suivant : Si Guo était confondu par cette voie, c’est la justice débarrassée de la morale et de la politique qui viendrait à la rescousse du système politique chinois lequel, pour l’heure, hésite toujours à installer une véritable séparation entre ses hommes politiques, sa police et ses juges.

Le fait est qu’une condamnation par un tribunal de New-York pour avoir diffamé Hu Shuli, affaiblirait notablement la crédibilité de Guo et allègerait d’autant les inquiétudes du système politique chinois en amont du Congrès.


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