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La reprise est difficile et le chemin du réajustement socio-économique laborieux

Alors que la fête des lanternes du 24 février marque la fin des festivités du Nouvel An, la spectaculaire reprise des voyages familiaux et la hausse de la consommation intérieure n’ont pas suffi à relancer la croissance, ni à rétablir totalement la confiance de la classe moyenne.

Selon les chiffres du ministère de la culture et du tourisme publiés le 18 février, les 474 millions de voyages des familles pour retrouver leurs proches, représentaient une hausse de +34,3% par rapport à 2023. De même, depuis le 10 février, en glissement annuel, les 87,95 milliards de $ dépensés étaient un bond impressionnant de +47,3%.

Le dynamisme en partie retrouvé – le 19 février les valeurs chinoises se portaient mieux avec le CSI 300 [1] en hausse 5,4 % depuis début février - survenait cependant à un moment où le pouvoir s’efforce de stimuler la consommation intérieure pour tenir à distance les pressions déflationnistes, dont la plus préoccupante alerte était que, selon les chiffres publiés le 8 février par le BNS, l’indice des prix à la consommation avait baissé de 0,8% pour le quatrième mois consécutif.

Le document cite notamment les prix de la viande de porc, en baisse de 5,9% en glissement annuel, dans un contexte global où le prix d’une tête avait chuté de 17%, tandis que les prix des légumes frais et des fruits avaient respectivement baissé de 12,7% et 9,1%.

A côté des symptômes de déflation, signes annonciateurs d’une baisse de la croissance, en 2023, les ventes immobilières ont baissé de 6,5%, prolongeant une chute commencée en 2020, quand le gouvernement avait tenté de réguler le foisonnement anarchique des emprunts et la spectaculaire croissance du secteur numérique [2].

Alors que le marché immobilier est en crise, que l’excèdent commercial a tendance à se contracter, (entre le point haut de janvier 2023 à 92 Mds de $ et l’étiage de décembre 2023 à 75 Mds de $, la baisse a été de 18%), tandis que l’industrie privée est l’objet d’un contrôle politique renforcé de l’appareil, en 2023, les investisseurs internationaux se sont retirés des actions chinoises à un rythme préoccupant.

Signe d’une réticence politique, la série de mesures de relance sera insuffisante.

Au total, en dépit de la reprise enregistrée à la faveur du nouvel an, les tensions économiques persistent. Elles se nourrissent du bilan en demi-teinte de 2023, et de l’insistant freinage depuis quatre mois consécutifs de la production industrielle sur fond de défiance dans les affaires, notamment dans l’immobilier [3].

L’inquiétude de l’appareil se lit dans la somme des mesures de relance décidées depuis janvier.

Le 21 février, la Commission centrale pour l’approfondissement global de la réforme, organe suprême en charge de piloter la politique de réforme du Parti - 中央全面深化改革委员会- en abrégé 中央深改委, déclarait que « La Chine persistera dans sa stratégie de réforme et d’ouverture en vue de résoudre les problèmes de développement et faire face aux risques et aux défis à venir ».

Ces derniers mois, les autorités ont intensifié leur soutien pour tenter d’endiguer la chute des prix : les taux hypothécaires pour l’achat de logements ont été abaissés et les banques ont été autorisées à réduire le taux de réserve obligatoire.

Depuis février, s’ajoutant aux nouvelles facilités de visa en vigueur depuis le 1er décembre 2023 pour encourager le tourisme et faciliter les voyages d’affaires [4], la banque centrale encourage – tout de même très prudemment - les banques et les commerçants locaux à accepter sans formalité particulière les cartes bancaires étrangères jusqu’à limite de 500 $ par an.

Enfin et surtout, alors qu’elle n’a pas touché au taux préférentiel des prêts à un an, attendu par le secteur immobilier, le 20 février, la Banque Centrale a réduit son taux de référence pour les prêts hypothécaires à cinq ans de 3,95 % à 3,45%, soit 12%, la plus grande correction jamais appliquée, et premier ajustement après celui décidé en juin dernier dont la réduction avait été de 10%.

Mais pour Louise Loo, la demi-mesure à la suite des précédentes qui eurent peu d’impact, sera inefficace. Sheana Ye, collègue économiste d’Evans-Pritchard chez Capital Economics est tout aussi sceptique « La crise immobilière a encore miné la confiance des consommateurs et leur vieillissement continuera à freiner leur consommation. »

Alors que de nombreux économistes comme Michael Pettis attribuent les soubresauts de l’économie au défaut systémique d’une richesse nationale trop concentrée et mal repartie révélée par Li Keqiang lors de l’ANP de mai 2020 : « 600 millions de Chinois ne vivent qu’avec 150 $ par mois », Victor Shih expert de l’économie chinoise à l’Université de Californie à San Diego, doute que l’appareil ait les moyens et même la volonté de modifier la structure de la croissance.

Pour lui, alors que s’accumulent les surcapacités, l’investissement restera l’épine dorsale de sa pensée économique. « L’idéologie marxiste, qui valorise la production industrielle, restera le fondement de la politique économique de Pékin ».

Le long chemin de la réforme.

Pour Victor Shih, « selon toute vraisemblance, le gouvernement continuera à subventionner le secteur manufacturier. [NDLR : notamment dans les secteurs de l’Intelligence artificielle et des microprocesseurs de pointe.] La consommation, en revanche, restera un souci annexe ».

Au demeurant, placer la consommation au cœur de la stratégie socio-économique supposerait d’élargir au 1,4 milliard de Chinois un système social performant dont l’appareil estime ne pas avoir les moyens. « Surtout, » ajoute Shih, « dans ce contexte déflationniste ». Pour l’heure en tous cas, en l’absence de filets sociaux efficaces, « il sera difficile d’inciter les particuliers à dépenser plus. »

Pour autant, il serait erroné de croire que l’appareil n’a aucune marge de manœuvre tandis que l’hostilité des sanctions américaines favorise le branle-bas en urgence des ressources et des stratégies de rattrapage visant à plus d’indépendance.

Kevin Gallagher, professeur de développement global à l’Université de Boston, est moins pessimiste sur la situation de la Chine, dont, dit-il « la trajectoire de croissance est plus saine qu’on ne le prétend parfois. ». Mais il reconnait que le pouvoir doit abandonner sa prudence et procéder aux reformes socio-politiques avec plus de détermination.

Pour Gary Ng chef économiste chez Natixis à Hong Kong, « En articulant sa politique industrielle à la sécurité nationale, Pékin a pour objectif de réduire sa dépendance à l’égard des technologies étrangères et de soutenir ses ambitions géopolitiques à long terme. ». Lire nos articles : « Micro-puces » et droit de propriété. La violente riposte américaine contre la Chine et ses contrefeux & Modernisation de l’industrie lourde, « Chine 2025 » et transferts de technologies.

Dans le même temps, Ng ajoute que « Pékin a montré une nouvelle volonté d’investir dans des secteurs technologiques davantage orientés vers le consommateur, comme les énergies renouvelables et les véhicules électriques ». (…) « Contrairement à l’immobilier, ces industries ont la capacité de créer des emplois et de promouvoir l’autosuffisance économique ».

Il souligne que « Les investissements dans les secteurs de haute technologie devraient lentement réformer la base économique de la Chine », tandis que la consommation privée est déjà sur une tendance à la hausse. », mais ajoute que la mutation du schéma économique prendra du temps. « Il n’y a pas de potion magique. »

Note(s) :

[1CSI 300 : Indice boursier qui synthétise les performances des 300 principales actions chinoises. Classées par capitalisation, elles sont négociées sur les places boursières de Shanghai et Shenzhen. Comportant deux sous-indices, CSI 100 & CSI 200 (100 & 200 principales actions) l’indice est compilé par le China Securities Index : 中证指数有限公司.

Au fil des années, il a été considéré comme l’équivalent chinois de l’indice S&P 500 et comme le meilleur indicateur du marché boursier chinois. Le 25 janvier 2024, l’indice, en baisse depuis plusieurs années, avait atteint son plus bas niveau depuis 2019.

Le 15 janvier 2024, la forte baisse enregistrée depuis le 1er février 2021 (41,9%) a été enrayée. Au 22 février 2024, douze jours après le nouvel an, l’indice était en hausse de +5,4%. La plupart des experts estiment cependant que la reprise pourrait ne pas être durable.

[2Le 26 octobre 2022 nous écrivions : « La brutale mise sous le boisseau du secteur numérique par l’appareil politique percevant que le foisonnement de l’entreprise privée pourrait être une menace politique, a provoqué la chute des cours. » (lire : Raidissement marxiste de Xi Jinping. Quand la propagande se heurte aux réalités.)

[3Pour Julian Evans-Pritchard, responsable de l’économie chinoise au sein de la société Capital Economics basée à Singapour, « Le principal obstacle à la reprise est le manque de confiance dans la capacité des promoteurs à livrer des maisons pré-vendues ».

Louise Loo, responsable Chine à Oxford Economics confirme : « Un plus grand assouplissement de la politique monétaire est clairement nécessaire, dans un contexte de ralentissement persistant de l’immobilier et de confiance encore faible des consommateurs »

[4Depuis 1er décembre 2023 jusqu’au 30 novembre 2024, les titulaires de passeports ordinaires en validité de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, des Pays-Bas, de l’Espagne et de la Malaisie se rendant en Chine pour les motifs de commerce, de tourisme, de visite familiale et de transit sont exemptés de visa pour une durée maximale de 15 jours.

Également à l’œuvre pour de nombreux autres pays du « Sud Global », le 30 décembre 2023, le relâchement a été en partie appliqué aux visas des citoyens américains dont l’attribution a été simplifiée.


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