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›› Chronique

Chine, Etats-Unis, Canada, « Diplomatie de la peine de mort » : Ren Zhengfei, le PDG de Huawei sort de son silence

En attendant une embellie.

Tel est le contexte ayant entouré la rare interview publique donnée par Ren Zhengfei à un groupe de journalistes chinois le 15 janvier au siège de son groupe à Shenzhen.

Elle fut aussitôt relayée par les grands médias américains de CNN au New-York Times en passant par le WSJ. Ailleurs – entre autres - Le Monde, La Tribune, Les Echos le Financial Times, The Guardian, la Deutsche Welle, la BBC, le Japan Times, le South China Morning Post et beaucoup d’autres ont couvert l’événement.

Détail crucial, donnant à l’incidence une indéniable portée de marchandage politique, Ren Zhengfei s’exprimait après que Donald Trump lui-même ait, à la mi-décembre, suggéré qu’il pourrait peser dans l’affaire si l’intérêt des États-Unis était en jeu. En haussant l’analyse d’un étage, on constate que la Chine est la seule à tenir la dragée haute à Washington sur ses prétentions de justice extraterritoriale appuyée à l’utopique rigueur absolue de la loi, en réalité, instrument d’un puissant impérialisme industriel.

Au demeurant, l’important n’est pas tant ce qu’a dit Ren, que le moment où il s’exprime. Au milieu d’une féroce rivalité de pouvoir entre Washington et Pékin, prenant le Canada en écharpe, alors que la suite de la bataille est en suspens en Chine comme aux États-Unis, l’intervention d’un homme dont le prestige est incomparable dans l’appareil, n’a certes rien réglé directement.

Mais, au-delà des postures et des grands principes que chacun transgresse au gré de ses intérêts en jurant la main sur le cœur du contraire, elle eut la salutaire vertu d’ouvrir une lucarne sur l’exigence de pragmatisme, condition de l’apaisement.

Le « calme des vieilles troupes »

A la tête d’un groupe à l’emprise globale tentaculaire, fleuron emblématique de la « high-tech » chinoise, comptant 180 000 employés, n°1 mondial des équipements télécoms, n°2 des téléphones portables derrière Samsung et devant Apple, dont le total des ventes a atteint 100 Mds de $ en 2018, le Président Ren a d’abord réaffirmé son patriotisme chinois.

Puis sans surprise, en phase, avec le Waijiaobu, il a répété qu’en Chine « aucune entreprise informatique n’était autorisée à insérer des logiciels espions dans ses produits », ajoutant que « ni lui ni Huawei n’avaient jamais reçu de demande illégale d’espionnage de la part des autorités chinoises. » [3]. « Personnellement je ne porterais jamais atteinte aux intérêts de mes clients ».

Après avoir indiqué que sa fille lui manquait, remercié les autorités de Vancouver pour la manière dont elle était traitée, il a marqué sa confiance envers la justice canadienne, avant d’exprimer un hommage appuyé à Donald Trump – « un grand président » dont, dit il, il avait apprécié la décision de réduire les taxes des entreprises.

Enfin, ayant tracé sa vision d’avenir du groupe, à sa manière, prudente, toujours teintée de pessimisme et de modestie, il a, non sans ironie, précisé que la guerre commerciale avec Washington n’avait pas affecté sa société, mais qu’en 2019, les difficultés feront que la croissance ne dépassera pas 20% (sic).

Il est aussi revenu sur la structure du capital toujours opaque mais, dont a t-il dit, la totalité est aux mains de 97 000 actionnaires du groupe, sans la moindre participation extérieure. Il est un fait que la capitalisation de la compagnie opérant à l’écart des turbulences des marché financiers ne doit rien à la spéculation qui dilate souvent sa valeur réelle au-delà de la réalité de ses avoirs et de son potentiel industriel tangible.

Et, faisant allusion à l’embargo infligé à la compagnie sur le marché américain : « Si certains pays n’achètent pas nos produits. Nous pouvons réduire la voilure. Tant que nous serons capables de nous nourrir nous-mêmes, nous aurons un futur ».

*

Il est cependant possible que Ren ne soit pas au bout de ses peines. Selon le WSJ du 16 janvier, le département de la justice américain, dans un schéma proche du harcèlement, prépare une plainte contre Huawei pour vol de la technologie d’un robot développé par T-Mobile filiale de Deutsche Telekom pour tester les portables. En réalité, il s’agit d’une redite exhumée dans le cadre de la campagne de lutte contre le vol de technologies par la Chine.

Le cas avait déjà été jugé en 2017. T-Mobile avait été gratifié de 4,8 millions de $ de dédommagement versé par Huawei pour rupture de contrat à la suite du comportement de deux employés du groupe chinois ayant pénétré sans autorisation dans un laboratoire d’essais et pris des photos interdites du robot. Mais à l’époque l’arbitrage n’avait ni conclu à des dommages, ni à un enrichissement illégal, ni à un comportement délibéré et malveillant de la part de Huawei.

Note(s) :

[3A ce sujet, les cris d’orfraie poussés par les Américains condamnant Huawei nagent en pleine hypocrisie à viseur unique. Le 7 mars 2017, le site Wikileaks publiait une longue série de documents secrets de la CIA et du MI5 britannique prouvant que les deux avaient développé ensemble un logiciel permettant d’espionner les téléviseurs connectés de la marque Samsung.

Fonctionnant même quand l’appareil est à l’arrêt, « le pirate » est capable de transmettre à distance des conversations captées à proximité. On se rappellera aussi que la CIA a développé des logiciels espions fonctionnant sur les systèmes d’exploitation iOS développés par Apple. Que leur installation nécessite d’avoir un accès physique au téléphone, ce qui n’est pas toujours possible, le fait est que l’intention d’espionnage reprochée à Huawei avec force leçons de morale, n’existe pas seulement à Pékin.

En réalité, les inquiétudes entourant les technologies des télécoms en Chine sont moins enracinées dans la culture d’entreprise des sociétés que dans celle de l’État chinois. Suspicieux et inquisiteur, celui-ci impose à toutes les groupes opérant sur son sol de révéler les données concernant leurs clients dans les cas où la sécurité nationale est concernée dont chacun sait que les limites sont vagues. Ce qui autorise toutes les dérives.


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