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Défis économiques, perplexités et inquiétudes

Le graphique rappelle les taux de croissance depuis 1980. Ils ont systématiquement été au-dessus de 9% sauf à la fin des années 80 et 10 ans plus tard au seuil duXXIième siècle. Depuis 2011, ils accusent une baisse régulière.

Il plane une ombre d’inquiétude sur la capacité de la Chine à surmonter les défis socio-économiques et politiques que le régime a décidé d’affronter depuis 2012.

Le 14 avril dernier, lors d’un séminaire des chefs d’entreprise Li Keqiang n’a pas rassuré ses interlocuteurs en affirmant que les chiffres de l’économie du premier trimestre n’étaient pas encourageants. Reprises par le China Daily, ses déclarations renvoyaient aux difficultés de la transition dont le chantier est immense et compliqué : « l’investissement et la consommation, moteurs traditionnels de l’économie faiblissent, alors même que rien ne les a encore remplacés ».

Indicateur traditionnel de l’activité, le fret ferroviaire a chuté de 9% au cours des trois premiers mois de 2015, à son plus bas niveau depuis 2009. De même, les derniers chiffres de l’indicateur d’achats (HSBC) indiquent que la demande intérieure reste faible, ce qui pèse sur la croissance de la production. Dans le même temps, la réduction de la taille des entreprises a contribué à accentuer le déclin de l’emploi manufacturier et le rythme des suppressions d’emplois est au plus haut depuis l’été dernier. (Source : Ambassade de France en Chine).

Résultat : constatant que l’économie était soumise à d’importantes vents adverses, le premier ministre a promis d’autres mesures de relance budgétaire après la baisse des taux d’intérêts en mars, ainsi que de nouveaux investissements publics dans les infrastructures, les transports et les logements. Parallèlement, le gouvernement aidera les secteurs stratégiques à fort potentiel tels que les machines outils et les télécommunications, tout en augmentant son appui aux transports publics et au logement. En revanche, les entreprises impossibles à moderniser dont les performances sont médiocres, seront sacrifiées.

La manœuvre qui provoque déjà des faillites a d’abord pour but de remettre de l’ordre dans le marché financier jusqu’il y a peu encombré de prêts désordonnés, non recouvrables, toujours reconduits sans garantie ; elle a aussi pour objectif de tenter de résorber la dette cumulée qui dépasse 26 000 Mds d’€.

En arrière plan le pouvoir, préoccupé des conséquences sociales du ralentissement, garde un œil sur le niveau de croissance, procède à des relances ponctuelles et tient la tête hors de l’eau des entreprises qu’il estime indispensable de protéger.

Difficile pilotage macro-économique

Le graphique collationne des données de Merril Lynch, China Equity Bloomberg et de la Banque de Chine. Il montre les liens directs entre d’une part les mouvements de la bourse de Shanghai et d’autre part les mesures macro-économiques de soutien ou à l’inverse de rigueur. En rouge : les hausses des taux d’intérêts (cercles) et du taux de réserves obligatoires (triangles). En vert les mesures de détente monétaire.

Dans ce contexte acrobatique, le Conseil des Affaires d’État surveille de près la baisse de la croissance et tente de la contrôler : le 17 avril, les barrières au crédit ont été en partie levées ; trois jours plus tard l’équivalent de 1200 Mds de Yuan (180 Mds d’€) ont été injectés dans l’économie et le système financier par une nouvelle baisse d’un point du taux de réserve obligatoire pour les grandes banques (la plus forte diminution depuis 2008).

Dans le même temps, la Banque de Chine a injecté 58 Mds d’€ dans la Banque Chinoise de développement et l’Exim Bank, principaux canaux d’allocation de crédits publics, tandis que le Li Keqiang incitait les prêteurs à plus de souplesse, leur demandant de proroger l’échéance des dettes.

L’appréciation pessimiste de Li Keqiang, dans la ligne de son discours à l’ANP du 5 mars qui prévoyait une année 2015 encore plus difficile que 2014 faisait suite à un article du magazine Caixin du 18 mars qui dévoilait nombre de blocages structurels, à quoi s’ajoutent l’inquiétude des banques publiques et l’accumulation des dettes.

La Banque Chinoise de construction 中国建设银行 avait par exemple réduit ses prévisions de croissance à +1% contre 11% en 2013 et 14% en 2012, dans un climat d’affaires très morose. Du coup, les banques prêtent moins facilement ; les premières à souffrir sont les PME dont certaines on décidé de geler leur production en attendant des jours meilleurs.

La montagne mal évaluée des dettes.

L’augmentation constante des dettes des administrations locales mesurées à gauche en pourcentage du PIB (passées de moins de 20% en moyenne à 30% entre 2008 et 2014). A droite en trillons de RMB. Au 3e trimestre 2014 leur total était officiellement évalué à 20 000 Mds de RMB (3000 Mds d"€). Mais en janvier 2015 un audit national les situait à 6000 Mds d’€. Selon Caixin ce chiffre pourrait encore être sous-évalué du fait de la falsification des chiffres par certains gouvernements locaux.

En arrière plan, le retour des dettes toxiques dans un ensemble de déficits préoccupants : des financiers qui parlent sous condition d’anonymat cités par Caixin estiment que les chiffres de la Commission de régulation bancaire de décembre 2014 sur le montant des emprunts non remboursables évalués à 842, 6 Mds de Yuan (126 Mds d’€), en hausse de 42% depuis janvier 2014, sont très sous-évalués.

Le Shanxi et la Mongolie intérieure détiennent les records de prêts non remboursables ; au Sichuan la situation se dégrade, aggravée par la persistance des réseaux de crédits parallèles et l’inertie bureaucratique due à la campagne anti-corruption qui a durement frappé la province, ancien fief de Zhou Yongkang. Yu Xuejun fonctionnaire de la Commission de régulation bancaire confirme que partout les dettes toxiques augmentent plus vite que par le passé.

Les provinces essuient également les conséquences du raidissement des banques publiques et du ralentissement de l’économie. Au Shanxi, au Heilongjiang, et au Liaoning les revenus ont fortement baissé à la suite du marasme des secteurs de l’acier et du charbon. En Mongolie, les finances locales sont au bord de la faillite, incapables de payer leurs fonctionnaires sans l’aide du gouvernement central après la chute des cours du charbon.

Au total, l’audit national de janvier avait collationné 40 000 Mds de Yuan (6000 Mds d’€) de dettes des administrations provinciales, le plus souvent générées par des demandes de crédits pour des projets factices ou d’anciens projets avortés et recyclés, sans valeur ajoutée.

Selon une source de Pékin, la somme déjà considérable des dettes locales, serait largement en-dessous de la vérité, certains gouvernements ayant falsifié les chiffres. A Shanghai un directeur de banque qui souhaite rester anonyme, estime que les risques de faillites locales sont élevés.

Série de faillites.

S’il est vrai qu’il n’est pas question de faillites des administrations, Li Keqiang avait anticipé les dépôts de bilan des entreprises les plus mal gérées et les plus fragiles qui commencent à jalonner les restructurations. Après celle du constructeur naval géant Rongsheng, d’autres suivent : le 21 avril, on apprenait que le groupe public Baoding Tianwei fabriquant de transformateurs électriques devint le première entreprise d’État à se déclarer en cessation de paiement après avoir été incapable d’honorer les 13,8 millions de $ d’intérêts de ses obligations.

Selon un article de Caixin, c’est la première fois qu’un groupe d’État n’est pas renfloué par l’argent public. Les analystes financiers anticipent qu’il y aura d’autres faillites publiques et privées. Une tendance qui signale la volonté du gouvernement de mettre en application son tout nouveau principe de laisser jouer la loi du marché pour les entreprises mal gérées ou incapables de se réformer.

C’est l’avis de Ying Wang, analyste à Fitch Ratings à Shanghai : d’autres d’entreprises non stratégiques du secteur public seront sacrifiées. Les banqueroute s’inscrivent dans les efforts du pouvoir pour imposer une meilleure discipline au marché et rediriger les ressources financières vers la part productive du secteur industriel.

L’économie chinoise est entrée dans des eaux mal balisées.

Dans un contexte où on voit bien que la marge entre la remise en ordre et les risques de crise est étroite, le ralentissement de l’économie chinoise est dans toutes les têtes : en Chine, le premier ministre lui-même laisse entendre que l’objectif de 7% de croissance pour 2015 sera difficile à atteindre ; le FMI estime que la croissance 2015 se rapprochera de 6,8% et tombera à 6,3% en 2016. Au point que les analyses des experts commencent à flotter quand elles en viennent à apprécier les conséquences sur l’économie globale.

Dans l’immédiat personne n’anticipe que le ralentissement chinois provoquera une récession mondiale. Il reste que le freinage de la consommation en Chine et la baisse des importations ont un effet direct sur les matières premières.

Le marché du fer en particulier accuse un très fort ralentissement. Principales victimes : l’Australie, le Pérou et le Brésil dont les exportations en valeur ont baissé de 50% pour les deux premiers (respectivement de 5 à 2,5 Mds entre 2012 et 2014 pour le Pérou et de 7 à 4,5 Mds de $ entre 2013 et 2014 pour l’Australie). Le Brésil qui, en 2012, exportait pour 4,5 Mds de $ de minerai a vu ses ventes tomber à 1,5 Mds de $ à la fin 2014.


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