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›› Economie

Essoufflement de la reprise. Coagulation des vulnérabilités systémiques. Baisse durable de la confiance

Le 10 août, alors que les perspectives globales de l’économie restent préoccupantes, avec des symptômes de déflation - notamment un indice des prix à la production en baisse depuis dix mois consécutifs tombé, en glissement annuel, de +13% en octobre 2021 à – 4,4% en juillet dernier –, Country Garden, l’un des géants de l’immobilier prévenait ses investisseurs à la bourse de Hong Kong qu’au cours des six premiers mois de 2023, il avait enregistré des pertes de 7,6 Mds de $, contrastant avec les bénéfices de 264 millions de $ pour la même période de 2022.

Près de deux années après les inquiétudes de la crise du groupe Evergrande et la hantise d’une réaction en chaîne (lire : « Evergrande », le spectre d’un effet domino), les difficultés de Country Garden surviennent au milieu de résultats en demi-teinte du commerce extérieur, un des principaux réacteurs de la croissance qui, selon la Banque Mondiale, a, en 2022, compté pour 37% du PIB.

Alors qu’en juillet, les importations ont chuté de 12,4% par rapport en 2022, soit une accélération du recul déjà enregistré au cours des mois précédents, les exportations se sont contractées de 14,5%, montrant une nouvelle aggravation du recul par rapport à juin et une tendance qui s’accélère depuis 2020.

Comparée à 2022, la valeur des exportations vers les États-Unis, première destination du commerce chinois a reculé de 23,1% ; celle vers l’Union européenne de 20,6%. Dans la zone Asie, les exportations vers la Chine de la Corée du Sud, indicateur de la demande chinoise pour les biens de consommation courante du commerce global, se sont contractées de 25,1%.

Alors que les chiffres de l’investissement direct étranger, des secteurs de la construction, de la fabrication, des productions industrielles et des services décrochent, les résultats décevants du commerce renforcent les craintes que la croissance ralentira encore au troisième trimestre.

Pour Gary Ng, économiste senior, responsable Asie-Pacifique chez Natixis, l’espoir que l’économie chinoise pourrait comme en 2008, relancer la croissance mondiale est devenu irréaliste « Le rebond économique est plus lent que prévu. Il n’est en tous cas pas assez fort pour compenser la faiblesse de la demande mondiale et faire monter les prix des matières premières. »

Une coagulation des vulnérabilités génératrice de défiance. Des choix stratégiques limités.

L’inquiétude qui semble anticiper un coup de tabac, se traduit par un net ralentissement de l’élan productif et de la consommation. Elle se nourrit aussi des 13 000 Mds de dettes des administrations locales qui, en 2022 représentaient 76% du PIB, en hausse de près de 14% depuis 2019.

Malgré la baisse des taux d’intérêt décidée par la Banque Centrale, les entreprises et les consommateurs, prudents accumulent des liquidités plutôt que de les dépenser ou de les investir. La défiance est générale. Alors que les données sur les prix chinois confirmaient que la reprise économique s’essoufflait, le 9 août, à New-York, les actions asiatiques étaient sur la défensive.

C’est peu dire que l’appareil est inquiet. A la sortie d’une réunion du Bureau Politique le mois dernier, il reconnaissait que « la reprise était difficile - 经济复苏“艰难” ». Le porte-parole du Waijiaobu, Wang Wenbin l’a même qualifiée de « tortueuse 曲折 ».

*

Dans une analyse parue dans le Guardian du 11 août, Georges Magnus, chercheur associé au Centre Chine de l’Université d’Oxford, dressait le bilan des raisons qui, selon lui, faisaient que la panne de la reprise pourrait être le symptôme d’une coagulation de vulnérabilités plus profondes et plus anciennes que les effets de la pandémie.

En dépit de ses réalisations et de ses succès spectaculaires et incontestables, la Chine dont le niveau d’inégalités sociales est un des plus élevé au monde, a, au cours de la dernière décennie, accumulé une montagne de créances toxiques, multiplié des infrastructures de transport en partie sous-utilisées et des résidences immobilières non rentables dont un nombre anormal d’appartements sont vides.

Alors que son système productif est en surcapacité dans les secteurs de l’acier, du charbon, des panneaux solaires et des véhicules électriques, la croissance de la productivité est au point mort.

Au moment où le vieillissement s’accélère et où monte le chômage des jeunes, la faiblesse du système de sécurité sociale et de transferts de richesses est attestée par la situation indigente des 290 millions de travailleurs migrants non éligibles à la plupart des prestations sociales. Dans une ambiance générale de resserrement implacable du système politique, les temps s’annoncent difficiles pour la classe moyenne dont l’épargne est investie dans un secteur immobilier démesuré entré en crise structurelle.

*

Par cette analyse pessimiste, Magnus met le doigt non seulement sur les contradictions de l’appareil ayant raté la redistribution équitable des richesses, mais aussi sur la coagulation dangereuse d’une série de vulnérabilités.

Héritée d’un schéma de croissance dont une partie repose sur une puissance immobilière dont la valeur ajoutée réelle est à la fois faible et aléatoire, l’économie stagne, générant baisse de la production, chômage des jeunes et défiance.

L’ampleur du scepticisme politique tenu sous le boisseau par la répression, augmente depuis l’automne 2022, quand Xi Jinping avait décidé de sortir sans préparation de deux années de rigueur extrême d’un confinement qui durait depuis plus de deux années.

Les choix stratégiques de l’appareil sont réduits. Une relance budgétaire de grande ampleur pour tirer vers le haut la croissance porte le risque d’augmenter l’amas de dettes, d’affaiblir la monnaie, de déclencher une spirale inflationniste et de générer une fuite de capitaux.

A court terme, il est probable que le pouvoir se résoudra à assouplir le crédit, à relâcher les règlementations immobilières et les plafonds d’emprunt. Des mesures ciblées et prudentes seront aussi prises pour relancer la consommation. Quant au retour de la confiance, il reste douteux dans le contexte général où il est devenu structurellement impossible que la croissance retrouve ses niveaux antérieurs.


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