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Ren Zhengfei, fondateur de Huawei se défend des accusations américaines de vol de technologies et de transfert des données des utilisateurs aux autorités chinoises. En janvier 2019, il avait, dans une conférence de presse, nié que son entreprise était utilisée par le gouvernement chinois à des fins d’espionnage et déclaré qu’il « préfèrerait fermer Huawei plutôt que de faire quoi que ce soit qui nuirait aux intérêts de nos clients. » Ça n’a pas suffi. Les équipements 5G du groupe sont mis au ban par de nombreux pays occidentaux et récemment par l’Inde. Le 17 août, le gouvernement américain vient de lui porter le coup le plus sévère de son histoire en le privant des microprocesseurs haut de gamme qui tous sont fabriqués sous licence américaine.
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Le 17 août, l’administration Trump a pris les plus sévères mesures à ce jour pour priver Huawei de microprocesseurs utilisant les technologies américaines. Le but est d’empêcher le groupe chinois de contourner les restrictions déjà imposées en mai 2019 et mai 2020.
38 nouvelles filiales Huawei dont de nombreuses succursales de « cloud computing » implantées dans 22 pays ont été rajoutées sur la liste des unités dont l’approvisionnement en microprocesseurs est désormais sévèrement contrôlé par le Département du Commerce américain qui délivrera des licences de vente.
Les modèles de puces les plus performants portant tous des technologies américaines, aucun microprocesseur, quel que soit le modèle où que ce soit dans le monde, ne pourra être commercialisé sans autorisation américaine si l’acheteur est, d’une manière ou d’une autre, lié à Huawei.
Huawei dans la tourmente.
Dire que l’année 2020 est une année difficile pour Huawei est un euphémisme. Alors que ses équipements 5G sont pour des motifs de sécurité nationale, mis au ban aux États-Unis, en Australie, au Royaume Uni et en Inde, que plusieurs pays dont la France et quelques autres ont l’intention de réduire l’utilisation de ses équipements de relais 5G, l’embargo américain privait déjà les portables Huawei (plus de 36 Mds de $ de chiffre d’affaire au premier trimestre 2020) des services de Google.
C’était un premier coup très sévère. Les services Google sont en effet le cœur de la plupart des portables Android du marché. Ils proposent des dizaines d’applications tels que Google Maps, Google Drive, YouTube, Google Photos, Google Chrome, sans compter le magasin d’applications lui-même, Google Play Store. Sans « Google Mobile Service » (GMS), les téléphones Huawei sont aussi privés d’autres applications populaires telles que Facebook, WhatsApp ou Instagram.
Cette fois l’offensive touche le cœur du secteur des portables. Depuis le 17 août, Huawei ne peut plus s’approvisionner en puces étrangères ayant la finesse de gravure de celles fabriquées par Qualcomm, Intel ou TSMC.
Alors que la dernière livraison du fondeur taïwanais TSMC date du 15 mai, en Chine, le partenaire de Huawei HiSilicon qui fabrique ses puces sous licence américaine, lui aussi sévèrement pris en écharpe par l’embargo, a stoppé les ventes à Huawei de son dernier modèle de puces Kirin 990 équipant les modèles phare de la série P40 et Honor 30 Pro Plus.
Première conséquence directe de la guerre, le Mate 40, classique, modèle de base de la marque ne sera plus commercialisé en France, résultat du choix de Huawei. Placé devant la pénurie de puces de qualité, le groupe chinois qui pare au plus pressé a, pour l’instant, décidé d’équiper seulement la version Pro du Mate 40, plus sophistiquée et plus chère. Mais dès le 15 septembre, les réserves de puces haut de gamme seront épuisées. Pour Yu Chengdong (Richard) PDG du groupe, « cette année sera peut-être la dernière pour les puces Kirin ».
La guerre sera longue et difficile.

Le août 2019, à Zurich, lors de sa conférence des développeurs, Richard Yu, le PDG de Huawei avait dévoilé son système d’exploitation Harmony OS, 鸿 蒙 OS– hong meng - concurrent d’Androïd. Le système est, selon Huawei, conçu pour les téléviseurs, pour la 5G, les ordinateurs ou même les smartphones. Le défi est d’une ampleur technologique et financière considérable. L’embargo américain du 17 août y ajoute celui de la fabrication par le groupe d’un microprocesseur indépendant capable de concurrencer les produits des spécialistes du secteur coréens, taïwanais et américains. La prochaine conférence des développeurs de Huawei aura lieu du 10 au 12 septembre 2020 à Shenzhen au siège du groupe près de lac Songchan.
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On aurait tort de croire que la bataille est terminée. Elle ne fait que commencer et elle sera longue et laborieuse.
Les attaques directes américaines incitent Huawei à réagir. Mais le groupe chinois vient de loin et le retard technologique est important. Selon David Igue (Phonandroid.com), l’objectif serait de produire un premier microprocesseur Huawei d’ici la fin de l’année.
Il reste que sans l’apport de la technologie américaine, les modèles « commencent au bas de l’échelle » dit David Igue, avec une finesse de gravure de seulement 45 nm (nanomètre) –performance déjà atteinte par Intel en 2006 -, alors que les produits de pointe visent aujourd’hui des finesses de 5 nm, comme le « Snapdragon 875 » fabriqué par TSMC attendu pour 2021. Samsung, Qualcomm, Apple ne sont pas loin avec des performances de 7 nm, tandis que TSMC et Samsung travaillent sur une puce de 2 nm.
Même s’il est vrai que les progrès des procédés de fabrication réduiront les délais de rattrapage, il est très peu probable que les nouvelles puces de Huawei se rapprochent des produits de pointe des constructeurs taïwanais et coréens d’ici les 5 prochaines années.
D’autant que, dans la tempête qui réduit les bénéfices, les investissements nécessaires sont importants et que le Chinois cherche en même temps à développer un système d’exploitation alternatif à Androïd baptisé « Harmony OS », pour lequel il a déjà investi 1 milliard de $.
« Le pari est audacieux » écrivait Romain Vitt dans un article de Phonandroïd du 5 mars 2020. Il ajoute : « Par le passé, d’autres géants comme Windows Phone, Tizen, BlackBerry OS ont tenté une incursion sur le marché des systèmes d’exploitation mobiles. Tous ont échoué. ». A suivre donc.