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›› Politique intérieure

La saga de Google

La partie qui se joue en ce moment entre le gouvernement chinois et Google, largement commentée par les grands médias internationaux, mérite attention. Alors que la société américaine n’a pas encore mis à exécution sa menace de retrait, et que le pouvoir chinois semble hésiter, on peut déjà tenter de décrypter le bras de fer en cours.

Museler les opposants et filtrer l’information

L’épisode se développe dans un contexte général, où le pouvoir chinois tente de mieux contrôler les effets déstabilisants pour lui du formidable développement d’internet. Avec plus de 360 millions d’internautes et 10 millions de blogs, les nouveaux moyens d’expression et de communication, dont le pouvoir de mobilisation est inédit, sont devenus un révélateur de la maturité politique d’une partie de la société civile chinoise, qui brûle de s’impliquer plus dans la politique.

On y exprime fréquemment ses critiques des politiques publiques sur les sujets les plus divers, qui vont de la corruption des cadres à la politique internationale, en passant par la faiblesse des revenus dans les campagnes, les écarts de développement, les lacunes du système éducatif et des couvertures sociales et, de plus en plus souvent, les droits de l’homme. Une récente étude, utilisant un moteur de recherche, montre en effet que la fréquence des mots comme « liberté d’expression » ou « défense des droits » avait notablement augmenté.

Le développement du phénomène avait déjà, dans un passé récent, mis le pouvoir en porte à faux. C’est en effet une indiscrétion par internet d’un membre de la famille d’un responsable de la flotte de l’Est qui avait révélé l’accident du sous-marin Ming (70 morts), le 16 avril 2003, dans le golfe de Bohai, alors que la toute puissante Commission Militaire Centrale s’était abstenue de communiquer sur la catastrophe.

Depuis, on constate un raidissement du régime qui a décidé de placer le contrôle d’internet sous la bannière hautement sensible de la sécurité d’état. Une police d’internet, composée de dizaines de milliers de contrôleurs a été créée, qui repère les sites sensibles et les oblige à s’autocensurer, sous peine d’interdiction et de sanctions pénales.

Des équipes de spécialistes, participant de manière dissimulée aux forums, ont la charge d’orienter ou de modérer les « chats » entre internautes et de faire entendre habilement la voix officielle. Des centaines de milliers de sites étrangers - comme Facebook ou Twitter - sont inaccessibles, tandis que les informations « online » sont strictement sélectionnées et contrôlées.

Le Xinjiang enfermé dans le silence

L’exacerbation de cette méthode « du couvercle sur l’autocuiseur » s’exprime en ce moment même au Xinjiang, où, après les émeutes tragiques de juillet 2009, pour éviter toute fuite qui pourrait contredire les informations officielles, toute la province est, depuis six mois, privée d’internet et en partie de téléphone portable. C’est peu dire que le gouvernement chinois utilise les grands moyens pour ne pas être débordé par la marée d’informations véhiculée par le phénomène du web, dont on n’a pas fini de mesurer l’impact planétaire.

Il semble que la menace de retrait de Google, dont la part de marché est restée très en retrait par rapport à son concurrent chinois Baidu (33% contre 60%), soit intervenue après que les boîtes Gmail de plusieurs dissidents politiques connus auraient été attaquées. Selon certains, après ces attaques, la société américaine aurait jugé que la conquête du marché chinois ne valait pas les dommages causés à sa réputation de « moteur de recherche universel libre et sans tabous ».

Google populaire en Chine

Mais, contrairement à certains autres raidissements du régime, cautionnés par une opinion publique très nationaliste, le conflit a, au contraire, rallié aux côtés de l’entreprise américaine une partie des internautes chinois, séduits par l’ouverture sans contraintes de la machine Google.

Une circonstance qui met le gouvernement mal à l’aise. Ce dernier qui a tenté d’occulter les mises au point de Google, se contente pour l’instant de laisser entendre que la menace de retrait était une manœuvre tactique pour couvrir un semi-échec commercial, résultat d’une mauvaise gestion interne, ajoutant que les sociétés Internet devaient, comme les autres, se conformer aux lois chinoises.

La quête d’une information non manipulée

Pour être complet, il faut ajouter que Google n’est pas le premier à affronter la censure officielle. Des Chinois l’ont fait avant lui, à leurs risques et périls. A côté des obsessions de censure, se développe en effet aujourd’hui en Chine un état d’esprit pour une information exacte, complète et non manipulée. Ce mouvement est mené par des journalistes, dont le style direct et le courage tranchent avec la mentalité d’une partie de la profession, encore très sensible aux pressions du département de la propagande et à la corruption.


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