›› Chronique

Bruno Lemaire et Ma Kai, vice-premier ministre. Tout en reconnaissant la nécessité de rééquilibrer la relation, Ma Kai, un des plus éminents représentants du secteur étatique de l’économie chinoise qui fut le président de la Commission de Réforme et développement, bras armé du contrôle de l’économie par le haut, a tout de même objecté que la « réciprocité » que le ministre français appelait de ses vœux pour rééquilibrer la relation, était « un concept relatif ».
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La 5e session du dialogue économique France – Chine tenue à Pékin du 30 novembre au 1er décembre a marqué un tournant dans le style et la substance des relations franco-chinoises. Longtemps articulés au « volontarisme de la coopération », véhiculant le présupposé optimiste que les efforts consentis finiront par porter leurs fruits en dépit des déconvenues sur un marché immense toujours en expansion, les échanges, inscrits dans une ambiance générale européenne moins positive, se teintent aujourd’hui d’une sagesse dépouillée de lyrisme.
Marquée par une prudence confinant parfois à la défiance autour de projets concrets calculant, autant que faire se peut, ses intérêts au milieu de la vague de propositions chinoises en Europe portée par les projets des « routes de la soie », cherchant à la fois à identifier les investissements sûrs et de long terme capables de procurer des emplois, et à résister au chantage à l’accès au marché, la nouvelle stratégie française répond au vieil impératif de la « réciprocité. » longtemps ignoré par les politiques français.
En phase avec le nationalisme économique de la Maison Blanche qui fustige les manquements chinois aux règles du marché et de la propriété intellectuelle, Bruno Lemaire qui conduisait la délégation française, a insisté pour que les entreprises françaises aient un accès au marché chinois identique à celui dont bénéficient déjà les groupes chinois en Europe y compris dans les secteurs des finances et des services, dans celui des télécom, comme dans l’édition et les nouvelles technologies de l’information.
L’ouverture mesurée de l’économie chinoise.

Ma Kai qui fut l’un des deux interlocuteurs de Bruno Le Maire avec le vice-ministre des finances Zhu Guangyao, est aussi en charge de la stabilité financière du pays à la tête de la « Commission de la stabilité financière et du développement » qui comprend des représentants des commissions de régulation des banques, des assurances et du système boursier. S’il est vrai qu’il accepté d’ouvrir le secteur financier, il veillera aussi à le mettre en mesure de résister aux menaces posées par les investissements extérieurs et les dérapages de la finance grise chinoise.
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Brièvement résumée, la situation très mouvante de « l’ouverture chinoise » est aujourd’hui marquée par des encouragements publics aux investissements dans les hautes technologies, les équipements industriels haut de gamme, le recyclage, les énergies propres. Surtout, annoncés par le vice ministre des finances Zhu Guanhyao, le 10 novembre dernier, les limites aux investissements étrangers dans les banques chinoises ont été levées autorisant 51% de participation étrangère dans les banques (sous réserve de confirmation), les sociétés de courtage, les fonds d’investissements et les assurances.
En revanche, selon le guide des investissements étrangers, les prise de participation continueront à être limitées dans les secteurs où les entreprises chinoises bénéficiant des subsides publics ont déjà une position sur le marché mondial (notamment celles utilisant des hautes technologies que la Chine maîtrise comme les téléphones portables, le TGV, le nucléaire, les centrales thermiques, l’électroménager).
De même resteront fermés les secteurs pouvant avoir un impact sur la stabilité sociale (immobilier, marché des changes, entreprises à forte intensité de main d’œuvre) – ce qui induit également un doute sur le niveau réel d’ouverture des banques chinoises qui compte tenu des freins bureaucratiques et des réticences internes pourrait, selon la délégation française, prendre plusieurs années.
D’autres obstacles sont structurels, tels que l’absence de transparence, la volatilité législative, le non respect de la propriété individuelle, la corruption de l’administration et le protectionnisme mal contrôlé des bureaucraties locales à quoi s’ajoute un important « turnover des cadres » pouvant gêner le suivi des contrats.
En arrière plan de la rencontre continuait à peser une double déception : celle de la faible part de marché française en Chine (1,6%, soit 16 Mds d’€ contre près de 6% à l’Allemagne, soit plus de 70 Mds d’€ - chiffres 2016 -) et celle de notre déficit commercial évalué à de 32 Mds d’€, en hausse, (les exportations chinoises en France étaient de 48 Mds d’€ en 2016), alors que l’Allemagne, 3e puissance commerciale de la planète avec 252 Mds d’excédent global (source Trésor public) a, en 2016, enregistré 18 Mds d’excédents avec la Chine (source statistiques fédérales).
Les conversations ont porté sur la possibilité que la Chine augmente ses importations de viande de porc et de bœuf, de produits high-tech et de lait en poudre pour enfants. Les deux parties ont décidé d’autoriser l’émission d’obligations libellées en monnaie chinoise en France et en Chine, tandis que Paris pourrait relever le plafond des quotas d’investissements chinois libellés en Yuan.