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Le retour des routes de la soie. Le « grand jeu » du contrôle de l’Eurasie

Il y a loin de la coupe aux lèvres.

Le tronçon sud de la route de la soie vers l’Europe par l’Iran, traversant le Xinjiang et l’Asie Centrale. Après avoir posé les bases matérielles de cette nouvelle connexion eurasiatique, la Chine devra, en dépit des obstacles, lui donner un contenu commercial crédible.

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L’avenir dira si les réalisations seront à la hauteur des promesses. Après avoir construit la charpente des voies de communication, il restera en effet à donner corps aux interconnexions commerciales dont la Chine rêve pour redynamiser son économie. Or les défis posés au concept sont multiples.

Ils vont de la difficulté d’adaptation des chargements à un trajet rigide et immuable notablement plus cher, générant une logistique beaucoup moins souple que celle des transports maritimes, en passant par les problèmes techniques et les risques de sécurité évoquées plus haut ou encore la difficulté d’harmoniser les intérêts des riverains à ceux des entrepreneurs chinois.

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A titre d’exemple, la ligne Yiwu - Madrid inaugurée le 18 novembre 2014, date de l’arrivée en Espagne du premier convoi de 82 wagons venant du Zhejiang, semble avoir quelques difficultés à installer une régularité opérationnelle efficace et équilibrée.

Le quotidien Al Pais nous apprend qu’à ce jour 39 trains venant de Chine ont déversé leurs marchandises à Madrid, alors que seulement 8 sont retournés en Chine chargés de produits espagnols, essentiellement de l’huile d’olive, du vin rouge, du jambon, des fruits et de l’eau minérale. Le dernier voyage retour ayant eu lieu à la mi-mars.

S’il est vrai que le trajet est sensiblement plus court que la voie maritime (21 jours au lieu de 40), il est aussi plus cher de 20 à 30%, une différence de prix qui, avec les formalités bureaucratiques – en partie liées aux restrictions russes de transit des produits alimentaires - ont, selon le journal, découragé les exportateurs espagnols.

Depuis, la ville de Yiwu et la province d’Aragon ont signé un accord commercial pour tenter de mieux rentabiliser les transports. Dans ce cadre, un arrêt supplémentaire est prévu à Saragosse, à 250 km au nord de Madrid. En Espagne, les initiateurs du projet veulent croire qu’après une période de rodage le projet atteindra une vitesse de croisière satisfaisante pour les deux parties.

Il est vrai que le centre de Yiwu puissamment connecté constitue un point d’entrée de première grandeur sur le marché chinois, tandis que Mao Wenjin président de l’association Yiwu-Espagne qui distribue les produits espagnols en Chine, relaie dans ses discours l’intérêt que le gouvernement chinois porte à l’opération. Au point que la télévision d’État offre des plages de publicité gratuites aux exportateurs espagnols.

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Une autre difficulté des projets chinois qui semble révéler la dissymétrie des intérêts entre les entreprises chinoises et les riverains, est récemment apparue en Thaïlande. Le 23 mars, 6 années après son lancement, le gouvernement de Bangkok a officiellement renoncé au projet de train à grande vitesse long de 843 km proposé par Pékin qui devait relier la Thaïlande à la Chine par le nord du Laos, au prix initial de 15,7 Mds de $.

Le général Prayut a annoncé la nouvelle à Li Keqiang en marge d’une réunion de la Commission du Mékong organisée à Sanya, le 24 mars dernier. La nouvelle, tombée par surprise alors même qu’une cérémonie d’inauguration du projet avait été organisée en décembre 2015, a donné l’occasion à Prayut d’annoncer la construction d’une ligne TGV de 400 km de Bangkok à Nakorn, sur financements propres thaïlandais.

En même temps, il a, pour justifier sa volte-face, évoqué la faible rentabilité économique d’une ligne à grande vitesse vers la Chine. Pour autant, en contradiction avec l’intention qu’on lui prête de protéger les intérêts nationaux thaïlandais, il a, sans appel d’offres, concédé le contrat du tronçon thaïlandais aux seuls compagnies et ingénieurs chinois.

Il n’est pas impossible que la marche arrière opportuniste du premier ministre thaï ait été le résultat de fortes critiques adressées à Prayut accusé d’avoir accordé trop de facilités aux compagnies chinoises. Depuis quelques mois en effet, la polémique enflait pour cibler le manque de souplesse des négociateurs chinois sur les questions de prix, de dédommagement des propriétaires terriens et des taux d’intérêts.

Pour autant, selon Kom Chatikavanij, ancien ministre des finances qui initia le projet en 2010 sous le gouvernement d’Abhisit, l’affaire qui, selon lui, aurait échoué du fait du manque d’expérience internationale de Prayut, n’est pas enterrée. D’autres, en revanche, opposés au TGV et à la coopération avec la Chine jugée trop tournée vers ses intérêts exclusifs, estiment que les fonds publics thaïlandais seraient mieux employés à rénover les voies existantes.

Quoi qu’il en soit l’épisode met en évidence le contraste entre les discours des autorités à Pékin sur la coopération « gagnant –gagnant » et l’âpreté au gain des compagnies chinoises. Cette réalité s’imposera certainement autour des projets avec l’Iran, en dépit de la proximité stratégique entre Téhéran et Pékin. Elle fait partie des obstacles que le Politburo devra surmonter qui, un peu partout, en Afrique ou en Asie du Sud-est, plombent parfois les projets chinois, vite accusés, parfois à tort, d’être univoques, humainement coupés des réalités locales et spécifiquement centrés sur les seuls intérêts chinois.


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