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›› Technologies - Energie

Le sud du Cambodge, « comptoir colonial » chinois, point d’appui des « routes de la soie digitales »

Cette note qui met l’accent sur les investissements d’infrastructure et le versant technologique de l’emprise chinoise au Cambodge, complète l’éditorial décrivant « le sillage scabreux des routes de la soie » en pays khmer. L’implication de Pékin dans son arrière cour ancestrale qu’est le Royaume a provoqué une « déferlante » chinoise – 87 vols directs hebdomadaires venant de Chine -, attirée dans la région de Sihanoukville par le tourisme et une quarantaine de casinos.

La vague crée dans l’ancien port de pêche ouvert sur le golfe de Thaïlande un déséquilibre démographique assorti de désordres publics et de trafics en tous genres (prostitution, drogue, réseaux de « mères porteuses ») dont l’ampleur avait provoqué la défection des touristes européens et américains et la réaction inquiète du gouverneur ayant alerté ses autorités dans une note interne dont la teneur avait été révélée dans la presse par une fuite.

Au cœur de ce vaste mouvement se trouve d’abord la délocalisation d’entreprises chinoises – aujourd’hui plus de 200 – utilisant la main d’œuvre à bas salaires du Royaume dont le modèle intéresse la périphérie de tous les centres urbains du pays.

Un large éventail de coopérations.

L’élan chinois étendu à la construction de routes et d’infrastructures d’énergie comprenant 7 barrages et 3 centrales thermiques, a encore été multiplié par la signature en février 2018 de 19 lettres d’intention dans les domaines allant de l’agriculture à la restauration du palais royal et d’Angkor Vat, la construction d’un nouvel aéroport à Phnom-Penh, en passant par la coopération technologique (communication par satellite, réseau électrique), la construction de routes, ainsi que l’aide financière et médicale (projet d’aide pour les affections cardiaques).

Le large éventail des projets conforte la Chine à sa place de premier investisseur ayant injecté 30% des investissements directs étrangers dans le Royaume à hauteur de 4,5 Mds de $ en 2017, portant le stock des IDE chinois à près de 20 Mds de $.

Lire : Au Royaume Khmer, la France a cédé la place à la Chine.

L’aide s’accompagne d’un appui de Pékin au durcissement autoritaire du régime, devenant une autocratie familiale et clanique militarisée et à parti unique, dont bon nombre de tenants, contacts des investisseurs et des groupes chinois seraient condamnés en Chine pour corruption.

Mais au-delà de la recherche d’influence stratégique dans le Royaume, de la quête d’un marché pour les groupes chinois de construction et d’un exutoire de délocalisation pour les sociétés à la recherche d’une main d’œuvre moins chère qu’en Chine où, dans les régions industrielles du sud, le salaire mensuel minima dépasse 350 $, la région de Sihanoukville objet de toutes les attentions de Pékin revêt une importance stratégique reliée au vaste projet global des « nouvelles routes de la soie ».

China Télécom au cœur de projets ambitieux.

Dans la région de Koh Kong et Botum Sakor, à 50 km au Nord-ouest Sihanoukville, le groupe chinois Union Development Group, titulaire d’une concession de 45 000 hectares, empiétant sur des zones protégées, obtenue en infraction à la loi foncière locale a installé une zone d’extraterritorialité chinoise proche du concept de « comptoir colonial ».

Domicilié à Tianjin le groupe UDG, dont certains projets comme le casino de Dara Sakor sont pour l’heure à l’arrêt et à l’état de « friche », soulevant les critiques des populations locales, est en réalité devenu le fer de lance d’un vaste projet d’aménagement de la zone de Koh Kong, contrôlé et financé par la Chine comprenant la construction d’un aéroport avec une piste de plus de 3000 m, et d’un port en eau profonde, réplique des projets chinois de la côte birmane.

Au cœur de cet aménagement du territoire diligenté par les ingénieurs et les finances chinoises, non pas comme au Myanmar, les hydrocarbures, mais deux projets stratégique supervisés par China Télécom.

Le premier, partie d’une connexion Nord Sud par câble sous-marin entre Hong-Kong et Singapour, le long de la partie occidentale de la mer de Chine du sud, fait de la région de Koh-Kong où le projet est entièrement financé par la Chine, le relais des dérivations télécom vers la Thaïlande et la Malaisie.

Le deuxième projet matérialisé dans la zone de Botoum Sakor par la construction d’un centre de stockage de données connecté, s’inscrit dans le projet des « routes de la soie digitales ». Affiché comme un appui de la Chine au développement d’un cyber-réseau partageant sur le net des données et des informations entre les participants, le projet a aussi l’intention d’établir un maillage digital des étapes des routes de la soie, connecté au réseau Beidou des 35 satellites de positionnement spatial chinois dont l’achèvement est prévu en 2020.

*

En décembre 2017, invité à la 4e conférence internationale sur les « routes de la soie digitales » organisée à Wuzhen dans le Zhejiang, ouverte par une adresse de Xi Jinping, Dominique de Villepin avait repris le discours chinois de partage et d’échange des connaissances, des informations, des savoir-faire et des technologies entre l’Asie, l’Europe et l’Afrique, grâce aux connexions digitales chinoises [1].

Disant cela, il manquait une partie de l’image qui fonde l’inquiétude des experts du net et de l’industrie digitale. Tous craignent que la Chine prenne le contrôle de la sphère internet en vue de sa quête de technologies dont les fleurons seront en accès libre sur un réseau global. Sans compter que l’emprise chinoise dominante pourrait favoriser la tendance au contrôle policier du réseau, devenu la principale crainte des internautes chinois.

Note(s) :

[1Wang Hunning, idéologue du régime n°5 du Comité Permanent, présent au sommet, a notamment exprimé le souhait que « le développement d’internet et de l’économie digitale (domaines dans lesquels la Chine excelle – ndlr -) devienne le principal vecteur de l’ouverture, de la coopération, de la communication et du partage ».


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